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     Les ruines de Mars (chant 5)
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Expéditeur Conversation
Froidmont
Envoyé le :  30/7/2021 2:02
Plume de soie
Inscrit le: 20/7/2021
De:
Envois: 69
Les ruines de Mars (chant 5)
La mêlée fut brouillard, la mêlée fut confuse. On n'y survivait pas par la force ou la ruse, seule la lâcheté, la peur du sang versé, menant les pas du couard loin du rouge charnier, ou la peur excessive et parfois la traîtrise qui poussait à tuer dans un accès de crise jusqu'à l'ami précieux qui couvrait votre dos, permettaient d’y survivre à l'ombre de la faux.
Le couard sentant son âme échappée par ses pores, se courbe sous les morts, se lamente et implore, songe au pays charmant qui l’abrita enfant et qu’il avait perdu, à jamais, en partant.
L’ombre se réjouissait du cours de la bataille, de voir mille démons surgissant de la faille.
L’odeur du fer souillé, le goût du sang aux lèvres, fit palpiter son cœur et lui donna la fièvre. Son bras tranchait de haut les têtes de démons ; son bouclier, rempart, s’opposait aux horions : il semblait dieu de mort, de souffrance et de guerre, il sillonnait les rangs, rougissant toute pierre. Il était possédé de guerrières fureurs et ne connaissait plus ni fatigue ni peur. Sa main, leste et mortelle, était inexpugnable. Naguère paysan, tout à sa terre arable ; aujourd’hui, redouté, sanglant et meurtrier, l’ombre ne voulait pas ou mourir ou plier.
Un démon surmonté d’une tête de renne laissait sur son sillage, abominable traîne, des membres et des os, de longs lambeaux de peau qu'il cousait l'un à l'autre en guise de drapeau. Autour de ce démon se fit un cercle vaste. Nul n'osait s'opposer à sa longue arme d'hast. Il n'en fallait pas plus pour que l'ombre brandit en guise de défi son vieux glaive verdi. Lors la gueule du renne eut comme une secousse, renâcla de dédain pour cette jeune pousse qui l'osait provoquer, qui pensait l'emporter, qui croyait que l'épée bat le hallebardier. L'ombre alors s'inclina jusqu'au sol avec grâce, un mouvement railleur, une pique, une audace.
Mais avant le combat, le règne des regards : chaque adversaire jauge et juge avec égard, considère les bras, considère les jambes, évalue d'un œil sûr s'il est lent ou ingambe. Un long pas sur la droite, à gauche encore un pas pour savoir si l’œil vif peut suivre les appâts et si, à tout hasard, au moyen d'une pierre, il s'avère qu'on peut un moment le distraire. Le jugement posé, les spectateurs savaient que l'issue du combat ne serait sans navrés. Tout à coup le silence, et la scène se fige : de combattants passifs une arène s'érige. Et l'ombre, le premier, releva le talon, prit appui, s'élança et chargea le démon.
Le combat fut sanglant, le combat fut terrible. Chacun des deux cherchait à atteindre sa cible : mais on ne visait pas le cerveau ou le cœur, on ne désirait pas qu'un coup et l'autre meurt ; on voulait la durée, le sang, l'écho du drame, les frissons du récit gravés en épigramme, la cicatrice large et le membre perdu, le bandage saignant et l'admiration due , la geste reproduite et grêlée d'héroïsme. Chacun ne se battait donc que par égoïsme.
Le premier coup porté fut le fait du démon, large coup d'horizon fait pour trancher le tronc, mais l'ombre s'esquiva par un saut en arrière, se réceptionnant mal, il mit genou à terre. Le démon profitant de ce terrible échec tendit son arme au ciel et frappa d'un coup sec. Alerte et preste l'ombre fit une roulade qui l'emmena plus loin sous de vieilles arcades, mais le démon déjà son arme pivota et d'un long coup de taille il atteignit son bras ; or l'ombre dévia cette attaque homicide qui le priva alors de son précieux égide. La violence du coup le projeta au loin, rudement il tomba et se blessa la main. Le démon enragé ne prit peine d'attendre, ses deux yeux incendiés comme deux salamandres, et d'un bond vigoureux s'élança dans les airs en serrant fortement son arme délétère avisant d'écraser sous sa lame sa cible ; mais la cible voyant, au travers de son crible, le démon suspendu, le danger de la mort, roula in extremis sur la gauche son corps. L'ombre se recula et ramassa son glaive, se plaça, attendit, mais l'attente fut brève. Aussitôt le démon, plus preste que la pluie, récupère son arme et s'avance vers lui ; or notre ombre essoufflée, pour inverser les rôles, chargea le noir démon, vigoureux coup d'épaule. La bête recula sous ce coup surprenant, leva sa hallebarde et s'arrêta un temps.
On discerna dans l’œil de ce démon terrible un épanouissement et une joie horrible. Les dents se découvraient sur un sourire noir qui semblait avaler toute forme d'espoir. Mais l'ombre regardait posément ce spectacle, plus vivant que jamais, le goût de ce miracle, de la vie méritée contre l'adversité, du danger combattu, de l'animalité que plus rien ne retient, qui se vit extatique par la prise lâchée, déchaînement physique, rage toute sortie, sombre chaos de coups, sentiments en désordre, acharnement de fou.
