Oasis des artistes: Poésie en ligne, Concours de poèmes en ligne - 6528 membres !
S'inscrire
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 


Mot de passe perdu ?
Inscrivez-vous !
Petites annonces
Qui est en ligne
176 utilisateur(s) en ligne (dont 153 sur Poèmes en ligne)

Membre(s): 6
Invité(s): 170

Sphyria, RomanNovel, vinicius, Merdesiles, cyrael, MICKAELLE, plus...
Choisissez
Mes petits enfants (Malak et Soujoude)
HĂ©bergez vos images
zupimages
Droits d'auteur


Copyright



Index des forums de Oasis des artistes: Le plus beau site de poésie du web / Poésie, littérature, créations artistiques...
   Contes et nouvelles (seuls les textes personnels sont admis)
     Le grenier
Enregistrez-vous pour poster

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant | Bas
Expéditeur Conversation
Parceval
Envoyé le :  25/4/2023 8:56
Plume de platine
Inscrit le: 11/4/2011
De:
Envois: 3489
Le grenier

LE GRENIER ( Souvenirs apocryphes)

Voilà, c’est fait, il est parti et fait partie des souvenirs. Carton jaune, Tonton Bernard. J’ai du vogue à l’âme, c’est tout une partie de mon enfance qui s’est enfuie et qui revient alors que je passe le seuil de la maison de Balaguier cachée dans la pinède. Rien n’a vraiment changé, même après quelque vingt années d’absence. Vous savez, la vie, ça vous conduit ailleurs. Je monte l’escalier avec sa rampe de plâtre. Toujours aussi tordu, avec une porte directe sur la marche palière. Celle que je me suis pris dans la poire quand j’avais six ans. L’autre à droite ouvre sur une échelle de bois qui amène au grenier. La lumière filtre sous les tuiles canal et le courant d’air fait une discrète chanson. Une ampoule pendue sur des fils de coton torsadés ; culot à baïonnette. Un interrupteur de porcelaine que j’actionne au jugé : Il est bien là où il était. Et la lumière fut ! Quel capharnaüm ! Oui, peut-être un peu plus que jadis. Je marche précautionneusement sur les solives, car ici les plafonds, c’est roseaux et plâtre.
Les cartons et malles s’entassent au hasard, habillés de toiles d’araignées. Ah, oui : les cannes à pêche, les nasses, les girelliers, les paniers à champignons. J’ai un petit pincement au cœur. Je ne sais pas ce qui me pousse à ouvrir la malle noire, là. Je n’aurais peut-être pas du… De la paperasse, des vieux journaux, des livres et des boites à chaussures. Il y en a une grosse jaune que j’ouvre.
Non d’un petit bonhomme en bois ! Dedieu ! J’en sors un lance- pierre, un vieil opinel tout rouillé, un paquet de photos jaunies et une visière de carton publicitaire pastis Ricard avec son élastique cassée, plus un livre avec une couverture que je reconnais : Poil de carotte de Jules Renard… C’est comme si on avait ouvert la boite de Pandore. Le temps s’est effacé. Tonton Bernard me tient par la main. Juillet 53, cinéma Rex. Distribution des prix de la Communale à La Seyne sur Mer. J’avance en tremblant pour recevoir mon prix de grammaire et orthographe. Plus intimidé que moi, y a pas. Il m’a poussé sur l’estrade, le monstre. Je devais être rouge comme une tomate en recevant mon livre. Je n’ai rien entendu du compliment que le dirlo à fait. Je repose le bouquin et examine la fronde : ouais, c’est bien la mienne. Où est donc passé celle de Tonton ? Ah, ces parties de chasse aux grives dans la pinède et les arbousiers ! L’opinel, je croyais l’avoir perdu. C’est lui qui a du le trouver et qui l’a gardé. Multiusage, le surin : tailler des flèches pour mon arc, essais grossiers de sculpture sur des souches de bruyères. Gros soupir ! Que c’est loin, tout ça, que c’était bien !
Et la visière en carton : un souvenir qui saigne, celui-là. A l’époque, il y avait beaucoup de caravanes publicitaires qui « faisaient » les plages. Dop, Forvil et consorts. J’en avais attrapé une. Bon. A l’époque aussi on promenait et on se déplaçait à vélo, en famille, à la queue-leu-leu. Et moi, j’ai mis la visière pour faire le kakou. Hélas, il y avait un peu de mistral. La visière s’est rabattue d’un coup sur mes yeux et j’ai pris une gamelle. Ceux qui venaient derrière aussi ! Qu’est-ce que j’ai pris comme baffes ! Et le paquet de photos : la cerise sur le gâteau. Prise de vue : 6X9 gros trou, noir et blanc : Plage des Sablettes. Moi et mes sœurs, gras comme des aludes, avec les maillots tricotés en laine : la classe ! On avait pris la pose sur le béton fracassé des blockhaus de la plage. Je me souviens des chevaux de frise qui constellaient l’estran.
