Oasis des artistes: Poésie en ligne, Concours de poèmes en ligne - 6528 membres !
S'inscrire
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 


Mot de passe perdu ?
Inscrivez-vous !
Petites annonces
Qui est en ligne
247 utilisateur(s) en ligne (dont 218 sur Poèmes en ligne)

Membre(s): 3
Invité(s): 244

Cerisier, EvilFranck, ARobert13, plus...
Choisissez
Pièce de théâtre "Ussan n Tmuzgha" (Les jours de Gloire)
HĂ©bergez vos images
zupimages
Droits d'auteur


Copyright



Index des forums de Oasis des artistes: Le plus beau site de poésie du web / Poésie, littérature, créations artistiques...
   Contes et nouvelles (seuls les textes personnels sont admis)
     LA LUMIERE DE VIE - 1 - L'accident
Enregistrez-vous pour poster

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant | Bas
Expéditeur Conversation
Chibani
Envoyé le :  26/10/2023 17:21
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12086
LA LUMIERE DE VIE - 1 - L'accident
L’accident


Astrid s’était retrouvée assise, au bord d’une route, dans le noir le plus absolu d’une nuit sans lune. Ce qu’elle vit en premier fut le faisceau de deux phares qui transperçaient les ténèbres sans toutefois pouvoir atteindre la masse de nuages qui isolait la voûte étoilée.
Comment était-elle arrivée là, elle ne pouvait encore le dire. Ce dont elle se souvenait, c’était qu’avec son compagnon, ils avaient quitté Paris pour, lui avait-il dit, aller passer un week-end sans lui dévoiler le lieu pour lui en faire la surprise.
Fatiguée par une semaine absorbante de travail à l’hôpital Bretonneau, dans lequel elle occupait la fonction d’infirmière, elle s’était endormie dès que la voiture s’était engagée sur l’autoroute.

Un frisson, dû au vent frais de la nuit, lui parcourut l’échine. C’était vraisemblablement cela qui l’avait tirée du néant. Reprenant peu à peu conscience, elle analysait geste après geste, comme elle le faisait pour ses malades, les points où elle aurait pu être blessée mais tout lui sembla normal, hormis ces quelques petites gouttes, qui de la racine des cheveux juste au-dessus de sa tempe, ruisselaient vers la commissure des lèvres pour aller ensuite se perdre dans le col de son chemisier. Machinalement, comme elle le faisait depuis sa plus tendre enfance pour goûter au sel de sa transpiration, elle pointa le bout de sa langue pour en saisir une.
C’était légèrement adipeux, inhabituel, pas forcément désagréable mais précurseur d’une sensation à laquelle elle n’avait pas un seul instant songé. Du sang s’écoulait de son front. Elle était donc blessée !

Bien qu’auparavant elle n’eut jamais à subir de blessures importantes, sa réaction fût dictée par le bon sens de sa profession : Ne pas s’effrayer et, constatant que son chemisier qu’elle venait de tâter dans le noir, n’était pas particulièrement humide, elle en fut rassurée. Ce n’était donc qu’une blessure superficielle. Tranquillisée sur ce point, elle reporta son regard vers le double faisceau dont la portée, maintenant amoindrie, lui fit comprendre qu’il devait y avoir un certain temps qu’elle devait se trouver adossée contre ce talus. Tel un insecte capté par la lumière, son regard se fixait sur ce semblant de vie jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que deux petits points qui finirent par s’éteindre entièrement. Il n’y avait plus que le noir absolu autour d’elle, noir d’autant plus épais qu’aucun bruit ne venait le troubler. C’est là qu’elle eut sa deuxième réaction : Jérôme !

