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     UN DRĂ–LE DE VOYAGE
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Expéditeur Conversation
DIVERDE
Envoyé le :  12/3/2023 15:19
Plume de soie
Inscrit le: 4/2/2023
De:
UN DRĂ–LE DE VOYAGE
UN DROLE DE VOYAGE


Peter était sur le point de quitter le bureau, il était dix-sept heures trente à Los Angeles en ce vendredi de fin septembre. Il avait terminé sa semaine d’architecte. Durant celle-ci, il avait planché sur quelques projets, mais rien de bien excitant. L’activité du bureau dans lequel il était associé avec GLENVAL Jr était loin de le satisfaire.
Normalement le cabinet était fermé le vendredi après-midi, mais il était passé pour régler quelques dossiers avant de partir en week-end. Il avait déjà enfilé sa veste, et jeta machinalement un dernier regard derrière lui, pour voir s’il n’avait pas oublié quelque chose, mais qu’aurait-il pu oublier? C’est à ce moment qu’on sonna à la porte. Il attendit un moment, pensant que la secrétaire allait aller ouvrir, mais il se souvint qu’on était vendredi. Il alla donc ouvrir, en se demandant qui cela pouvait être.
Il se trouva en face d’un petit bonhomme tout parcheminé auquel il était impossible de donner un âge, du moins entre quatre-vingt et cent vingt ans. Le vieil homme le toisa, - si l’on peut dire, vu qu’il avait une bonne tête de moins que lui – et dit :
- J’aurais voulu parler à Mr GLENVAL
- Mr GLENVAL est déjà parti pour le week-end, je suis Peter RIFFICH, son associé, je peux peut-être vous renseigner….
Son interlocuteur le regarda dubitativement et demanda :
- Vous ĂŞtes Ă©galement architecte ?
Mais son intonation laissait clairement entendre qu’il n’y croyait pas trop, ou du moins qu’il était très étonné.
- Oui répondit laconiquement Peter, qui commençait à s’impatienter, en pensant qu’il allait être en retard à son rendez-vous avec Phyllis, ce qui n’allait pas arranger le climat de leur relation.
- De quoi s’agit-il, poursuivit néanmoins Peter ?
- Bien voilà, il y a déjà quelques temps de cela, j’avais soumis à Mr GLENVAL mon souhait de faire construire ma maison particulière. Celui-ci m’avait soumis un projet que je souhaitais étudier. Je voulais simplement l’informer que c’était d’accord. Mais comme je dois partir dès lundi à la première heure, pour l’Europe, et pour une durée de trois mois, j’aurais voulu signer le contrat avant cette date.
- Il ne devrait y avoir aucun problème, déclara Peter, se disant qu’il ne pouvait laisser passer ce contrat. Il doit y avoir un dossier à votre nom, Monsieur…
- NOCENZ, Paul-John NOCENZ.
- Eh bien Mr NOCENZ, si vous voulez vous donner la peine de patienter dans mon bureau, le temps que je mette la main sur votre dossier, et nous pourrons le signer tout de suite.
- Ceci n’est pas possible, certaines personnes doivent être présentes à la signature. Il vous faudra vous rendre chez moi.
- Bien comme vous voulez, oĂą demeurez-vous ?
- A Leadsville, vous connaissez ?
- Non.. qu’est que c’est encore que ce bled? pensa Peter-
- C’est à quelques douze heures de route de Los Angeles, nous vous attendrons jusqu’à demain quinze heures. Il vous faudra partir le plus tôt possible.
- C’est si loin que ça demanda Peter, laissant percevoir son désappointement.
- Si vous trouvez que c’est trop loin, je peux m’adresser ailleurs, bon nombre d’architectes seraient heureux de prendre le marché, répondit P.J NOCENZ qui avait perçu son hésitation.
- Non. Non.. Je disais çà histoire de me renseigner, je serais exact au rendez-vous Mr NOCENZ. Pouvez-vous me donner votre adresse exacte ?
- Il vous suffira de mentionner mon nom, et on vous indiquera.
- Bien, alors Ă  demain Mr NOCENZ, dit Peter en le raccompagnant.
Le vieil homme lui fit un petit signe de tĂŞte et sortit.

