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     Rozenn et Youen
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Expéditeur Conversation
faustinyavo
Envoyé le :  17/2/2021 10:38
Plume d'argent
Inscrit le: 8/9/2014
De: Paris
Envois: 254
Rozenn et Youen
Youenn -ou l'esprit d’Yves Brélivet- était au Père-Lachaise. Au-dessus de la tête de Youenn, les nuages étaient tassés les uns contre sur les autres au point de sembler ne plus bouger. Ils avaient l'allure d'un vaisseau floconneux. À leur périphérie, certains paraissaient avoir été coupés au hachoir. D'autres étaient étirés comme du coton passé sous des griffes furieuses. Une trace blanchâtre décrivait le passage d'un avion à réaction.
L'esprit du jeune homme était assis dans l'avenue des Ailantes, sur un banc vert et usé, couvert d'humidité et de moisissure. Par endroits, les pigeons avaient laissé leurs déjections comme pour prouver qu'en ce monde, rien ni personne n'était vraiment respecté.
« N'ben eus mann a vad bars arbe, met caroud ha bezan caret. » (Il n'est rien de bon dans le monde, que d'aimer ou d'être aimé) avait formulé l'esprit. Youenn avait à peine parlé et il ne s'était adressé à personne a priori.
L'esprit se leva et marcha parmi les mausolées et les lourdes dalles de marbre aux imposantes croix qui affichaient une présence impénétrable. Les statues aux allures d'anges semblaient jeter des regards vifs. Le vent d'été faisait bruire les feuillages des platanes et des peupliers. Le bruissement soutenu ressemblait à celui d'une cuisson. Youenn songea à des beignets en train de frire. Le dimanche, quelques heures avant la cautériade (soupe au poisson), sa mère, sa jeune sœur Maharit, une amie Manon Penker et lui passaient l'après-midi à se gaver de beignets et de fouace (lourd gâteau de pâte grossière). Ils buvaient du flip (grog au cidre) et du micamos (café mélangé à de l'eau-de-vie) pour se réchauffer l'estomac. C'étaient des moments merveilleux pendant lesquels toute la famille était heureuse.
Derrière les hauts murs épais du cimetière, un folkleux jouait sur son piano à bretelles « Do lord send me ». Plus proches, les croassements des corneilles se firent pressants. Youenn sortit de ses rêveries. Quelque chose se rapprochait. C'était palpable. L'air était devenu plus lourd.
Ce fut à ce moment que l'esprit du jeune homme aperçut la brume rouge qui rampait entre les allées et les tombes. Elle était épaisse et ramassée. Elle venait dans sa direction. Il marqua un mouvement de recul qui n'avait rien à voir avec de la frayeur. Au contraire, un sourire illumina ce qui pouvait représenter un visage. C'était cet événement qu'il attendait avec la patience d'un cerbère. Lorsque la brume s'éleva au-dessus de lui et que le vent redoubla de violence en sifflant entre les tombes, Youenn ne se défit pas de sa tranquillité. Lorsque le tonnerre retentit avec un fracas assourdissant et que les freux se turent, il afficha une immobilité de statue. Ses yeux, dans leurs replis cutanés, marquèrent un vif intérêt. Une voix féminine et cristalline, pure et fraîche comme de l'eau de roche, épousa la force du vent :
«L'hiver est fini. La pluie a cessé.
Les fleurs paraissent.
Le temps des chants est arrivé, Youenn. »
La voix était douce. Le message arriva, enveloppé dans un chant mélodieux. Un craquement presque imperceptible de branchages et de feuilles foulées lui fit tourner la tête. Il aperçut la créature. Elle avait une démarche souple, les mouvements aisés et semblait flotter au-dessus des feuilles qui faisaient un tapis à ses pieds. Elle était diaphane et avait des cheveux noirs qui descendaient le long de son dos en une longue tresse qui touchait presque le sol. Celle-ci ondulait comme une algue dans des fonds marins. Lorsqu'elle fut à portée de bras et qu'elle sourit, Youenn aperçut la couleur aigue-marine de ses yeux et deux rangées de dents de nacre. Elle portait une longue robe blanche qui épousait son teint d'ivoire. Youenn tendit deux mains aux doigts étrangement courts et mal faits -comme s'ils avaient oublié de grandir. Les doigts étaient grossiers et boudinés.
« Rozenn, mon amour ! Enfin, nous voici réunis. » Fit-il en enlaçant la créature dans ses bras rapetissés et déformés. Sa voix était éraillée et grossière.
« L'hiver est fini.