Jérôme était son compagnon, un beau jeune homme qu’elle avait rencontré aux Tuileries dans un après-midi de détente où le hasard avait voulu qu’ils se prêtent ensemble à récupérer un voilier qu’un enfant n’arrivait plus à diriger. Il y avait trois mois qu’ils vivaient depuis, soudés l’un à l’autre, en osmose totale malgré leur différence physique. Lui, basque d’origine, brun aux yeux bleus, proche du terroir et du clan familial ; Elle, blonde scandinave aux yeux marrons, isolée de sa famille dès ses études terminées.

Depuis cette fameuse après-midi, ils ne s’étaient plus jamais quittés, attirés par leur différence comme les pôles contraires d’un aimant. Ils ne s’étaient pas jurés fidélité, ils n’en avaient pas besoin, la nature avait réuni ce jour-là ce qu’elle avait de mieux depuis que l’homme existe. Et voilà que ce fichu accident…

D’un seul coup, une bonne partie des évènements qui avaient dû se produire durant son apathie se mit en place. Ces deux petits points lumineux qui venaient de s’éteindre ne pouvaient être que les phares de la voiture de Jérôme, mais lui où était-il ?
Péniblement, elle réussit à se mettre debout, constatant par l’effort que cela lui demandait qu’elle fût contusionnée de partout. Pas de fractures apparentes, mais de multiples ecchymoses.

La voiture n’est qu’à une quinzaine de mètres mais il lui fallut plus de trois minutes pour la rejoindre, manquant plusieurs fois de trébucher sur des mottes de terre vraisemblablement soulevées par le véhicule en perdition.
A tâtons, dans le peu de clarté de cette nuit profonde, elle constata que la portière avant, côté passager, côté ou elle s’était assise, est grandement ouverte, repliée jusqu’à l’arrière de la voiture. La ceinture de sécurité était débloquée et elle se souvint alors qu’elle l’avait dégrafée pour prendre une position plus confortable au sommeil qui l’avait gagné en cours de route.
Plutôt que d’entrer par cette ouverture, les douleurs de son dos l’en dissuadaient, elle entreprit en se guidant sur la carrosserie de passer de l’autre côté. Le capot n’avait plus cette belle forme lisse, profilée, aérodynamique, mais semblait, sous ses doigts, aussi bosselé que les quelques mètres de terrain qu’elle avait eu tant de mal à parcourir. « Mon Dieu, que va dire Jérôme quand il va voir dans quel état est sa voiture ». Cette pensée traversa son esprit sans qu’une seule seconde elle put réaliser qu’il pouvait être gravement atteint, ou même pire. Le choc qu’elle venait de subir annihilait son jugement immédiat, lui permettant, pour le moment, de seulement comprendre ce qu’elle pouvait constater.

La portière côté conducteur était fermée, scellée entre les deux montants par l’écrasement de la voiture. La vitre, bizarrement intacte, ne lui permit pas de voir, à tatons, si Jérôme était encore sur son siège. Comme une somnambule, elle reprit en sens inverse le tour du capot quand son pied butta sur un obstacle qui la projeta les deux mains en avant contre le pare brise. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que son Jérôme était toujours à l’intérieur, une énorme bosse convexe déformait le verre feuilleté. Une peur instinctive la secoua jusqu’aux entrailles.

Combien de fois, avait-elle vu de ces accidentés de la route, défigurés à vie, décervelés, réduits à l’état de légume après un choc semblable. L’émotion faillit la ramener dans l’inconscient dont elle venait tout juste d’émerger. Le temps qu’elle mit à revenir à l’autre porte lui sembla plus pénible que celui de l’aller. Elle faillit d’ailleurs tomber plusieurs fois, tellement absorbée par ce qu’il avait pu advenir à son compagnon, que par son souci d’éviter les ornières. Enfin parvenue devant, ce qui fut une portière, elle hésita encore à y pénétrer, craignant autant de se trouver confrontée à l’inéluctable qu’aux douleurs qui ne manqueraient pas de se rappeler à elle. Mais elle avait pris sa décision et, coûte que coûte, malgré le mal que cela lui procurait, les genoux appuyés sur son siège qui avait repris sa place comme si rien ne l’avait bousculé, elle pénétra dans la voiture.

