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     Dédé (épisode 3)
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Expéditeur Conversation
Palmier
Envoyé le :  3/9/2022 6:58
Plume de platine
Inscrit le: 12/12/2005
De: Cévennes (France)
Envois: 2661
Dédé (épisode 3)




Dédé (épisode 3)





***

Louisette...
Elle me fait de la peine. Je n'aurais jamais cru cela d'elle. Ah ! Non ! Une fille qui riait toujours ! Elle possédait autour d'elle un bonheur qu'on pouvait voir... Enfin ! Moi je le voyais.
C'était comme un halo doré, une aura qui la nimbait. C'était beau, c'était splendide. C'était rare. Elle sentait la joie de vivre de très loin, même si elle se trouvait hors de ma vue. C'était le signe de sa présence, sa marque...
Je m'en approchais assez pour bien le ressentir et pas trop près, pour qu'elle ne me voie pas. Je ne veux pas l'effrayer.
Je fais peur aux filles et les garçons m'évitent. Ils me font peur aussi. Alors, quand j'étais malheureux, j'allais prendre une petite ration de bonheur aux alentours de Louisette, en me cachant. Et j'étais imbibé de joie pour la journée. Des personnes comme Louisette, il n'y en a pas d'autres. Mais je devrais dire : comme Louisette était. Parce que c'est fini. Tout ça a bien changé. Elle a changé et je suis bien malheureux. Elle n'a plus son aura dorée, et elle ne rayonne plus la joie. Non.
C'est fini, bien fini.
Et maintenant, je l'entends qui m'appelle au secours presque tous les jours. Autour de sa tête, il y a un grand halo gris qui noircit davantage chaque fois que je m'en approche.
Elle a commencé à m'appeler d'un peu partout, mais maintenant, elle m'appelle toujours depuis le fond de ce vieux puits, où les murs sont couverts de mousse, où il n'y a presque plus d'eau. Un mètre, peut-être... Pas plus. Le seau, tout rouillé, reste au fond. La chaîne de la poulie est cassée. La margelle est démolie.
Le père m'a défendu de m'en approcher. Il parait que c'est dangereux. Pas pour moi. Parce que, si je veux, le puits n'a pas encore été creusé. Il n'y a encore jamais eu de puits, si cela me convient... Eux n'en savent rien.
Mais Louisette, elle m'appelle du fond du puits. Quand je m'en approche, que je me penche à la margelle, je vois son visage et ses mains dans l'eau. Sa figure est alors ridée, comme le temps, comme si elle avait cent ans, si elle était vieille. Et ses yeux sont noyés de larmes abondantes et claires comme l'eau du vieux puits. Ses mains flottent à la surface. Elles s'ouvrent et se ferment doucement avec le petit courant doux de la source qui coule dans le puits.
— Viens vite me chercher, Dédé !
Alors, tout doucement, pour ne pas l'effrayer, je lui dis, dans ma tête :
— Sors de là, Louisette. Vite, sors de là ! Je ne veux pas que tu restes là au fond, et moi je ne peux rien faire pour toi. Je ne peux pas sauter ! C'est toi qui ne dois pas y aller. Sors vite, Louisette !
Mais ses mains continuent de s'ouvrir et de se refermer, les doigts à bouger, comme si elle m'appelait.
— Viens, viens, Dédé, sors-moi de ce trou...
Au bout d'un moment, elle ne pleure plus, elle ne bouge plus, elle n'est plus là. Tout est calme.
Ensuite, je m'en vais rôder furtivement autour du mas de Louisette pour savoir si elle est là. Mais je ne sens plus sa présence, on dirait qu'elle a disparu. Alors, je m'assieds dans la mousse d'une faïsse, je pose ma tête trop grosse, qui pèse trop, sur mes genoux repliés. Et je me mets à pleurer. Et ça dure, et ça dure, tous les jours...
C'est pour cette raison qu'il m'a semblé que je devais en parler à quelqu'un. Pas à ma mère, la pauvre. Elle se ferait encore plus de souci pour moi. Surtout pas à ma famille. Je vais leur flanquer la frousse encore une fois.
Je vais aller le dire à Monsieur Mathurin, mon instituteur. Lui, au moins, je sais qu'il ne me veut pas de mal et qu'il va croire ce que je lui dis.


