Plume de soie Inscrit le: 23/2/2021 De: Envois: 79 |
Z Assis sur un lit de métal, La tête entre les mains, Le présent qui se décale, Répète les jours anciens, Le foyer est mort, presque vide, Ils ne sont plus nombreux A porter l’histoire et ses rides, Tous sont bien trop vieux . Tu te souviens du départ, Des nuits froides sous les ponts, L’air méprisant des regards, Tu n’as jamais eu de maison, Tes mains déformées et calleuses Te rappellent ces millions d’arbres, L’été, le bruit des tronçonneuses, Les soirées tristes et macabres, Les dimanches matins, au marché, Surtout, ne pas se faire remarquer, Marcher la tête baissée, Et vite faire son tiercé. Tu te souviens du premier soir, Où tu ne pouvais pas plier les doigts, La forme de la bêche en mémoire, Tes phalanges avaient grossi trois fois. Le chef te traitait de bougnoul, Si, par malheur, tu trébuchais, Il aimait qu’Ahmed se saoule Pour, mieux, s’en moquer. Vous aviez chacun sa solution Pour vaincre la haine et la solitude, Toi, tu avais pour garder la raison, Uniquement les rituels, les habitudes. Et ces lettres de ta femme Que tu gardais précieusement, Attendant qu’une bonne âme Te lise les mots de tes enfants. Les dimanches matin, au marché, Tu acceptais encore de cotiser Pour que le corps d’Ahmed soit rapatrié On l’avait retrouvé dans un fossé. Par chance, il n’est pas mort noyé, La seine était bien trop loin, Ces corps que l’onde emportait, La haine avait fait leur destin. Les forêts, les champs et les routes Portent les traces de ta sueur, Qui de ces gens sait ce que ça coûte Et ils t’apportent la peur. Et, il ne fallait pas sortir le soir, Il fallait toujours avoir l’air triste, Surtout ne pas se tromper de bar, Et supporter les insultes racistes. Assis sur un lit en métal, Tu te souviens des rires moqueurs, Qui te reprochaient d’être sale, Au retour de ta journée de labeur. Les dimanches matin, au marché, Tu achetais des fruits amers, On te toisait comme si tu les volais, ils avaient le goût de ta sueur. L’espoir que tes enfants viennent Te faisait tout supporter, Tu rêvais que ta femme te rejoigne Pour commencer à exister. Tu rêvais de ton dernier, sur la photo, Qui devait commencer à marcher, Sans le connaître, tu le trouvais beau, Il entrait dans sa troisième année. A chaque retour, tu savais mentir, A toute ta petite famille, Arrondir les contours de ta vie de martyr, Pour que leurs yeux brillent. Tu donnais ta vie à la France, Tu savais cacher ta peine, Camoufler toutes tes souffrances, Auprès de ceux que tu aimes. Les dimanches matin, au marché, Il ne fallait pas trop traîner, Vite faire son tiercé, Au risque d’être contrôlé. Assis sur le lit de métal, Tu sais que ta vie bientôt s’arrête, Tu entends l’assistant sociale Te pousser au retour après ta retraite. Tes enfants ne sont jamais venus, Les lois ont bien changé, De tous ses accords conclus, Seule la haine est restée. Allover
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