Putain de bordel de Dieu, jura Peter, ça ne pouvait arriver qu’à moi, maintenant il fallait qu’il prévienne son amie. Si Phyllis pouvait comprendre se dit-il, mais il savait très bien, vu l’état de leurs relations actuelles, que ce serait très difficile.
Elle décrocha au bout de la troisième sonnerie.
- Allo… Phyllis, c’est moi… bredouilla-t-il, excuse-moi ma chérie, mais je ne pourrais pas passer te prendre… non.. non.. je ne serais pas en retard, je vais devoir m’absenter tout le week-end, je dois partir dans un trou perdu pour faire signer un contrat et…mais oui seul, bien sûr seul, qui voudrais faire dix heures de route en pleine nuit…
Oui effectivement, tu n’es pas obligée de me croire, bon écoute on ne va pas se disputer maintenant, j’ai encore un tas de choses à faire avant de partir, je t’appellerai de là-bas… Ah ce n’est pas la peine… bon d’accord, comme tu veux. Il raccrocha énervé, son week-end commençait bien.
Il passa dans le bureau de son associé récupérer le dossier NOCENZ. Tout en cherchant, il se dit que depuis qu’il était associé à GLENVAL Jr, il n’avait jamais entendu parler de ce dossier, mais il est vrai qu’il n’était associé que depuis un an,- soit depuis 1984,- dans cette société d’Architectures- Bâtiments et Travaux Publics, créée par le père de son associé, qui outre la conception des plans, construisait les projets conçus, d’où l’importance du moindre contrat signé. Mais ses recherches furent infructueuses. Il avait cherché partout, dans tous les tiroirs, dans les différents classeurs, dans les autres dossiers au cas où il aurait été mal classé, mais sans aucun résultat.
Il se dit que n’ayant pas le dossier il ne pouvait se rendre à Leadville, et qu’il pourrait peut- être rattraper le coup avec Phyllis. En se disant cela, il se dirigea vers l’ancien bureau du père de son associé. La pièce n’avait pas bougée depuis la mort de ce dernier, la planche à dessin supportait un vieux plan, le bureau, bien que poussiéreux était impeccablement rangé, des maquettes étaient exposées dans des vitrines,- sans doute celles dont il était fier,- à les regarder de plus près, il n’y avait pas de quoi ! Ce n’était pas GLENVAL Sr qui avait fait évoluer l’architecture !! Il allait ressortir du bureau quand il pensa regarder dans l’armoire qui se trouvait près de la porte. Il y trouva un tas de dossier, pour la plupart vides, vestiges de l’activité de GLENVAL Sr, et tout au fond de la pile, un seul dossier avait l’air bien épais, il le prit, il s’agissait du dossier NOCENZ.
La chemise était d’un bleu délavé, comme si elle était restée longtemps au soleil, une date était marquée dans un coin « 1960 » il devait s’agir d’une vielle chemise réutilisée par le vieux grippe-sous de GLENVAL Sr.
Peter emporta le dossier dans son bureau. Il s’assit et déplia le plan. Il émit un sifflement, non pas d’admiration devant l’audace et l’esthétique du projet, mais devant l’importance dudit projet. Il ne s’agissait pas simplement d’une maison particulière comme le lui avait dit P.J NOCENZ, mais pratiquement de deux bâtiments de quatre étages reliés entre eux par une passerelle au niveau du dernier étage, ce qui lui donnait l’aspect d’un Arc de Triomphe, il devait y avoir au bas mot quelques 10000 mètres carrés, ce qui à 3000 dollars le mètre carré donnait près de trente millions de dollars.
Il prit le dossier avec lui, y glissa un contrat type, et regarda sur la carte où se trouvait Leadville. Elle se trouvait à près de 1400 Km de Los Angeles en empruntant la Vétérans Mémorial Hightway, qui suivait la vallée de la Colorado River et passait notamment par Las Vegas au Nevada, et St George en Utah. On quittait la Mémorial Vétérans Hightway. Comme avait dit P.J NOCENZ il devait partir sans tarder.
Il ferma le bureau, et grimpa dans sa Chevrolet Bel Air 1957, à laquelle il tenait comme à la prunelle de ses yeux. Il était passionné par les américaines des années 1950/1960, et une grande partie de son argent était englouti par cette voiture. Il n’eut pas besoin de repasser chez lui pour prendre ses affaires, vu qu’il avait déjà tout prévu en prévision du week-end qu’il aurait dû passer avec Phyllis.