Jérôme, les bras abandonnés le long du corps, semblait dormir, le torse appuyé sur le volant déformé, Pour retrouver l’équilibre qu’elle venait de perdre en se penchant vers lui, elle s’appuya sur le tableau de bord et sa main glissa sur une nappe gluante. Dans le noir, il lui était difficile de déterminer dans quel état se trouvait Jérôme et, quand bien même l’eut-elle voulu, son propre comportement lui interdisait de pouvoir le faire, bien que cette nappe non coagulée fût un signal de plaie profonde. Jérôme perdait encore son sang.

Surtout ne pas y toucher, se dît-elle, reprenant les réflexes conditionnés par sa pratique médicale. Téléphoner pour appeler les secours. Téléphoner ! Oui mais comment ?

La boîte à gants, où il avait rangé le portable, était ouverte et son contenu pouvait être n’importe où. Avec nervosité, elle tâta le plancher de la voiture, ramassant au hasard, un stylo, quelques pièces de monnaie, une gourmette qu’elle reconnut pour être celle que Jérôme portait à son poignet, divers papiers, mais pas de portable. Chaque seconde comptait, elle ne le savait que trop, il était vital de retrouver ce portable au plus vite.
Glissant sa main sous le siège elle crût l’avoir trouvée mais ce n’était que la vieille lampe électrique de Jérôme, celle qu’il conservait, entretenait malgré sa vétusté, et qu’il gardait comme un trophée. En plaisantant, il lui disait toujours que c’était la lumière de sa jeunesse, à un point tel qu’elle en était jalouse. Maintenant qu’elle devenait celle de sa survie, rien que de l’envisager, un léger sourire, le premier depuis qu’elle était revenue à elle, se dessinait sur ses fines lèvres. Le moment n’était pourtant pas propice aux souvenirs, les douleurs dans son dos étaient bien là pour le lui rappeler.
Sous la pression de ses doigts, la lampe remuait sans toutefois vouloir se décrocher, rivée au véhicule au même titre que son jeune propriétaire. Elle céda enfin et comme soulagée de sa contrainte, un trait lumineux éclaira le visage de sa libératrice en une auréole de vainqueur. A nous deux, se mit-elle à lui parler comme à une personne, on va le retrouver ce fichu portable. Le rayon lumineux balayait le sol du véhicule, accrochait au hasard le reflet métallique de l’allume-cigare qui était sorti de son logement, mais pas de portable.
Pour conserver l’espoir jusqu’à l’ultime chance, elle s’était bien gardée d’éclairer plus haut pour ne pas voir dans quel état était Jérôme et rester ainsi concentrée sur ce quelle devait faire.

