sur la berge étaient assises
deux mélancolieuses filles
l'une buvait l'orge musiquante
l'autre dardait son regard
sur la cendre et l'ardoise et le mauve
qui coulaient vers les arches monotones

chacune occupait un banc
et il semblait s'exhaler de chacune
une épure d'espace imperceptible à l'autre

j'avais tant besoin d'elles
du fanal de la rencontre
pour le navigateur las

mes yeux crièrent
jusqu'à la fixité du crâne
j'avais tant besoin d'exprimer

mais on n'en saurait rien
et passé, honteux du souffle même
j'atteignis un angle d'herbes et de pierres si aigu
que le réel s'y déchira n'y laissant qu'un lambeau

il y en a tant qui s'approchent ainsi
de l'eau puissante
après un long temps de pluie
il y en a tant qui se croient maîtres
d'y démissionner l'adversité
afin qu'elle roule jusqu'aux mers dissolvantes

à mon sang se mêlait un alcool amer
et dans le songe ainsi enfanté
je hélai les filles

favori de la chimère
je l'osai, oui, je l'osai
la syntaxe régénératrice de l'orge
la pragmatique souveraine du houblon
à haute voix de tempête descellée
le langage de l'humain épanchement

et torrentiel je disais l'amour tué
les lentes ruines des lieux d'étreintes
et cette toute première sonnerie dense
dans la solitude du scriptorium
et je disais cette main trouvant la main
à la place de tout le vent passé
torrentiel je disais la délicatesse des sourcils
et les frissons légers sur les paupières
à l'instant des visages parfaits l'un par l'autre

au-devant de mon sang
de ma mémoire
de mon soliloque
allait une entière rivière de liqueur
grosse d'une saison en orage

dans le goût du réveil
s'empoisonna un peu plus le baiser de ma chance

mais c'est le sac hideux d'acharnée munificence
la bouquinée supplique pour le pardon
qui disparut dans les flots plutôt que moi

oh ! la gravité du corps sur la berge déserte !
oh ! l'épaississement du mouvement
sans nulle destination
que l'un de ces trains décochés dans la nuit
et qu'empennent des fulgurations de soufre



Tradescantia

 

 

 

 

Bonjour Tradescantia,

De bien sombres images torturées et tristes où tu nous emmènes toutes et tous dans les souvenirs de ton passé en ta très belle poésie émouvante !

Bon courage !



Douce journée cher ami poète!
Toutes mes amitiés
Sybilla

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Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates ""réelles"" de parution.

Le rêve est le poumon de ma vie (Citation de Sybilla)

l'amour parfois nait de rencontres fugitives, ces deux étrangères vous ont inspiré de superbes sentiments et images hautement subtiles, un nouveau régal, avec sa part de mystère



yann

Bonjour,


Des solitudes se rencontrent au bord d'une rivière torrentueuse, mais elles demeurent des solitudes. On dirait qu'elles ont dressé autour d'elles des frontières infranchissables. C'est peut-être cela, le paroxysme, la quintessence de ce sentiment, passer à côté de l'autre, brûler de s'arrêter, mais passer, et faire de la rencontre, dans la distance qui s'accroît, ce défi qui ne sera pas relevé. Trois solitudes se croisent, se frôlent, mais leurs imaginaires farouches sont de puissantes îles, sont d'impérieuses autarcies... Et déjà le brutal train du partir est décoché dans la sombreur.

Cependant, Gratitude grande à vous qui avez côtoyé le tableau, qui avez fait don d'un peu de votre temps et des mots de vos sentiments ! ...

La journée vous soit de celles qui ne se laissent pas négliger ! ...


Tradescantia

Toute fois qu'un air affable, quand mon ombre je ne sais par quelle ambre saisie, me
pousse comme d'entre les brumes jusqu'aux orées de vos poèmes
qui surgissent d'entre ombreuses, imposantes forêts aux racines si lointaines
comme des songes si étranges qui dormaient sur un trésor d'arcanes hautement adulés,
mais l'ombre ,mon ombre fébrile à vos ambres parsemées de dédales et de murailles
qu'anciennes mémoires ont su jalouses garder,

Et c'est dans l'ambre hermétique de vos poèmes qui d'étreinte enivrante et d'encre
je ne sais de quelle sève, imprègnent l'alizé sans lui confier l'issue du labyrinthe,
qu'erre l'effort qui s'immisce dans ce coffre d'histoires scellé mais sans jamais
en faire aux profanes un don révélé, et tant n'est ce pas là cette exquise fragrance
que garde fière l'orchidée, et là encore tant et tant mieux,
n'est ce pas alors que les cieux ,inabordables leurs lieux.

N'ai je pas jadis pensé que l'hermétique c'est ce pixel abîmé cherchant forme à son âme aux frontières
de l'infini, et des jardins défendus du sublime indéfini.


N'ai je pas aussi su que l'essentiel n'est pas une rose de notre monde si abîmé
et que nous errons encore dans les vaines trajectoires des projections qui nous accablent
et nous cachent de ce qui se métamorphose dans la matrice derrière l'auguste horizon
et même pas un seul, un seul pas à l'orée ne puit traduire toute la portée de ce qui
se chante en hermétique, c'est que l'étoile en sa nuit a des codes de cinétique,

Je ne savais plus où la mettre mon âme, jaillissante ,tout frémissante de tout bord ,
j'ai dû un soir la mêler à quelques rêves illusoires comme une rose sur des rasoirs.

Et repart mon ombre dans ses replis ,Laissant aux ambres ,vos ambres
tout l'entier de leur énigme qui ne s'infuse en l'esprit que d'une once,
mais d'envergure à charmer, vertigineuse.


sur l'hermétique de vos suaves écritures qui oscillent entre le rêve et le réel,
je dépose une feuille au gré d'une brise .

Merci à vous du partage et hermétiquement vôtre .

Alexencre,amicalement

Bonjour Alexencre,


Me voilà enfant écarlate, devant, étymologiquement, l'encre qui protège, oui, écarlate de reconnaissance, transporté de Gratitude par votre poème qui prend ce temps-là pour répondre au poème...

Je ne veux point ajouter trop de mots, je veux laisser la parole à ceux-là que vous offrez si généreusement, tempérant ainsi l'esprit des Solitudes, qui souffle dès le titre...

Tout de même, ces quelques syllabes encore : pour quelques-unes et quelques-uns l'énigme est une donnée cardinale en poésie, même un brin d'énigme. Parfois elle peut atteindre à un certain degré d'hermétisme, et, certes, c'est quelque chose qui ne se laisse pas ouvrir d'un seul coup, mais ce n'est point fermeture, c'est invitation à désenclaver, à découvrir, à desceller, à dialoguer... Vous en êtes l'un des vibrants témoins !

La journée vous soit mystérieuse et passionnante ! ...


Tradescantia