Plume d'or Inscrit le: 13/7/2021 De: Zhoushan Xiaosha Envois: 658 |
Hôpital
Car ce n'est pas rien de revenir encore une fois, si légère, dans la chambre, après cette escapade matinière qui a conduit à un peu plus d'émaciement, à un peu plus d'évincement encore que la précédente, d'y revenir, et d'y trouver, surmontée d'une parfaite tour de linges liliaux, une literie nouvelle, qui veut enthousiasmer la nouveauté même qu'invoque le sang. Le capharnaüm de plis a disparu : c'est un peu de mon gisant d'entrelacs qui s'est évanoui. Je me sens si vivante encore à essayer le plus précisément possible d'en décrire la décoration, comme la victime d'une catastrophe naturelle, à laquelle il est donné, sur son brancard de rescapée, avant qu'elle ne rende l'âme, de transmettre quelque chose des visions inhérentes aux vicissitudes qu'elle a connues. Je vois des rangées de carrés qui alternent avec des rangées de rectangles, et de manière si régulière qu'à chacun des carrés en haut répond en bas un rectangle. De longues bandes colorées parcourent en sinuant harmonieusement toute la surface de la taie et de la housse. Elles présentent des nuances variées qui ont un authentique pouvoir lénifiant : bleu pastel, jaune clair, orangé suave. Ce que devient ma fatigue dans la longue contemplation de ces nuances : une soif pure d'élixirs et l'étanchement de la grâce de cette soif. Or, lorsque ces bandes passent sur les carrés et les rectangles, leurs nuances se modifient chaque fois radicalement, comme si elles subissaient l'action d'un puissant filtre. Et la douceur de l'orangé, à la faveur de l'étape tétragonale, devient bleu ciel. Je vois encore que, dans chacun des tableaux, des griffures crayeuses esquissent des arabesques, entretenant le rêve d'un cryptide dont chacune des proies, au moment d'être saisie, aurait généré cet épanchement polychrome, déconcertant et libérateur. Un bain long, un bain désheuré est nécessaire, chaque fois, avant que le corps gracile et les longs cheveux de jais ne pénètrent lentement dans le pouvoir interstitiel du lit fée. Puis je déploie, avec une ardeur qui m'étonne, l'immense édredon qui a quelques volontés éphémères de baldaquin nocturne, et je m'en enveloppe ; j'abandonne ma tête en sourire à la taie d'oreiller. Les parfums délicieux participent de l'enfoncement infini de ma complexion. La pulsion de mort elle-même se repose, se délasse dans la fraîcheur des draps. Et si l'effusion qu'accorde une simple lame habilement et énergiquement appuyée, rencontrant alors tel carré, tel rectangle, changeait elle aussi sa nuance, passant du rouge leucémie au bleu ciel, au sang, au plasma couleur d'envergure, qui se confond avec le firmament, puis, poursuivant sa route à travers l'édredon, en venait à prendre l'éclat des mirabelles, la nitescence des orangeraies de nos robinsonnades assouvies...
Extrait du Journal poétique de la Jeune leucémique des lisières
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Plume d'or Inscrit le: 13/7/2021 De: Zhoushan Xiaosha Envois: 658 |
Re: Hôpital Bonjour, Hospitalité est bien la belle étymologie de ce mot : hôpital... Hospitalité du fragile, du corps, du labile, de l'esprit, de la halte, de la convalescence... Hospitalité du doute, de la persévérance... Hospitalité de la vision onirique, surréelle de la maladie, qui est d'abord une vision espérante... Car, oui, la Jeune leucémique des lisières est un être entièrement dévoué à l'espérance ! ... Pour lui avoir rendu visite à son lieu d'hospitalité par excellence, pour lui avoir offert ce bouquet des mots de vos sentiments, immense Gratitude ! ... La journée vous soit ardente ! ... Tradescantia
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