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     Sur la route des vacances (AnnĂ©es 1950)
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Expéditeur Conversation
Parceval
Envoyé le :  16/2/2022 8:57
Plume de platine
Inscrit le: 11/4/2011
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Sur la route des vacances (Années 1950)


SUR LA ROUTE DES VACANCES

Il a dormi à saint-Maximin, lassé de se traîner à une allure d’escargot sur l’asphalte dans le flot de la circulation. Alors, la première auberge a été la bonne. Pas qu’il soit vraiment pressé, mais avec la pluie, pas moyen de profiter du paysage.
Une pluie bretonne, balayée ce matin par le mistral, oubliée au soleil généreux. Un peu frais ce dimanche. Idéal pour rouler tranquille et apprécier les contreforts de la Sainte Baume. Charles Trénet lui rappelle qu’il est sur la nationale 7, au cas où il aurait des doutes. Radio Monte Carlo, grandes ondes. Bientôt Tourves, puis La Celle. Peu de circulation. De temps en temps, quelques murs colorés l’engagent à soigner ses tifs avec Forvil, à déjeuner « Y a bon Banania », qu’a l’apéro, il aura le choix entre Byrrh, Cinzano et Ricard ou alors Saint Raphaël, qui est aussi le but de son voyage. Les réclames fleurissent un peu partout, sans toutefois dénaturer la contrée : elles font partie du paysage. Et il apprécie : les collines, les champs et les pinèdes, les vignes trapues bien alignées. On entend même les cigales. La Provence, quoi !
Depuis Tourves, la route suit le cours d’une petite rivière. A l’entrée de Brignoles, un pont, et du coup il peut la nommer : le Caramy.  Il faut donner à boire à la Simca. Pendant que le pompiste fait le plein, les vérifs et les vitres, il consulte distraitement la carte Michelin et se dit : «  Tiens, si je poussais jusqu’au lac de Carcès ? Ça ne fait pas un grand détour et je rejoindrai la N7 par Vidauban ou Taradeau »
C’est dit, il délaisse la nationale pour la D24 qui accompagne le Caramy. C’est la route buissonnière. Les cultures maraîchères laissent place aux collines et la vallée se resserre jusqu’à former un défilé encaissé et sinueux, partagé entre le cours d’eau et le macadam. Enfin on débouche en terrain dégagé. Un croisement : une voie ferrée étroite le traverse, et une route à gauche indique Le Val. Pas mal de gravats et de terres rouges sur l’esplanade. Ah, oui, la bauxite ! On est en plein dans le bassin minier. Il doit y avoir un site pas loin. Il poursuit, l’humeur champêtre. Les vignes sont bien garnies, les vendanges n’ont pas commencé par ici. Il passe un vieux tracteur Fergusson traînant une remorque remplie de « comportes » et de casiers. Ça doit être du peu au jus. Sur sa gauche, un chemin l’invite à monter vers un village perché à flanc de coteau : Vins-sur-Caramy. Il devine les tours d’un château derrière le clocher. Chouette, le village. Allez, on va voir. Il suit un moment un char à banc tiré par une haridelle. Salut ! Salut ! Rencontre une 302 et une Juvaquatre avant d’entrer dans le village. Rue étroite. Quelques quidams qui lorgnent sur la voiture et de la présence derrière les volets croisés.
C’est vrai qu’il s’est fait plaisir : Une Aronde cerise flambant neuve avec plein de chromes et un pare soleil bleu. Et des plaques rouges en TT qui intriguent. Il ne doit pas en passer souvent. Il atterrit sur la place de l’église, un belvédère qui embrasse la vallée. Un endroit pour se garer tout près. Il descend se dégourdir les jambes, rejoint l’église en contournant un énorme platane. Un office est en cours, il perçoit les chants. Le point de vue est superbe, on domine la rivière et un vieux pont. Le Caramy s’élargit en amont, retenu par une chaussée avant de dévaler sous les arches. Les frondaisons verdoyantes qui bordent les rives font un heureux contraste avec les pinèdes, les chênes verts, genêts et broussailles qui tapissent la rocaille des collines d’en face. Et effectivement, il y a un château : pas très flambant, mais debout ; deux grandes tours, une façade, et autour de la cour centrale, des communs. Des matériaux en vrac poutres et pierrailles. Peut être un projet pour une restauration ? Bien timide. Ses pas l’amènent vers la sortie opposée du bourg. Un grand lavoir alimenté par une source moussue, un pont qui enjambe un ruisseau au lit abrupt et un joli pigeonnier qui borne la sortie. Après, la rue s’étire et redescend. Il rebrousse chemin. Des ruelles pittoresques, deux fontaines gazouillantes, des platanes et des bancs devant les seuils. De grandes remises aux portes branlantes : il doit y avoir cachés là tracteurs, charrettes et tombereaux, et de la traction animale à l’étable. Il a entendu hennir. Les maisons sont anciennes, certaines retapées sommairement. Les volets et persiennes se déclinent en vert et bleu. Les balcons étroits, les pas-de-porte et les entablements sont garnis de pots de géraniums. Le damier des ocres et des crépis divers donnent une note pimpante à l’alignement des façades. Il a noté : la Mairie (drapeau), l’école, le bureau de poste, une petite épicerie, le boucher et le café. C’est là qu’il se dirige, alors que les cloches annoncent la fin de la messe. Décidément, ça vaut le détour.