Revenue à l’extérieur, elle fut effrayée de constater l’état de leur voiture. Elle avait dû faire plusieurs tonneaux. Plus aucune surface de la carrosserie n’était intacte, l’antenne électrique était arrachée de même que les essuie-glaces et les rétroviseurs. Comment s’était-elle retrouvée sur ses roues, cela tenait du miracle.
Elle agrandit son rayon de recherche au-delà du véhicule, vers le lieu où elle était revenue à elle. Son jugement lui dictait qu’éjectée en cet endroit, tout ce qui n’était pas resté dans le véhicule devait forcément se trouver aux alentours.
Elle avait vu juste. Le portable, comme en évidence sur son écrin, lorsque Jérôme l’avait acheté, était fiché debout dans une motte de terre meuble. En s’en approchant, elle constata qu’en fait, il s’était planté dans une taupinière fraîchement érigée dont la pauvre bête avait dû mourir de peur.
Après l’avoir nettoyé sur le bas de son chemisier, elle appuya sur la touche de mise en fonctionnement et le petit écran s’éclaira. Merci mon Dieu, émit-elle dans un soupir longuement exhalé. Vite, le 18 maintenant. L’appareil collé à son oreille resta muet quelques secondes avant qu’elle entende ce message laconique : Il n’y a pas d’abonné au numéro que vous avez demandé. Veuillez consulter votre annuaire ou le centre de renseignements. Elle émit un juron en regardant d’un air de défi le portable. Manquerait qu’il n’ait plus de batterie, autant faire le 17 maintenant.
Avec application, du bout de son index, elle écrasa les deux touches fatidiques. Le Un d’abord, le Sept ensuite dit-elle à haute voix comme pour conjurer le mauvais sort. La sonnerie intermittente lui assura que son appel était bien capté et après cinq ou six bips, elle ne les avait pas comptés mais les avait trouvés interminables, une voix monocorde empreinte d’un certain accent propre aux gendarmes en fin de carrière, lui susurra à l’oreille : Ici, la brigade de gendarmerie de …. Elle n’en comprit pas l’intitulé tant il l’avait vite dit, un réflexe de l’habitude que seuls les habitants de cette contrée pouvaient comprendre. Je vous écoute ; Parlez...
- Allo, allo, au secours, on a eu un accident, c’est grave, mon ami perd son sang.
C’était dit d’une seule traite, sans respirer comme un marin qui lance l’ultime S.O.S avant que son bateau ne coule sous les flots.
- J’ai compris.… un accident. Voyons, voyons, il est deux heures trente du matin… un moment de silence suivit cette phrase et elle perçut comme une plume griffer une feuille de papier. Il était en train de l’écrire. Nom, prénoms…la voix stéréotypée par les nombreuses années de pratique posait les questions traditionnelles…Nom, prénoms, pour un peu elle crût qu’il allait demander aussi son numéro de sécurité sociale.
- Mon nom est Hédelberg, mon prénom Astrid mais je vous en prie dépêchez-vous de venir, mon ami est bloqué dans sa voiture et il perd son sang.
- Vous avez dit Aidellebergue, c’est pas français ça. Ça s’écrit comment ?
Astrid habituée aux urgences qui sollicitaient l’attention et la présence immédiate du personnel de son hôpital n’en revenait pas. Comment pouvait-on réagir aussi stupidement. Sa réponse arriva plutôt cinglante : Hédelberg et ça se termine comme iceberg. Avez-vous l’intention de nous laisser crever ou quoi !
- Oh, écoutez, ma petit’ dame. Des plaisanteries on en a plus que notre compte, alors on ne se déplace plus pour rien. Si vous ne répondez pas à mes questions, je serais obligé de couper la communication.
- Non ! Je vous en prie, ne faites pas ça. Aidez-nous plutôt.
Elle l’avait formulé comme une plainte et quel que soit l’interlocuteur, l’accent ne pouvait pas tromper : c’était bien un appel au secours. Mais le règlement, c’est le règlement, alors…
- Nom, prénom, épelez lettre par lettre.
Puisqu’elle n’avait pas d’autre moyen, elle entreprit d’épeler son nom et son prénom aussi patiemment que sa situation l’exigeait puis, lorsqu’elle eut l’impression que son message était réceptionné, Alors, vous venez nous secourir dit-elle d’une voix sans concession. Imperturbable, la réponse la cloua sur place.
- Numéro d’immatriculation du véhicule, marque, couleur et emplacement du sinistre.
Une chape de plomb venait de lui tomber sur les épaules. Aucun doute, elle parlait à l’élément le plus représentatif d’une administration sourde et aveugle. Le fonctionnaire type, borné mais conscient de ses responsabilités, le parfait exemple de l’individu conditionné, incapable de modifier sans décret préalable l’ordonnancement de ses prérogatives. Le fait que la vie de Jérôme tenait à la seule bonne volonté de ce gendarme trop zélé lui soulevait le cœur.
- Vous ne comprenez pas qu’il y a urgence hurla t’elle sans pouvoir se contrôler, à quoi vous servent toutes ces questions alors que mon ami se meure peut-être en ce moment même. S’il vous plaît, faîtes un effort.
Dans sa tête, les neurones se bousculaient. Elle était parvenue à l’extrême limite de la patience que l’âge et la profession avaient pourtant bien ancrée. Comme elle le faisait dans les cas difficiles, elle prit une forte inspiration puis repoussa l’air au maximum entre ses lèvres pincées.
Presque comme par magie, tout se remit en place, chaque phrase échangée, chaque mot prononcé, s’analysaient d’eux-mêmes quand brusquement tout s’arrêta sur la dernière demande du fonctionnaire trop zélé : Emplacement du véhicule.
Tout devint clair dans son esprit, jamais elle ne pourrait préciser où ils se trouvaient. Comprendrait-il seulement l’abruti qui était au bout du fil, l’image faillit la faire sourire - au bout du fil avec un portable, enfin - comprendrait-il seulement qu’éjectée en pleine nuit après s’être endormie dès le départ et se retrouver commotionnée au bord d’une route inconnue, n’offrait aucune possibilité de réponse. Prenant conscience qu’elle perdait un temps énorme à rester en communication avec lui, machinalement elle appuya sur la touche qui mettait fin à leur conservation. Seule, elle était définitivement seule auprès de Jérôme qui gisait toujours affalé sur le volant de sa voiture.