Il suffisait de rien, qu'une feuille défaille pour que d'un geste vif partît un coup de taille ; qu'un rayon de soleil vint révéler la peau pour qu'un torrent de sang s'écoulât aussitôt. Un brusque coup de vent balaya l'aire altière, et l'épée mordorée se leva la première. Or plus rien désormais ne les put arrêter, ni la peur, ni la plaie, ni aigreur, ni respect, ni l'armure d'airain, ni le rempart de roches, ni l'ordre d'officier, ni le doux son des cloches.
L'ombre d'un élan brusque assaillit le démon mais se vit repousser et punir son affront d'un violent coup de hampe au friable des côtes qui le laissa sans souffle et en proie à sa faute. Le démon-renne alors, saisissant l'occasion, bondit et asséna un plus puissant horion : un poing fermé du ciel sur sa jambe décoche qui lui va dévier toute la cuisse gauche. Profitant à présent de ce que son battoir trônait devant le corps, il frappa sans surseoir ; la violence du choc eut terrassé un hêtre, et l'ombre s'envola sur au moins trois bons mètres.
L'ombre essaya deux fois de se mettre debout ; chaque fois la douleur déroba son genou. Mais une même rage, intacte et violente, ranimait son courage et sa chair pantelante. Usant de son épée comme un nouvel appui, il redressa son corps et son genou enfui sous l’œil morne et patient de la superbe bête qui le dépeçait vif dans son ignoble tête. Son genou n'offrait plus qu'un appui incertain, mais fort étrangement il se sentait serein : la beauté du combat et cette certitude que la mort frapperait par un coup des plus rudes, qu'il ne répondrait pas de ses nombreux forfaits, qu'aucun homme n'aurait le soin de le juger ; il voyait son bourreau, vie monstrueuse et torse, qui, le voyant alerte, avait bombé le torse. Ce regard échangé décida de la fin , d'un regard conciliant à un regard hautain.
La suite du duel fut rapide et brutale, on y vit, déchaînées, leurs âmes animales.
Le démon le premier bondit au malheureux qui soudain lui lança son bouclier aux yeux, or la bête aveuglée suivit sa trajectoire et son coup manqua l'ombre qui, sauvé par sa Moire, abattit son épée sur la hampe de bois dont le corps s'entama pour la première fois. Adoncques le démon porta sa grosse patte à son seul œil navré qui suait écarlate, puis de rage grondant, ouvrit son œil restant, le posa écumant sur l'homme ricanant. L'ombre péniblement essayait de reprendre l'épée s'étant fichée au bois de palissandre, quand le démon poussa pour exprimer son mal un cri pas plus humain qu'il n'était animal. Redressant tout à coup sa grande hallebarde sous l’œil coi des soldats qui tremblaient dans leurs hardes, le démon souleva l'ombre par son épée et le rejeta loin au cœur de la mêlée. Sur les pas du démon, il se fit un grand cercle ; comme l'eau ne bout plus quand on prend le couvercle, tous ceux encor vivants devinrent spectateurs et fuirent le bourreau par respect et par peur.
Le renne s'arrêta au seuil de sa victime, le saisit de sa main, le leva à sa cime, et de son ongle droit, plus long qu'un coutelas, il perça au sternum et la chair incisa sur toute la longueur, jusqu'au plus bas du ventre, sous un cri de douleur qui vola jusqu'à l'antre.
La Dame se gaussa de ce céleste son et sombra de plaisir dans une pâmoison.
Dans un ultime effort, dominant son supplice, l'ombre prit le couteau qui lui battait la cuisse, y fit blanchir sa main, vivement dégaina, dans l’œil noir du démon violemment l'enfonça. La lame pénétra jusqu'à ce que la garde en bloqua le progrès dans des notes criardes.
La bête recula, son corps agonisant rechercha le soutien d'un démon-éléphant qui, lui, restant fidèle à sa sombre nature, dédaigna du regard cette supplique impure. Le démon eut encore un ou deux soubresauts avant que la Dame ne ferme son étau.
L'ombre autour de son corps ameuta tous les drilles, et l'on vit très bientôt un cercle de guenilles ému mais retenu écouter les sanglots qui s'élevaient de l'homme qui fit d'eux des héros.

La Mort a fait sonner le glas
La Mort a fait sonner le glas
Pour recueillir mon âme,
Puisqu'en ce jour me faut mourir
En cette terre infâme.

Point de bouquets et de guirlandes
Point de bouquets et de guirlandes
N'obombreront ma tombe,
Mais les pas pressés de partir
S'Ă©loignant de ma combe.

Pleurez soldats, pleurez l'ami
Pleurez soldats, pleurez l'ami
Qui déclencha la guerre,
Qui fit de vous de grands guerriers
Au lieu de pauvres hères.

Vengez mon cœur, vengez mon sang,
Vengez mon cœur, vengez mon sang,
Punissez la Sournoise,
Dont le long couteau bleu d'acier
Sied Ă  la main matoise.
Sybilla
Envoyé le :  30/7/2021 15:14
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Envois: 95089
En ligne
Re: Les ruines de Mars (chant 5)


Bonjour Froidmont,

Fort émouvante et belle histoire et poésie sombre en tes superbes vers !



Belle journée !
Amitiés
Sybilla


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Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates "réelles" de parution.


Le rĂŞve est le poumon de ma vie (citation de Sybilla)

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