Deux tables de fer pliantes et chaises assorties devant l’enseigne du Bar des Amis. La salle est basse de plafond. Un zinc tout en longueur avec la boite à cacahuètes et le percolateur. De quoi jouer au 421, sur fond de bouteilles alignées. Une fraîcheur bienvenue. A peine un relent de tabac. Il salue et s’installe près de la porte-fenêtre qui donne sur un jardinet fleuri. Une tablée de vieux mécréants qui tapent le carton lorgnent l’ « estranger » avec curiosité. Le Patron laisse sa femme s’enquérir de la soif du nouveau venu. Quelques paroles aimables, le temps qu’il fait, oui, un Cinzano, merci, et la salle s’emplit d’un coup d’une foule bruyante et animée, à majorité masculine : la sortie de la messe.
Marginalisé dans son coin, il le serait encore sans la curiosité de ces gens : « C’est à vous la bagnole rouge ? ». Un sésame qui lui permet de s’intégrer, pastis obligé. Ces gens qui s’apostrophent par leur prénom : Juju, Zé, Titin, Fernand, Pascal, Sandre…. On ne consomme pas d’Orangina. Le service assure. Et de quoi parle-t-on, en cette mi-septembre à part de la voiture ? Eh bien, de la prochaine battue au sanglier, des vendanges qui débutent mercredi sur le canton, de ceux qui bossent à la mine. Le tournoi de pétanque et des potins du village. La politique, l’actualité aussi. Le Petit Varois est largement commenté : la guerre d’Indochine, l’Algérie et Orléansville détruite par le tremblement de terre. Mendès-France. Les faits divers. Il y en a même un qui a vu des martiens à Trans! Grosse rigolade. Il est bientôt une heure et la salle enfumée pue le tabac. Une gamine d’une douzaine d’années entre et appelle : « Titin, Emilienne te fait dire que si tu rentres pas, elle donne la daube au chien ! ». C’est comme un signal. L’heure du casse-croûte. Il ne reste bientôt plus grand-monde.
Tiens, le curé qui débarque, se commande un pastaga pour faire passer le vin de messe et vient s’asseoir à sa table. « Vous permettez ? » Il permet. Sympa l’abbé. Curieux, plus que les autres. Les plaques rouges, Afrique ou Asie ? On cause. A l’heure qu’il est, il commence à s’inquiéter où manger. Il demande au patron : « Vous pouvez me faire un sandwich ?» La soutane intervient: « Albert, Josiane aura bien quelque chose à proposer à Monsieur ? Quand y en a pour un… » Il explique qu’il déjeune ici en invité tous les dimanches. Josiane roumègue un peu mais consent. Ils se quittent à trois heures. Il a tout appris du village, (sa vie, son œuvre), et abondamment donné de l’anecdote tropicale. Aux petits oignons, le repas. Mais le Père Comtal insiste pour qu’il passe au presbytère ce soir après les vêpres. Passionné par l’Afrique. Dakar, le Sénégal…. Bon, il lui doit bien ça. Tant qu’il ne cherche pas à le convertir. L’interlude devient plaisant.
Après un dernier petit noir, il descend le raidillon qui mène à la rivière. Il longe le petit cimetière. Juste sous l’église : circuit court. Et les jardins potagers en terrasse. La route à traverser et le fameux pont, dit romain. Vieux, mais là, quand même ! C’est comme la légende : des promis qui, pour échapper à l’exercice du droit de cuissage d’un seigneur concupiscent, se seraient jetés du parapet et noyés et criant « Carami ! », baptisant ainsi le cours d’eau. Vu le niveau de l’onde pure, ils se seraient plutôt brisé les os. Bercé par le vent dans les feuillages et le chant de l’eau coulant de la chaussée, il se laisse aller à sommeiller sur un banc accueillant et ombragé. Il se réveille deux plombes après et va promener en suivant vers l’aval. Quelques centaines de mètres plus loin, il tombe sur une zone industrielle genre carreau de mine. Le lit de la rivière est bétonné. Tout est rouge même les repousses de peupliers. Pouah. Il traverse le Caramy par une passerelle d’acier, les rails, puis une autre passerelle sur un canal dérivé avant de rejoindre la route. Peu après, il peut remonter au bourg par le chemin du pigeonnier. A l’embranchement : un banc de pierre et un petit oratoire marial. Il va faire bientôt sept heures. Tant pis, il a promis. Il va être obligé de retourner à Brignoles de nuit pour dîner et dormir. Il rejoint l’église. Soirée philosophique mais pas triste et réflexions sur la marche du monde. Non seulement le prélat sait cuisiner mais il lui offre gîte et couvert. Sacrée soirée !
Le lendemain tôt, il va reprendre la route, après un déjeuner frugal avec son hôte ecclésiastique. Congé chaleureux. Il se promet de repasser par là à l’occasion. On sait bien ce que valent les promesses. Tout de même, il sourit, enchanté de cette escapade : dormir au presbytère, ça n’est pas commun.
Déjà, il a l’esprit ailleurs, rejoint sa route par Brignoles, à cause des vendanges, direction Saint Raphaël. Parce qu’a Saint Raph’, il y a la mer, la mer et Adeline. Il va lui faire la surprise…
Dommage, dommage, il serait resté un jour de plus, il aurait pu témoigner d’événements qui allaient mettre en émoi ce paisible village.
Exit, le Voyageur. Il n’a fait que passer, mais nous maintenant, nous connaissons bien les lieux…