Tout en roulant, il pensait à Phyllis, au plan qu’il avait dans sa mallette, à l’argent qu’il pouvait se faire avec celui-ci, cela lui fit penser qu’il n’avait pas téléphoné à son associé pour le mettre au courant, il le ferait une fois le contrat signé. Il pluviotait, il mit en marche ses essuies glaces, ainsi que la radio. La voix sirupeuse d’Elvis Presley se fit entendre, c’était « Love me tender », les vieilles chansons sont encore les meilleures, se dit-il.
Il était vingt et une heures. Il pensait qu’il devait rouler toute la nuit pour rejoindre Leadville qui connut son heure de gloire à la fin du 19e siècle, lorsqu’on la surnommait Oro City. Depuis, l’or avait disparu, la mine avait été fermée, et aux dernières nouvelles il n’y avait plus que quatre à cinq mille habitants qui devaient considérer P.J NOCENZ comme le grand manitou. Mais pourquoi, et surtout pour qui, un tel bâtiment ? se demanda-t-il… enfin l’essentiel était de signer le contrat.
Depuis son départ, il avait roulé près de quatre heures et arrivait dans les faubourgs de Las Vegas, il était près de dix heures, il se demandait s’il devait s’arrêter pour se restaurer, mais il ne voulait pas perdre de temps, il lui restait encore près de dix heures de route. Il décida de prendre un en-cas après avoir quitté Las Vegas. C’est ce qu’il fit, il s’arrêta dans une petite ville dont il n’avait même pas lu le nom, et après avoir pris un sandwich, un double café, et fait le plein de sa Chevrolet reprit la route. Il devait passer par l’Utah, dans sa partie la plus désertique et ne voulait pas tomber en panne d’essence, surtout qu’il continuait de pleuvoir.
Il en était là de ses réflexions, quand peu après avoir quitté cette petite ville, son regard fut attiré par un auto-stoppeur, Il ne pouvait décemment pas laisser cette personne sur le bord de la route, qui était peu fréquentée, sous cette pluie. Il s’arrêta donc à sa hauteur.
En fait d’auto-stoppeur, il s’agissait d’une auto-stoppeuse. Elle était forte, pour ne pas dire grosse, saucissonnée dans un jeans informe, tirebouchonnée dans un tee-shirt à l’effigie de James Dean, elle essayait de se protéger de la pluie avec une espèce de baluchon. Il descendit sa vitre et lui dit de monter.
Elle ne se fit pas prier, elle ouvrit la portière et s’installa ou plutôt se laissa tomber sur le siège qui émit quelques grincements, pendant que Peter refrénait les siens.
- Merci beaucoup dit-elle en lui tendant la main, qu’elle avait potelée, où allez-vous ?
- A Leadville
- Cà alors, c’est déjà extraordinaire qu’une voiture s’arrête, mais qu’elle aille à Leadville, le trou du cul des USA, c’est vraiment un miracle, je crois que je vais commencer à croire en Dieu. Moi je vais juste au croisement qui y conduit. Au fait je me nomme Mary Hitcher, mes amis m’appellent Marylin, ce n’est pas parce que je lui ressemble – comme vous avez pu en juger- mais parce que c’est mon idole.
Tout en parlant elle avait sorti une serviette éponge de son cabas et se séchait consciencieusement les cheveux
« Les fans, c’est comme la famille », pensa-t-il en démarrant, « on ne les choisit pas ».
- Moi c’est Peter Riffich
- Vous n’avez pas l’air dit-elle en souriant
- Pas l’air de quoi ?
- Ben… terrific
- Ça démarre bien, pensa Peter qui s’en voulait déjà de s’être arrêté, mais qui sourit néanmoins à sa passagère.
- Excusez ma curiosité, mais qu’allez-vous faire à Leadville ?
- Des affaires …
- Des affaires à Leadville !!! jusqu’à présent je pensais qu’on pouvait seulement y mourir !! vous y êtes déjà allé ?
- Non c’est la première fois…
- Ah.. je comprends mieux
- Cela vous arrive souvent de faire du stop ?..