J’ai comme un trou, là, dans la poitrine ; comme un courant d’air qui aspire tout ce qui est remonté à la surface…
Les mystères de la malle noire, suite. Exit la boite à chaussures, le cahier du cousin Albert, et tutti quanti. Enfin presque : dans le fouillis de journaux que je bouscule, à la recherche de je ne sais quoi, ma main accroche un paquet de livres, et j’attrape le premier qui vient. Alors là, bravo ! C’est le gros lot du loto du lecteur.
Voyez-vous, braves gens, ce que je tiens en main, bien fatigué mais encore de bel effet avec sa ouverture illustrée est un bouquin de SF, Editions « Le rayon fantastique » Titre « Ceux de nulle part » Auteur Francis Carsac (Alias du Professeur Bordes, Université de Bordeaux) Le premier livre de SF qui m’a été donné de lire . Sorti en 1954, littéralement dévoré par mézigue en 1956 et qui m’a rendu fana de ce type d’ouvrage. Comment est-il arrivé là ? Je ne sais quand j’ai fini par admettre l’avoir perdu.
J’ai emprunté ce livre à la bibliothèque de la Société Sucrière Saint-Louis de l’île Rouge. Il m’a tellement fait planer (J’avais douze ans) que non seulement je l’ai lu dix fois, mais en plus je l’ai cravaté et jamais rendu ! Et puis je l’ai perdu dans divers déménagements. Je l’ai ensuite retrouvé chez un bouquiniste, racheté à prix d’or et je le conserve pieusement. Voilà donc le volume initial et initiateur, celui qui a enchanté mes siestes tropicales. J’étais le héros de l’histoire, entraîné dans des aventures terribles avec des soucoupes violentes, hors du temps et de l’espace, évidemment incompris dans notre misérable planète, et qui trouve l’amour extraterrestre version soft et hard et revient sur terre lever les légions pour combattre le cancer qui menace nos galaxies. C’était marrant, je le lisais à la sieste et le soir je refaisais l’histoire en rêve et en couleurs. Même avec le recul, cet ouvrage initiatique a gardé toute sa saveur, bien écrit, posant déjà le problème de la différence. Ceci malgré la présentation un poil schématique que j’en ai fait. Parce que vous ne croyez pas qu’en plus, je vais vous raconter toute l’histoire…
Je les ai tous eu ou lus les bouquins de Francis Carsac. Il n’en a écrit que six, je crois. Reportez-vous à Mister Google et vous comprendrez pourquoi j’ai adoré, et que je considère le Professeur Bordes comme un grand écrivain de SF.
… Je me recule un peu, le temps de me prendre la poignée de la lucarne sur le cockpit. Bon, allez, on va boire jusqu’à la lie la marée du souvenir. Je dégage la lucarne et sort ma caboche cabossée. Vingt ans au moins. Tout a changé, presque tout. Il y a toujours la prairie et au bout une trouée sur la rade de Toulon, la jetée et Saint Mandrier. Un survivant, à gauche : un eucalyptus. Il était déjà important, il est devenu énorme. A droite, le labyrinthe de lauriers à fait place à une murette. Au-delà de quelques pins pignons, c’est une cohorte de de toitures compliquées en tuiles canal des lotissements alentour. Il reste quelques cyprès, mais sont-ce les mêmes que dans mon souvenir ? Nous descendions vers le fond du pré et, passé le labyrinthe, il y avait un haut mur percé d’une poterne qui donnait sur la corniche et la mer. On peut se refaire un trip : Les foènes, les cannes, les casiers, nos sandales en plastique transparent. Mais bast ! Plus rien n’est comme avant, à part la mer…
« Et, quand je vois passer un bateau, j’ai envie de me foutre à l’eau » Le temps file, autant pour moi !


Parceval
Sybilla
Envoyé le :  25/4/2023 22:26
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Envois: 95944
Re: Le grenier
Bonsoir Parceval,

Lorsque l'on va dans les greniers familiaux, combien de choses du passé peuvent resurgir.

Je ne connaissais pas le mot girrelier. J'ai regardé sa signification sur Google.

Merci pour ce récit et intimiste tremble bien écrit et partagé avec nous toutes et tous.



Belle soirée cher ami poète Parceval !
Toutes mes amitiés
Sybilla


----------------
Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates ""réelles"" de parution.

Le rĂŞve est le poumon de ma vie (Citation de Sybilla)

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant |

Enregistrez-vous pour poster