Sur l'ardoise des ans, même l'amour s'efface...
Vous qui m’aimiez hier, d’un amour interdit
Avec tant de ferveur et tant de courtoisie
Ami, je le savais, mais ne vous ai rien dit,
Toute surprise alors que vous m’ayez choisie.
Je le savais, hélas! mais à ce cœur épris
Pour écho, je n’ai pu, qu’offrir un sein de glace;
Tout mon être pourtant, frissonnait de vos ris,
Et vos mots caressants m’étaient tendre préface!
Mon ami, vous m’aimiez, qu’en est-il aujourd’hui?
Le vent emporte tout dans son ballot d’ennui,
Sur l’ardoise des ans même l’amour s’efface...
Seule je vais souffler sur le brandon rougi
Secouer sous la cendre un souvenir vivace
Que j’avais cru pourtant, pleinement assagi!
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Oui, je relis ce jour tous vos plis d’autrefois,
De ma jeunesse ils sont l’ultime feu de bois!
Si n’ai plus de heurtoir pour ébranler ma porte,
C’est que déjà je suis pareille à feuille morte.
Croyez-moi je connais la dure affliction
Qu’inflige un mauvais sort sans rimes ni raison;
il a su me punir, et vous a fait offense,
Il nous a confondus dans semblable souffrance!
Fidèle je cachais sous le voile du deuil
L’émoi que provoquait votre regard céleste
J’avais trop de pudeur, de respect, trop d’orgueil!
De ma fidélité je boutonnais la veste
Ainsi quand vous veniez me clamer votre amour
Moi, je n’écoutai pas le bruit de son tambour .
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Si j’ai fui devant vous, si j’ai claqué la porte,
Le passé , vivement me revient et m’emporte
Au vent des souvenirs inassouvis d’amours;
Telle une jeune fille au printemps de ses jours!
Si vos lettres me sont , bien douce cantilène
Cette peine perdure, oui, j’en ai pris grand soin!
Elle fut ma compagne assidue et ma chaine...
Mais de pudeur Monsieur, je n’ai plus le besoin!Â
Par force, par devoir j’ai dédaigné la main
Que vers moi vous tendiez en si douce promesse
Et vous ai battu froid malgré tant de tendresse!
Vos aimables faveurs sur ce blanc parchemin
Par l’encre d’un baiser me redonne l’envie
Un instant d’oublier où j’ai jeté ma vie...
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Mais, l’ hiver qui s’avance, au seuil, de son pas lourd
Me dit qu’il est bien tard pour se parler d’amour;
Ce temps est trépassé , moi, je vous l’abandonne.
À mon front, je ne veux, de lys ni de couronne!
Laissez-moi vous rêver , je n’attends rien de plus!
D’un frêle lamento ...minuit rince sa gorge;
Tous les vœux, les serments paraissent superflus
Quand l’essentiel résonne au cadran de l’horloge !
Réunir nos destins ? quelle étrange folie!
Mon vieux cœur en bafouille et redouble ses coups,
Pardonnez- lui très cher, de vous il se délie...
Abandonnez-le donc à ses vieilles chimères.
Voyez -vous désormais mes lèvres sont amères
Lors, ne partagent plus, ni baisers, ni mots doux!
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Rosaly -mai 2019-