- Oh non.. foutue comme je suis j’ai plus vite fait de prendre les transports en commun, mais il se trouve que toute la région est mal desservie, et il me fallait attendre jusqu’à demain.
Au moins elle était réaliste, pensa Peter
Elle fouilla dans son cabas et en sortit une pomme.
- Vous en voulez une ?
- Non merci..
Elle se pencha à nouveau et en sortit un couteau à cran d’arrêt, avec lequel elle se mit à peler sa pomme avec application. Mais au regard que lui jeta Peter, elle dit :
- N’ayez pas peur, je ne m’en sers que pour peler les fruits et contre ceux qui veulent me violer, dit-elle en souriant, autant dire que je ne m’en sers que pour peler les fruits… Votre métier vous entraîne souvent sur les routes ?
- Non… c’est vraiment rare, surtout un si long voyage
- Oh avec votre voiture cela doit être un plaisir de conduire, non ? … c’est le dernier modèle ?
Elle se foutait de lui ou quoi ? Sa Chevrolet avait plus de 25 ans, c’est vrai qu’elle était bien entretenue mais quand même !!!
- Comment ça le dernier modèle, elle a plus de 25 ans !!!
Elle le regarda d’un drôle d’air.
Peter alluma de nouveau la radio, il devait être tombé sur une sorte de Radio Nostalgie car on passait une chanson de Peter Paul and Mary. Elle continuait à manger sa pomme.
- Oh et en plus vous avez la radio cassette, çà s’est une invention !!!
Voilà qu’elle recommençait !!!
- J’ai justement une cassette, vous permettez que je la mette, et sans attendre sa réponse, prit la cassette dans son sac, et la mit.
Il s’agissait d’une vieille chanson des Platters « Sixteen Ton’s ».
- Que dites-vous de cette chanson des Platters ? génial non ?
Il dit oui de la tête, ne l’écoutant que distraitement, accaparé qu’il était par sa conduite, car il continuait à pleuvoir de plus belle.
- J’adore les Platters, Elvis, Bill Haley, Ray Charles, Sinatra, Dany Boone…
- Hum… vous m’avez l’air plutôt retro… non …
- Rétro !! elle lui jeta un regard étonné, mais ne dit rien.
Décidemment il était tombé sur une originale.
A ce moment, une rutilante Cadillac Eldorado sensiblement de la même année que sa Chevrolet le doubla à vive allure.
- On dirait que celle-là est plus puissante que la vôtre …
- Ouais, c’est étrange qu’elle soit en aussi bon état…
Elle le regarda de nouveau bizarrement.
Pendant ce temps les Platters avaient enchaîné avec « Only you, The Great Pretender,My Prayer » et autres vieux succès, Peter pensait à toutes les conquêtes qu’il avait faites sur ces slows.
La cassette terminée, elle la remit, et de nouveau on entendit « Sixteen Ton’s ». Sa passagère avait appuyé sa tête contre le fauteuil, elle avait fermé les yeux et chantait en même temps, rythmant son chant en claquant des doigts.
Elle chantait bien cette conne, se dit Peter.
- N’est-ce-pas que je chante bien dit-elle
Si elle lisait dans les pensées maintenant !!. Enfin, il espérait qu’elle n’avait pas saisi le dernier mot.
- Très bien, avez-vous fait du chant ?
- Non mais j’ai toujours aimé chanter, le plus souvent sous la douche avec pour seul accompagnement le bruit de l’eau ruisselant sur mon corps de déesse, dit-elle en souriant.
Peter n’osa se l’imaginer dans cette posture.
- Allons n’essayez pas de m’imaginer toute nue… de toute façon vous n’y arriverez pas, c’est pire que cà… ah..ah..
Elle faisait de l’humour à présent, bien que cela soit à ses dépens.
- Mais qui sait si vous ĂŞtes gentil, je vous montrerai peut-ĂŞtre..
Allons bon, c’est elle qui s’imagine des choses maintenant, peut-être que le cran d’arrêt lui servait pour obliger les hommes à la violer. Il frémit à cette pensée.
Pendant ce temps les Platters continuaient à chanter « Sixteen Ton’s ».
- Pourquoi « Sixteen Ton’s » ?