Emplacement du véhicule, la phrase revenait dans sa tête en permanence comme une rengaine entendue le matin pendant la toilette et dont on n’arrive plus à se débarrasser au cours de la journée. Emplacement du véhicule, là résidait la seule issue à cette situation. Mais comment faire ? Il lui sembla soudainement bizarre qu’aucune autre voiture ne soit encore passée par là. S’ils avaient été proches d’une autoroute, même à cette heure tardive, il y aurait eu des témoins, des secours organisés, donc pour une raison qu’elle ignorait, Jérôme avait dû s’en éloigner.

Un début de plan de campagne se mit en place : Rejoindre la route - Trouver une borne kilométrique - Rappeler le 17 une fois la position déterminée. En espérant toutefois une correspondance plus efficace.
Grâce à la lampe électrique dont la pile, vraisemblablement changée avant leur départ, tenait toujours la petite ampoule allumée, elle put parcourir avec moins de difficultés le parcours qu’elle avait fait dans le noir le plus complet. La route sur laquelle elle se trouvait maintenant n’avait rien d’une nationale, tout au plus, en jugeant de sa largeur, elle devait être une départementale. Il ne lui restait plus qu’à déterminer si elle allait la suivre par la gauche ou par la droite. Le mince faisceau de la lampe électrique ne lui fournit aucune indication sur le choix à tenir mis à part qu’une légère déclivité l’inclinait vers la droite. Son choix se porta donc sur la gauche car en jugeant que l’accident ait eu lieu entre deux bornes, elle n’avait au mieux que cinq cents mètres à parcourir pour la trouver, autant pour en revenir et compte tenu de son état chancelant qui ralentirait sa progression, elle jugea qu’il valait mieux aborder le problème dans son sens le plus difficile.

La nuit était toujours aussi dense d’un noir compact, lourd, menaçant. Sans le secours de cette petite lampe, elle aurait eu du mal à se maintenir sur la chaussée malgré les quelques vers luisants qui pointillaient de leur luminosité les courbes de la route comme des yeux de chat incrustés dans le bitume des routes balisées
Elle mit dix minutes pour trouver ce qu’elle recherchait. Un petit arc de triomphe rouge et blanc capta son regard comme le phare de l’île d’Ouessant attire l’œil de la vigie sur un navire. C’était fou comment ce simple objet, qu’elle ne regardait même pas auparavant, lui apparût tout à coup mieux qu’une bouée de sauvetage ou un îlot sur lequel tout naufragé sait enfin trouver un refuge fixe et solide. Assise à même la borne, elle s’accorda un instant de récupération avant de se mettre à genoux pour tenter de lire, sous l’épaisse couche de poussière accumulée, l’inscription, clé indispensable à l’arrivée des secours.

