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     HÉLOĂŹSE
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Expéditeur Conversation
Bernard
Envoyé le :  16/10/2005 22:27
Plume d'or
Inscrit le: 2/9/2005
De: Marseille
Envois: 513
HÉLOÏSE
HÉLOÏSE


Le soir quand les murs se rapprochent
Quand je me sens sous-marin
Je casse les hublots de ma chambre
Et je saute de mon appartement

Michel Polnareff



" J’ai mis un papillon Sur mon front
J’entends le bruit de ses ailes
Il paraît que j’ai une petite cervelle "

Doucement, Héloïse se réveille.
Ce matin, son rêve lui colle au front comme un papillon froissé. Elle prend son temps en pensant à madame Rivière qui la fait dessiner.

« Elle est très gentille madame Rivière, elle me donne toujours quelques bonbons. Elle dit à maman d’attendre dans la pièce où il y a des jeux et des livres et puis elle reste seule avec moi.
Des fois, elle me pose des questions, je réponds si je veux. Parfois je veux, parfois je veux pas. Si je veux pas, je réponds quand même… Mais je mens pour avoir les bonbons. Elle me fait jouer aussi, et dessiner. Elle me demande à chaque fois si je veux essayer de lire. Je lui dis que je ne sais pas lire. C’est pas vrai. Je sais lire un peu.
J’apprends en cachette avec ma copine Sophie. C’est notre secret à toutes les deux. J’ai juré devant Nini ma poupée préférée que je lirai devant papa et maman quand ils ne se disputeront plus. »

Tout à coup, elle entend un remue-ménage. Le choc de quelques bises griffent l’espace dans le couloir, des pas feutrés déambulent tout près de sa chambre. Un léger bruit suinte vers son oreiller, la poignée de la porte tourne lentement, un œil pénètre et se pose sur elle. Elle fait semblant de dormir. La porte se referme.
Il est trop tôt pour prendre le petit déjeuner. Doucement, elle saisit un livre et suit de page en page Blanche Neige et les sept nains.

« J’aime bien les nains. Ils chantent tout le temps. Ils n’ont pas de maman ni de papa. C’est peut-être pour ça qu’ils sont heureux… À part Grincheux… »

Elle décide de se lever, sort de sa chambre et découvre de nombreux adultes, parents ou amis, agglutinés de manière étrange en ce début de journée…
Voici des mains qui tremblent et des gestes fatigués qui la guident vers la cuisine. Voici des caresses qui semblent un peu trop compassées.

* * * * * * * * * * * * * * * * * * * *

La petite Héloïse s’installe à la table de la cuisine. Elle aime l’odeur de chaud sucré qui se dégage de la casserole. Une tante vient de lui confectionner un vrai chocolat à l’ancienne. Un bon quart de lait entier, deux cuillères de cacao pur, une de sucre, une de miel, la moitié d’une gousse de vanille, un morceau de bâton de cannelle et quelques gouttes de kirsch. Il faut que la préparation chauffe lentement, le temps que les arômes se développent.
Et la magie opère… Deux grosses tartines, chargées d’une fine couche de beurre demi-sel recouverte d’une douce nappe de confiture de myrtilles, viennent compléter harmonieusement la saveur chocolatée.

« Un jour, je vais essayer de grandir. Je le vois au fond de mon bol quand j’ai bu mon chocolat. J’aime bien y laisser des traces avec mes doigts…
J’ai pas envie de me laver, je vais juste faire couler l’eau dans la salle de bain. Mes dents, ça oui, je vais les brosser. Je ne veux pas sentir de la bouche comme le vieux Paul. Il pue quand il m’embrasse…
Aujourd’hui, y a trop de monde dans la maison. Je voudrais être seule avec papa et maman mais ils ne sont pas là. »

Elle met une robe blanche et un corsage tout doux. Les souliers des dimanches lui font un peu mal aux pieds. Elle a grandi depuis l’année dernière…
L’année dernière, elle était encore une toute petite fille et pourtant elle devinait déjà les tensions entre ses parents, les mots lancés pour affaiblir l’autre. Elle préférait se retrancher dans la douceur de sa bulle, dans le calme soyeux de cette chambre chaude comme un refuge.
Voici l’ami fiévreux au sourire fragile qui se dandine, contenant sa faiblesse. Voici des parents fébriles au regard malheureux qui s’avancent vers elle.

« Je fais des dessins sur une feuille, j’y laisse quelques secondes de ma vie et j’y recherche ma folie. Y a trop de vent elle part par la fenêtre comme un papillon… Tant pis pour madame Rivière… Demain, je vais la revoir, je vais lui cacher tous mes ennuis…
Y a trop de bruits dans la maison aujourd’hui. Je n’ai pas encore vu papa et maman. Ils ne sont pas souvent ensemble avec moi, même pendant les repas. Ils ne se parlent pas beaucoup et quand ils parlent, c’est souvent pour se dire des méchancetés. C’est pour ça que je veux pas de frère ou de sœur. »

Un glissement familier se rapproche d’elle. Le chat recherche sa main pour y déposer sa langueur. Machinalement, elle parcourt d’un doigt malhabile son pelage. Il ronronne en silence, défait le gros dos puis abandonne la chaise et va jouer avec les rideaux, pas très loin des fadaises débitées par des bouches pincées. Héloïse se lève s’éloigne dans la solitude d’un rêve égaré…
Voici la pluie de mots qu’on souffle en tremblant et qu’on chuchote de peur qu’elle ne s’y frotte.

