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     Les ruines de Mars (chant 2)
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Expéditeur Conversation
Froidmont
Envoyé le :  27/7/2021 1:52
Plume de soie
Inscrit le: 20/7/2021
De:
Envois: 69
Les ruines de Mars (chant 2)
Sa troupe grandissait, et les rois inquiets envoyaient messagers s'enquérir des visées ; par mille s'envolèrent comme des bris de verre, mais jamais un écho, devenu souffle d'air, ne revint jusqu'aux rois pour faire son rapport, et les sangs se glaçaient et se vidaient les forts. Bien que pas une lame ne fût hors du fourreau, bien que pas une torche n'incendiât les hameaux, bien que pas une flèche n'entamât le terreau, bien que pas une hache ne coulât de bateau, la terreur envahit les royaumes voisins, les prophéties jaillirent d'hommes levant les mains, dans la ferme on cacha les récoltes de grain, des terres pour la mer s'enfuirent les marins.

Ilynion, fils aîné d'un marchand du vieux bourg, aux premières rumeurs affecta d'être sourd, mais voyant dans les yeux de fuyantes lueurs, voyant reîtres hardis se faire déserteurs, sentit grimper en lui comme un obscur lichen, comme l'orphelin vert comprend quelle est sa peine. Sa tâche suspendue, ses deux yeux s'élargirent : un éclair traversa sa conscience au nadir.
Éperdu et tremblant, renversa son ouvrage qui s'alla répandant les copeaux d'un autre âge sur la terre battue que foula mille pluies, superbe, indifférente, inerte à ceux qui fuient. Tout le temps d'une lune, il alla droite et gauche comme le papillon que l'épi qu'homme fauche par sa chute soudaine a rendu erratique, image du désordre en mouvements rythmiques.
La vision des hachoirs, la vision des carnages, la visions des feux et des fleurs qu'on outrage, des membres élargis de sa plus jeune sœur, elle si pure et tendre, elle douce de cœur – comme est toujours si tendre enfant qui trépassa ; plus dur est son trépas, plus la vue est à plat – cette vision d'esprit, cette vision d'horreur accrut en son penser sa folie et sa peur. N'ayant comme ces fous des espoirs inutiles, la sachant condamnée avant d'être nubile, il repoussa loin lui les planches et les clous, les fourches, les râteaux, les haches et les houes, pour aller pas à pas accomplir son devoir, écarter de l'enfant ce funèbre oiseau noir.
Rasant les murs râpeux, et de dextre à senestre par de grands coups d'épaule évitant l'huis du mestre, partit de l'atelier vers les appartements chercher le tapis doux et les ris de l'enfant.
Quand l’œil rieur croisa l’œil fraternel en feu et que la bouche amie se convulsa un peu, étouffant un sanglot, ravalant une larme, l'enfant comprit sitôt quelle était son alarme, mais l'éclair de l'esprit par sa candeur éteint ne put identifier quel était son dessein. Et les yeux de l'enfant se mouillèrent de pluie, et ses deux bras tremblants se tendirent vers lui. Les membres d'Ilynion se raidirent alors, puisèrent dans ces yeux le courage des forts ; il reprit des couleurs, lui naguère si pâle, et son dos imprima une assurance mâle.
Sa main saisit l'enfant d'une poignée si ferme qu'elle gémit un temps de son rouge épiderme ; et son frère abattu de se voir si violent, pardonna son excès en embrassant l'enfant.
Ils partirent tous deux sans prévenir personne : deux cœurs lisses et purs, qui de candeur résonnent, rencontrent l'univers, le vivant et le fourbe, la blancheur d'une rose au milieu de la tourbe, la violence imprimée en toute indifférence, union de l'amoral et de beautés immenses.
Ilynion, esprit sot, parcourait les odeurs et d'un doigt merveilleux complimentait les fleurs ; à chaque arbre croisé il donnait un sourire ; un vent le décoiffait qu'il partait d'un grand rire ; une belette vue au détour d'un chemin provoquait en son cœur de grands éclats de mains ; l'ombre d'un très haut chêne, un peu trop loin portée, tiraillait son esprit de deux contrariétés : il était enchanté de voir en profusion, écartant le gazon, des toits de champignons, tout comme il sanglotait de voir mourir en gerbe les si petites fleurs et les jolis brins d'herbe.
Laurence au corps si preste, esprit plus vif encore, en chaque rosier voyait dressé un fort ; au hululement noir entendait un chasseur, tapi dans le sous-bois, en quête d'une erreur, d'une folle sortie, d'une audace insensée, d'un rat ou d'un lapin un peu aventurier. La fuite du logis, la garde d'Ilynion exercèrent en elle son intellection.
Chacun touchait le monde avec son propre doigt : l'un tremblant, hésitant, l'autre exalté de joie. L'un voyait tous les gains, l'autre toutes les pertes. L'un avait l’œil aigu, l'autre les mains ouvertes.
Ils foulèrent ainsi les côtes et les plaines, traversèrent les champs, les forêts et les cairns, endurèrent les pluies, les vents et les orages, le soleil chatoyant noyant les marécages. Toujours l'un souriait, l'autre toujours tremblait. Quand Laurence en pleura au cœur d'un champ de blés, Ilynion s'approcha de la si triste fleur, la cueillit de ses mains, la porta sur son cœur. Chaque crise de larmes était ainsi éteinte : la tendresse parlait à chaque sourde plainte.
La nuit tombant alors les prit au dépourvu. Ils s'allèrent cacher sous un orme feuillu que la foudre frappa par trois fois de sa rage, les privant de l'abri du géant photophage. Explorant les parois en quête d'un abri, un antre vaste et noir qu'Ilynion découvrit, offrit aux agnelets la promesse d'un toit. Ilynion prit sa sœur, puis il l'y déposa, alluma un grand feu à réchauffer le ciel, et ses mains sur sa peau eurent le doux du miel. A tant la conforter, à tant la frictionner, Ilynion s'endormit sur la pierre glacée, ayant eu la pensée, plantée comme une écharde, de protéger sa sœur la couvrant de ses hardes.
Ils élurent logis dans cette cavité et trouvèrent du charme au rythme des journées. La nourriture était comme un cadeau de Dieu : des lapins blancs de poil s'en venaient en ces lieux et jamais ne fuyaient le doux pas de Laurence, semblaient même s'offrir en guise de pitance. Dans ce sinistre endroit qu'on eût dit à la peur, semblait se dessiner une ombre de bonheur. Dans les heures contraires les caves de l'ermite posent un baume en soie au cœur du cénobite. Quand votre âme est comblée, quand les jours vous sont doux, quand l'esprit du Très Haut vos souillures ébroue, un sentiment soudain de vive gratitude chasse du quotidien tout ce qui vous est rude. Ainsi vivaient leurs corps charmés par leurs esprits, conscients de ces instants qui n'avaient pas de prix. Ils vécurent heureux en cette gaie retraite éprouvant, enchantés, la vie d'anachorète.
Sybilla
Envoyé le :  27/7/2021 11:06
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Envois: 95076
En ligne
Re: Les ruines de Mars (chant 2)


Bonjour Froidmont,

Superbe suite poétique que j'ai aimé lire !



Belle journée !
Amitiés
Sybilla


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Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates "réelles" de parution.


Le rêve est le poumon de ma vie (citation de Sybilla)

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