- Parce que j’aime ce qui est gros, tout ce qui est gros….
- Putain je vais finir par me faire violer..
- N’ayez pas peur je ne viole jamais personne
Mais c’est qu’elle lisait vraiment dans les pensées ! Il ne pouvait pas s’arrêter et la larguer, car il ne savait pas s’il aurait le dessus, il fallait à tout prix qu’il la fasse parler.
- Et que faites-vous dans la vie lui demanda-t-il du ton le plus enjoué qu’il put prendre ?
- Oh pas grand-chose, je travaille de ci de là, tantôt serveuse, tantôt caissière…, jusqu’à ce que mes patrons me jettent parce qu’ils en ont marre de voir mon gros tas.
- Vous n’êtes pas si grosse que ça, lui dit Peter en mettant le plus de sincérité possible.
- Oh ne charriez pas, si je n’étais pas si grosse que ça, comme vous dites, depuis trois heures que nous roulons, - car mine de rien, ils avaient roulés- vous auriez quand même tenté votre chance non… Mais ne croyez pas que j’en fasse une maladie, depuis le temps, j’ai réussi à m’accepter telle que je suis, et je ne me prive de rien, à tous les points de vue.
Les Platters continuaient leur scie.
- Pourquoi « Sixteen Ton’s » m’avez-vous demandé tout à l’heure, et je vous ai répondu en vous provoquant un peu. En fait c’est un surnom que j’ai gagné lorsque je conduisais un « gros cul » et vu le mien, mes « amis » routiers m’ont donné ce surnom.
- Et ça ne vous a rien fait ?
- Oh non, ça ne se voulait pas méchant, ils étaient tous sympa avec moi, et à ce sujet j’ai remarqué que les hommes étaient toujours sympa avec les femmes qu’ils voulaient baiser et avec celles qu’ils n’avaient pas envie de baiser, moi bien sûr j’étais dans la deuxième catégorie.
- Je vous sens bien amère.. elle commençait à lui devenir sympathique.
- Pas du tout, mais c’est comme ça, on ne peut rien y faire, les hommes préfèrent me voir comme un bon copain, on se demande bien pourquoi sourit-elle.
A ce moment ils croisèrent une Buick bicolore noir et rouge, suivie peu de temps après par une Pontiac Cheftain, toutes deux du milieu des années cinquante, aussi bien entretenues que la sienne.
- Ce n’est pas possible, il doit y avoir un congrès de vieilles voitures, dit-il.
Il ne remarqua pas le regard bizarre qu’elle lui lança une nouvelle fois.
- Si vous êtes fatigué, je peux très bien conduire un moment ….
- Non merci ça va aller, mais si vous voulez vous reposer un peu ne vous gênez pas pour moi, je vous réveillerai au cas où je sentirais la fatigue.
- Très bien, alors c’est ce que je vais faire…
Elle mit le fauteuil en position relax, et ferma les yeux, quant à lui il continuait à conduire sous la pluie. Vers les six heures du matin il arriva à St George dans l’Utah, il fit une pause, le temps de faire le plein, de prendre un café, et un sandwich, sans pour autant réveiller sa passagère qui dormait comme une souche. Lorsqu’il revint vers la voiture avec un café et un sandwich à son attention, elle était en train de se réveiller.
- Oh vous dormiez si bien que je n’ai pas osé vous réveillez, je vous ai apporté un café et un sandwich…
- C’est gentil, mais j’ai besoin d’aller aux toilettes
Et ce disant, elle se dirigea vers le snack de son allure de catcheuse.
Tout compte fait, il avait bien fait de ne pas la réveiller, il n’aurait pas voulu se faire voir avec elle.
Lorsqu’elle revint, elle avait l’air un peu plus en forme. Elle avala son café et son sandwich sans rien dire. Pendant ce temps il jeta un nouveau coup d’œil à la carte routière, et vit qu’il lui restait presque sept heures de route, il avait roulé moins vite que prévu.
Ils reprirent la route en discutant de choses et d’autres. Il avait à nouveau décliné son offre de conduire, il se disait qu’une bonne douche à l’arrivée suffirait pour qu’il soit en forme à son rendez-vous, il aurait tout le loisir de se reposer après. Cependant il pensait déjà avec appréhension à son trajet de retour.