* * * * * * * * * * * * * * * * * * * *

« Je joue avec mon camion. Il paraît que c’est un jeu de garçon… J’aime bien mon camion. Avec lui je vais partir très très loin de la maison… Pour enfin ne plus dormir… J’emporterai Nini et si Sophie veut venir avec moi, je serai contente… Je ne vais pas en parler à madame Rivière, elle ne serait pas d’accord et le dirait à maman…
Souvent, j’entends le vent qui souffle à côté de moi, mais rien ne bouge, pas une feuille d’arbre… Alors, je devine que le vent est dans ma tête… »

Ses songes bien en poche, la petite Héloïse, tout habillée de blanc, va rentrer dans l’église. Elle ne comprend pas pourquoi quelques larmes s’écoulent et lentement se brisent au creux de cette foule qui vibre sans éclat…
Voici des papillons qui, voltigeant près d’elle, soulèvent un frisson, la frôlent de leurs ailes sous la clameur des cloches et le tendre printemps.
Les membres de la famille et les amis s’installent, pénétrant le silence du lieu de leur mélancolie. Des hochements de tête s’échangent en signe de reconnaissance. Des mouchoirs palpitent sur des rides trop poudrées. Quelques anciens posent leur casquette, la mine sombre et l’air un peu gêné. Des toux plaintives s’évadent avec maladresse.

Elle doit s’asseoir sur un banc. Elle se serre contre son papa… Elle chantonne dans ses bras tandis qu’un orgue étend ses nappes poisseuses sur le recueillement de l’assistance.

HĂ©loĂŻse a perdu sa maman, mais elle ne le sait pas.

* * * * * * * * * * * * * * * * * * * *

« Maintenant, j’ai fait des dessins sur tous les murs, comme ça ils ne s’envoleront plus… Ils resteront autour de moi… Je veux des câlins mais les grandes personnes n’ont pas le temps… Il paraît que je vais déménager quand ma tante va repartir chez elle…
Un homme et une dame sont venus me voir plusieurs fois, ils m’ont montrée des photos de leur maison et de deux filles qui vivent avec eux… Ce ne sont pas leurs enfants mais ils les aiment beaucoup…
Ce matin, madame Rivière, elle m’a dit que demain je vais voir papa… »

Elle tape au carreau et cherche à capter le regard creux des passants trop pressés. Elle attend pour briser ses chaînes un clin d’œil ou un joli sourire, une petite trace humaine pour embellir son avenir. Elle a du brouillard dans la tête, du désespoir dans sa vie. Depuis ce jour où la rouille de l’absence s’est déposée sur elle, laissant ses stigmates indélébiles, elle clôture son esprit, elle s’évapore vers un ailleurs.

* * * * * * * * * * * * * * * * * * * *

14 H 30. Un parloir. D’un côté, un homme, sans menottes, le regard usé de trop de nuits d’insomnie. Ses mains se collent à la vitre dans un geste pathétique et dérisoire. Les mots lui manquent. La sueur s’échappe sur sa chemise. Il n’ose pas regarder en face.

De l’autre côté, une fille pleure.
Petite enfant cassée, trop silencieuse. Le cœur en grande misère, elle tape au carreau, le corps fatigué, avec au fond des yeux un cri d’oiseau blessé.

Elle s’appelle Héloïse…

Quel beau prénom…

Marseille, décembre 2001

Bernard Pichardie
Nouvelle du recueil
« Nouvelles Fraîches »


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Soliane
Envoyé le :  19/10/2005 10:04
Plume de diamant
Inscrit le: 22/6/2005
De: Aquitaine
Envois: 24234
Re: HÉLOÏSE

Triste et difficile histoire de cette petite fille Ă  qui la vie n'a pas fait de cadeaux.

J'ai bien aimé l'écriture de ce passage qui dépeint bien son état d'esprit et sa solitude :

" Un glissement familier se rapproche d’elle. Le chat recherche sa main pour y déposer sa langueur. Machinalement, elle parcourt d’un doigt malhabile son pelage. Il ronronne en silence, défait le gros dos puis abandonne la chaise et va jouer avec les rideaux, pas très loin des fadaises débitées par des bouches pincées. Héloïse se lève s’éloigne dans la solitude d’un rêve égaré… "


Bises


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Bernard
Envoyé le :  20/10/2005 22:30
Plume d'or
Inscrit le: 2/9/2005
De: Marseille
Envois: 513
Re: HÉLOÏSE
merci Soliane

il y a malheureusement trop d'enfants déchirés ...

biZZZZes
Bernard


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