Sur fond rouge, en signes blancs, elle déchiffra D 725. Donc, elle ne s’était pas trompée, ils étaient bien sur une départementale. En dessous, l’inscription en majuscules noires sur fond blanc indiquait LA ROCHE- … mais la fin du nom, occultée par une plaque de boue séchée, était illisible. Au risque de s’abîmer les ongles, elle entreprit de la gratter mais n’y parvenant pas, elle dut s’armer d’un silex qui gisait dans l’herbe pour forcer cette dernière porte. L’inscription s’étalait de toute son insolence retrouvée : LA ROCHE- POSAY - 8 Km.
Elle n’en crût pas ses yeux. C’était dans cette bourgade, sur les rives de la Creuse juste après sa jonction avec la Gartempe, qu’elle venait passer ses vacances d’été dans la maison de ses grands-parents lorsqu’elle n’était encore qu’une enfant.
Une foule de souvenirs, qu’elle croyait à jamais oubliés, lui revint immédiatement en mémoire. Elle se revit petite nymphe se dorant au soleil sur la plage que son grand-père avait aménagée au fond du terrain. Ce bref instant, chargé de souvenirs aussi agréables fussent-ils, n’effaçait pas pour autant le moment présent. Pas de temps à perdre, autant téléphoner tout de suite se dit-elle en appuyant sur la petite touche du portable.
Le 17 était resté en mémoire, elle n’eut donc pas à le recomposer et à la deuxième sonnerie, la même voix qu’elle avait précédemment entendue distilla sur le même registre : Ici, la brigade de gendarmerie de … le nom resta une fois de plus inaudible, je vous écoute, parlez.
- Astrid Hédelberg à l’appareil.
- Ah ! C’est vous que j’aie eue tout à l’heure. Je crois qu’on a été coupé.
Elle ne releva pas l’euphémisme, mieux valait en arriver au fait.
- J’ai votre renseignement. On est à huit kilomètres de La Roche-Posay sur la D 725.
Il répéta machinalement comme s’il se dictait ce qu’il venait de comprendre : Huit kilomètres de La Roche. Avant ou après ? Vous alliez dans qu’elle direction ?
Elle n’en crut pas ses oreilles mais se força à conserver son calme.
- Impossible de vous le préciser, je vous rappelle que je dormais quand j’ai été éjectée de la voiture.
- Mais comment on va vous retrouver alors ?
- Je vous attendrai avec une lampe Ă©lectrique.
- Bon, ne bougez pas surtout. J’alerte les secours.
Il ne lui restait plus qu’à revenir. Jamais elle ne s’était sentie autant épuisée et elle se félicita d’avoir pris la précaution de réserver la partie descendante pour le retour.

Pourvu que j’arrive à temps à la voiture, elle se rendit compte qu’elle parlait tout haut comme si le son de sa propre voix pouvait la protéger de tout ce que cette nuit noire avait de mauvais dans l’imaginaire. Tel un automate, elle avançait, pas après pas, reprenant en pensée tous les moments de cette funeste journée dont le bouquet final « ne bougez pas surtout » ressemblait à une rose dont on aurait enlevé toutes les épines. C’est fou pensait-elle comme certaines expressions peuvent être puériles ; vu la position de la voiture, elle ne risquait pas de jouer les fils de l’air.