Avant le croisement où il devait laisser sa passagère, ils passèrent sur un pont qui laissait voir l’eau marronnasse couler tumultueusement vers l’aval.
- Tiens on dirait que la chanson de Simon et Garfunkel a été écrite ici.
- Quelle chanson ? répondit « Sixteen Ton’s » ou « Marylin »
- Ben «The Bridge over trouble water»
- Connais pas, dit-elle en haussant les sourcils.
Bon, ce n’était pas la peine de discuter, elle était repartie dans son trip des années James Dean et Marylin. Il se disait qu’elle allait descendre dans un moment et qu’il ne la verrait plus.
Dans quelques jours, il raconterait son voyage à son associé et à ses amis, et il en rirait.
Arrivé à l’embranchement, elle le quitta aussi simplement que si elle avait fait une dizaine de miles avec lui et non pas près de 500 Miles
Il haussa les Ă©paules, et la vit se diriger vers le bord de la route oĂą elle posa son baluchon en attendant une autre voiture.
S’il ne pleuvait plus, un épais brouillard s’était levé, et après quelques tours de roues sa passagère s’était volatilisée dans son rétroviseur. Il poursuivait sa route vers Leadville, qu’il devait atteindre selon ses prévisions vers les quatorze heures, encore que… avec ce brouillard….
Il conduisait prudemment, dépassant rarement les 70 miles à l’heure, croisant très peu de voitures et le peu qu’il croisait semblait toutes aussi vielles que la sienne et aussi bien entretenues, il avait été doublé par une Chrysler Windsor, une Americain Chevy, il avait croisé une Chevrolet Corvette, une Oldsmobile il était persuadé qu’il y avait un club de fan de vieilles voitures dans le coin, il s’attendait presque à voir surgir une diligence, tout en se disant cela il vit des feux clignotants rouges, il ralentit car on y voyait très peu, et arriva devant un passage à niveau.
En fait de feux, c’était le préposé qui agitait une lanterne, et qui manipulait la barrière à la main.
- Décidemment se dit-il, puis il pensa que vu le temps, le mécanisme devait être en panne.
Il était là devant le passage à niveau attendant que le train passe. Il l’entendit d’abord, puis il vit la lueur de ses phares, et enfin il vit la locomotive passer devant lui, elle devait dater du début du siècle, c’est tout juste si elle n’était pas à vapeur.
Le préposé revint lever la barrière.
- Bonjour, dit Peter, sale temps, hein, c’est souvent comme ça par ici ?
- Souvent ? toujours oui, vous ĂŞtes dans le Cloud County !!
- Ah je comprends mieux, excusez-moi Leadville est encore loin ?...
- Vous en avez encore pour deux heures..
- Et dites-moi.. toutes ces voitures aussi vielles que la mienne et aussi bien entretenues…. Y-a-t-il un club dans le coin ?
- Oui, un club de gens Ă  pognon comme vous sans doute, bien le bonjour dit-il en soulevant un chapeau imaginaire.
« Encore un gars de la ville qui croit se moquer d’un péquenaud » l’entendit-il maugréer en s’en allant.
DĂ©cidemment comme originaux il avait eu son compte.
Il reprit sa route toujours dans la purée de pois, et près de deux heures après, comme l’avait indiqué l’homme du passage à niveau, il commença à voir les premières maisons de Leadville. Celle-ci se trouvait dans une cuvette au-dessus de laquelle un gros nuage flottait comme un couvercle sur une cocotte-minute. Il s’attendait à ce que la dite cocotte-minute émette un sifflement pour annoncer son arrivée, mais il n’en fut rien.
Il prit la route qui descendait vers la ville et atteignit les premières maisons, qui étaient toutes de deux à trois étages. Le brouillard s’était atténué, mais la municipalité avait laissé les lampadaires allumés, ce qui paradoxalement donnait un aspect lugubre à cette ville où les passants se faisaient extrêmement rares. Il est vrai que c’était un samedi et qu’il était quatorze heures, ils étaient peut-être encore à table, ou à une manifestation sportive quelconque, mais à quel sport pouvaient-ils s’adonner dans cette ville !!, le rodéo peut être….