La suite c’est : «  OVNI SOIT QUI MAL Y PENSE »

Parceval



Sybilla
Envoyé le :  16/2/2022 11:55
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Envois: 95955
En ligne
Re: Sur la route des vacances (Années 1950)
Bonjour Parceval,

Merci pour ce superbe récit de voyage qui m'a permis de visiter ces lieux en tes lisant !



Belle journée !
Toutes mes amitiés
Sybilla


----------------
Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates ""réelles"" de parution.

Le rĂŞve est le poumon de ma vie (Citation de Sybilla)

cyrael
Envoyé le :  17/2/2022 10:53
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 30/10/2005
De: ****
Envois: 83698
Re: Sur la route des vacances (Années 1950)


vive notre Provence

et la belle ROMANCE avec Adeline

si belle aventure...sur la route NATIONALE 7


. Bientôt Tourves, puis La Celle. Peu de circulation. De temps en temps, quelques murs colorés l’engagent à soigner ses tifs avec Forvil, à déjeuner « Y a bon Banania », qu’a l’apéro, il aura le choix entre Byrrh, Cinzano et Ricard ou alors Saint Raphaël, qui est aussi le but de son voyage.



bravo pour ce récit poétique

Merci


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l'Amour rayonne quand l'Ame s'élève, citation maryjo

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