Malgré sa fatigue, elle ne mit qu’un quart d’heure pour redescendre et son retour coïncida avec l’apparition dans le lointain de deux phares surmontés d’un gyrophare de lumière bleutée. Les secours arrivaient enfin. Soulagée de toute l’énergie qui l’avait soutenue jusque là, elle se laissa glisser le long du remblai, ne conservant que la force de tenir encore au bout de son bras levé la lumière de cette petite lampe, témoin de leur présence sur cette route isolée.
Sphyria
Envoyé le :  26/10/2023 18:33
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 25/4/2021
De: France
Envois: 27568
Re: LA LUMIERE DE VIE - 1 - L'accident
Un début intéressant aux personnages attachants qui donne envie de connaître la suite !
jaspelia
Envoyé le :  27/10/2023 14:51
Plume de platine
Inscrit le: 27/9/2016
De:
Envois: 3908
Re: LA LUMIERE DE VIE - 1 - L'accident
Une lecture prenante j ai beaucoup aimé


----------------
sans aucun maquillage

cyrael
Envoyé le :  28/10/2023 6:18
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 30/10/2005
De: ****
Envois: 83578
Re: LA LUMIERE DE VIE - 1 - L'accident

j'ai lu, accident ....

tout dépendra de la suite, si je vois que çà se dégrade, je ne vais pas

vouloir en lire, davantage!!!

elle appelle les secours, OK....

Mon nom est Hédelberg, mon prénom Astrid mais je vous en prie dépêchez-vous de venir, mon ami est bloqué dans sa voiture et il perd son sang.
- Vous avez dit Aidellebergue, c’est pas français ça. Ça s’écrit comment ?
Astrid habituée aux urgences qui sollicitaient l’attention et la présence immédiate du personnel de son hôpital n’en revenait pas.

ok____ Ă  la fin_____ arrivent les secours.. Ouf !!!!








----------------
l'Amour rayonne quand l'Ame s'élève, citation maryjo

Chibani
Envoyé le :  1/11/2023 15:29
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12086
Re: LA LUMIERE DE VIE - 1 - L'accident


Pas encourageant pour moi ou plutĂ´t pas disponible Ă  lire plus que quelques vers Ă  l'eau de rose ?

Merci toutefois de l'avoir Ă©mis, mais diantre, de quelle grandeur

le Chibani

franie
Envoyé le :  2/11/2023 20:47
Modératrice
Inscrit le: 28/5/2012
De: BRETAGNE
Envois: 38945
Re: LA LUMIERE DE VIE - 1 - L'accident
Bonsoir Chibani

Le titre est accrocheur. J'ai aimé ma lecture, très prenante et sincèrement je souhaite en lire davantage, son compagnon va t-il s'en sortir ?

Amicalement Franie


----------------

gentilprince
Envoyé le :  4/11/2023 7:11
Plume de platine
Inscrit le: 23/10/2012
De: Bassou - YONNE
Envois: 5158
Re: LA LUMIERE DE VIE - 1 - L'accident
Trop de détails pour moi...
Le fait qu'elle soit éjectée du véhicule et puisse encore
Se mouvoir
Est extraordinaire
Je veux dire
Pas ordinaire

Elle devrait être désarticulée

Après
J'ai un problème de concentration...
Pour tout ...

VoilĂ 
Mon retour

RomanNovel
Envoyé le :  12/11/2023 11:46
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 27/8/2022
De: Dordogne - Originaire de Lyon
Envois: 10250
Re: LA LUMIERE DE VIE - 1 - L'accident
Une histoire intéressante en ta plume qui raconte si bien cet accident et les sensations, les émotions qui vont avec avec tous ces détails, c'est très plaisant à lire. Et je connais La Roche-Posay pour y être passé voir des amis pas très loin.


----------------




Sybilla
Envoyé le :  16/11/2023 21:47
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Envois: 95649
Re: LA LUMIERE DE VIE - 1 - L'accident
Bonsoir Guy,

Très beau récit poétique !



Belle soirée poète Guy !
Prends bien soin de toi
Sybilla


----------------
Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates ""réelles"" de parution.

Le rĂŞve est le poumon de ma vie (Citation de Sybilla)

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant |

Enregistrez-vous pour poster