Il roulait au ralenti cherchant quelqu’un à qui il pourrait demander l’adresse de P.J NOCENZ, quand il en repéra un qui venait dans sa direction. Il fit descendre sa vitre et demanda…
- Excusez-moi monsieur, pouvez-vous m’indiquer la demeure de P.J NOCENZ ?..
- Oh c’est très simple, au bout de cette rue vous tournez à droite et vous tombez dessus.
- Eh.. où sont tous les gens, vous êtes la seule personne que j’ai croisée..
- Ben, ils sont tous à son anniversaire comme je suppose que vous y allé vous aussi dit-il en continuant son chemin
C’était donc ça, il voulait signer le contrat le jour de son anniversaire en présence de sa famille, et il continuait d’avancer en constatant que les voitures garées le long de la rue n’avaient plus rien à voir avec toutes ces Buick, Pontiac, Chevrolet, Cadillac, Chrysler de la fin des années 1950 ou du début des années soixante, qu’ils avaient croisé durant son voyage.
Arrivé au bout de celle-ci, il tourna à droite comme le lui avait indiqué le passant et ce qu’il vit le sidéra. Une place, ou devait se tenir la totalité de la population de Leadville, servait de parvis à la demeure de P.J NOCENZ. Celle-ci était en tout point identique à celle du plan. Suspendu sous le dernier étage se trouvant entre les deux bâtiments flottait un portrait géant de P.J NOCENZ le représentant tel qu’il l’avait vu la veille, costume compris.
Il freina brutalement. Un agent de la circulation lui intima l’ordre de se garer en lui indiquant une place libre.
Après l’avoir fait, il resta un moment au volant en se posant des tas de questions. Il ne vit qu’une explication, il devait y avoir eu un autre plan au bureau, et il avait pris l’ancien, autrement dit, il avait fait toute cette route pour rien. Mais enfin, il devait s’expliquer avec P.J NOCENZ, et voir s’il y avait moyen de rattraper sa bévue. Il prit sa mallette et se dirigea vers le bâtiment.

Apparemment l’entrée était accessible à tout le monde. Sur un des piliers de l’entrée il vit un cartouche indiquant l’année 1960, et le nom de l’architecte, en l’occurrence GLENVAL Sr.
C’était bien ça, il n’avait pas pris le bon plan.
Il avisa un serveur, ou plutôt, vu la bâtisse, un majordome, lui donna sa carte, et dit qu’il était attendu par M. NOCENZ. Il patienta dans le hall, et se dirigea vers le buffet où il prit un sandwich à la viande et un coca. Tout en mangeant il jeta un coup d’œil à la construction, d’un style néo-classique un peu tape à l’œil, bien dans le genre du vieux GLENVAL.
Une jeune femme vint vers lui et dit :
- Vous aimez ?
- Hum… pas vraiment.. c’est un peu trop kitch…
- Oui je trouve aussi, mais je ne vous ai jamais vu par ici…
- Non, j’ai une affaire à traiter avec M NOCENZ… Mais dites-moi il fête toujours son anniversaire comme ça…
- Oh non.. mais pour le vingt- cinquième anniversaire de sa mort, on a voulu marquer le coup, au fait je me présente Julie NOCENZ je suis sa petite fille…..


DIVERDE1995
Sybilla
Envoyé le :  12/3/2023 21:37
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Re: UN DRĂ–LE DE VOYAGE
Bonsoir Jean Paul,

Tu possèdes un très grand talent de conteur !
J'ai lu cette histoire jusqu'au bout et j'avoue que j'étais assez perplexe quand au dénouement que je sentais venir malgré tout... !

Quel étrange récit mystérieux!

Superbe!



Belle soirée cher ami poète Jean Paul!
Toutes mes amitiés
Sybilla


----------------
Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates ""réelles"" de parution.

Le rĂŞve est le poumon de ma vie (Citation de Sybilla)

DIVERDE
Envoyé le :  13/3/2023 0:04
Plume de soie
Inscrit le: 4/2/2023
De:
Re: UN DRĂ–LE DE VOYAGE
bonjour sybilla
heureux que ma nouvelle t'ait plu, mais je préfererais que tu d'adresse à moi en employant mon pseudo (DIVERDE) et non mon prénom.
Amicalement
DIVERDE
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