***


Monsieur le maire, Dédé est venu un jour me raconter que Louisette se trouvait au fond du vieux puits et l'appelait. Entre nous, on aurait dû boucher ce puits depuis longtemps. C'est dangereux, ce truc là en pleine cambrousse. Il n'y a presque plus de margelle. Par endroits il n'y en a même plus du tout, le trou est à ras. Et alors, si vous tombez là-dedans, il y a dix mètres de plongeon et un mètre d'eau au fond. C'est sans espoir d'en réchapper. Mais passons.
Dédé m'a bredouillé :
— Louisette est au fond du vieux puits.
Notez, Monsieur le Maire, qu'à moi il dit : "Louisette" et pas "la Louisette". C'est parce qu'il sait que j'y tiens. J'ai appris à tous mes élèves qu'on ne dit pas "le" en parlant d'une personne. Et donc, il n'est pas sot du tout. Il sait très bien à qui il s'adresse.
Puis il a ajouté :
— Elle m'appelle à son secours. Je suis allé voir et je l'ai vue au fond. Elle m'appelle, mais moi je ne veux pas sauter. J'ai peur, vous comprenez, Maître ?
Je n'ai rien pu en tirer de plus. Il gémissait et il pleurait. Alors, je suis parti à toute allure. Il m'a suivi tant bien que mal. Mais c'est loin. Il m'a fallu plus de dix minutes, même en courant. J'ai laissé Dédé en plan. Je suis arrivé là-bas hors d'haleine, en suant autant de la course que de l'angoisse. C'était pas loin de midi et ce devait être un jeudi, puisqu'il n'y avait pas classe ce jour-là. Je n'avais pas encore pris mon repas.
Seulement, il n'y avait rien du tout au fond du puits. Rien. Que de l'eau, de la mousse, un vieux seau rouillé coulé au fond, et quelques maillons de chaîne restés enroulés à la poulie...
Je me suis assis pour reprendre mon souffle. Et il est arrivé cinq minutes après, rouge et essoufflé lui aussi, avec ses gros yeux hagards fixés sur moi.
Je lui ai dit :
— Dédé ! Il n'y a personne dans le puits !
Il a bien compris que c'était un reproche. Sa grosse figure s'est boursoufflée. Il se retenait pour ne pas pleurer. Il m'a répondu :
— Je le sais. Louisette, elle n'y est plus depuis un moment. J'aurais pu vous le dire si vous n'étiez pas parti en courant...
Il m'a regardé tristement avec ses gros yeux qui ne cillent jamais.
— Elle va revenir, vous savez...
Des larmes coulaient sur ses joues... Il me faisait de la peine. Je l'ai pris par la main et je l'ai ramené jusqu'aux alentours de son mas. Il m'a regardé partir assis sur une grosse pierre.
Je l'ai laissé en plan parce que je voulais m'assurer que Louisette était chez elle. Alors je me suis rendu en toute hâte au mas des Cailles. Elle était bien là. J'ai respiré. Comme elle me regardait d'un drôle d'air, parce qu'elle se demandait visiblement pourquoi j'étais venu, je lui ai acheté six œufs. Elle m'a dévisagé, intriguée, car elle sait bien que j'ai des poules.
Je me suis senti obligé de lui raconter un mensonge en lui disant que mes poules ne pondent plus en ce moment...
Alors, elle m'a apporté six œufs pliés dans du papier journal, dans une boite. Elle avait l'air normal et moi j'avais l'air idiot, sûrement.
Pourtant, je ne crois pas que Dédé soit fou. Non, pas du tout ! J'ai supposé qu'il était peut-être jaloux. C'est possible tout compte fait. Il va sur ses dix-sept ans et Louisette n'en a guère plus de dix-huit. Mais vous savez que Louisette fréquente un jeune homme de la ville qui est mineur de fond ? Ils doivent se marier, m'a-t-on dit, l'an prochain.
Je me pose la question : Dédé ne serait-il pas un peu amoureux de Louisette... et jaloux ? Il se raconte des histoires pour se rendre intéressant ? Mais je n'en suis vraiment pas sûr. C'est pour cela que je ne suis pas tranquille, Monsieur le Maire. J'ai préféré vous prévenir, mais que peut-on faire ? On ne peut pas ameuter le pays sous prétexte que le "demeuré" a des visions !!
Mais je suis inquiet.



A SUIVRE...


Extrait de "Histoires mystérieuses des Cévennes"


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Avec mes amitiés

Alain

Pour voir mon site : Mes vers à moi

""A la cour, mon cher fils, l'art le plus nécessaire
N'est pas de bien parler, mais de savoir se taire !""
(Voltaire)

Sybilla
Envoyé le :  3/9/2022 14:26
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Envois: 93796
En ligne
Re: Dédé (épisode 3)
Bonjour Alain,

Merci pour ce troisième épisode que tu nous as offert à la lecture !
Vivement la suite !



Belle journée cher ami poète !
Toutes mes amitiés
Sybilla


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Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates "réelles" de parution.


Le rêve est le poumon de ma vie (citation de Sybilla)

dolores
Envoyé le :  3/9/2022 14:51
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 24/8/2009
De: france : 06 Alpes-Maritimes
Envois: 34130
Re: Dédé (épisode 3)
Bonjour Alain,

Une troisième partie des plus intéressantes qui m'a tenu en haleine
merci du partage bonne journée l'ami bisous


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