Le temps des chants est arrivé, Youenn ! » Fit-elle en saisissant les mains grassouillettes. Elle exhalait de fortes odeurs d'algues.


La chambre où gisait le corps d’Yves Brélivet était large et spacieuse. Le jeune homme était plongé dans un coma profond. Derrière le lit immense, passait une coursive et sur les murs, laiteux et onctueux, étaient rangées des étagères chargées de livres, de bibelots en céramique, de masques en bois et de posters de Mahalia Jackson et de Louis Amstrong. En sourdine, la stéréo finissait de jouer Do Lord Send me de Georgia Peach et de sa troupe de Golpels. C'était cette chanson que l'esprit du jeune homme avait captée. Manon Penker avait fait une compilation des titres préférés d’Yves. L'atmosphère était chargée en émotion. La pendule marquait onze heures.

-N'y a-t-il donc rien que vous puissiez faire pour sauver mon fils ? Cette question était une supplique qui émanait de Marie-Louise Brélivet. La mère d'Yves était en proie à une vive douleur et à une terrible évidence : son fils allait mourir suite à un terrible accident de la route. Rien ni personne ne pouvait changer le cours de son destin. Il avait un teint d'une pâleur de cire. Quelquefois, ses yeux bougeaient sous ses paupières. Mais c'était tout. Sur les avant-bras et le thorax osseux, les sondes ne reliaient plus le corps à des machines. Yves avait subi une trachéotomie et avait été gavé depuis des mois. Dans le jargon des infirmières, il était devenu une glaire. Madame pique-fesses savait qu'elle devrait bientôt l'habiller, l'emballer et le conduire au marché Saint-Pierre.
Marie-Louise aurait apprécié que le père Coadélez de l'église du Perpétuel Secours lui vienne en aide -comme Jésus le fit à maintes reprises -mais le prêtre s'était contenté de répondre :
-Tant qu'il y a de la vie, il faut garder de l'espoir.
Marie-Louise tenait délicatement les mains moribondes de son fils et les mouillait de larmes. Par une dérogation spéciale, elle avait obtenu que son fils reçoive les soins à domicile. Quelquefois, elle se montrait distraite par les allées et venues de l'infirmière.
Dans un encensoir brûlait du santal. Sur les lattes vernies, Manon Penker avait éparpillé quelques pétales de fleurs. À l'origine, son idée avait été de couvrir le plancher de milliers de pétales. Elle avait lu dans un ouvrage que Cléopâtre et Marc-Antoine avaient passé une nuit d'amour sur un matelas de roses, que Napoléon avait envoyé du jasmin à Catherine de Beaumarchais. Yves méritait bien autant d'égards. Mais elle s'était heurtée au refus de l'infirmière. Manon Penker avait insisté puis obtenu que quelques pétales jonchent le plancher, que de l'encens et quelques cierges brûlent.
Il était exactement dix heures à l'horloge lorsque le téléphone sonna chez les Brélivet. Sans se presser, Marie-Louise se rendit dans le salon et décrocha. Une voix masculine demanda :
-Madame Brélivet?
-Oui ? Je vous écoute. Qu'y a-t-il ? répondit-elle.
-Je suis Philippe des établissements Arnaud père et fils. La société des pompes funèbres.
-Allez au fait, monsieur Arnaud ! coupa-t-elle.
-Il s'agit de votre livraison.
L'homme semblait tapoter sur son bureau.
-Ma banque a exécuté l'ordre de virement, annonça madame Brélivet.
-Oh ! Il ne s'agit pas de cela ! Vous nous avez payés rubis sur ongle.
-Alors, quel est le problème ?
-Voici. Par mégarde, vos articles ont été livrés à quelqu'un d'autre. Une cliente qui avait besoin d'une pierre et d'une statue pour sa défunte fille. J'aurais dû prévenir que la vente avait été faite. Une terrible méprise ! Cela s'est fait durant mon absence. Je pense pouvoir arranger cela. Je rétablirai votre commande, mais j'ai besoin d'un délai de deux mois. Le bois de santal et le marbre sont des produits difficiles à trouver. Je ne compte même pas le travail que cela va demander. C'est une œuvre d'art que vous avez commandée.
-Mon fils est au plus mal, à l'article de la mort. Les médecins ne lui donnent pas plus de quarante-huit heures.
-Ma foi ! Je vous comprends. Mais nous n'avons plus ces articles. Vous devez patienter.
-Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ! Yves est à l'agonie. Le père François Coadélez est à son chevet. Elisabeth Genkel veille sur ses derniers jours. Et vous ? Vous marchandez sa mort !
-Je ne désire pas vous choquer, madame Brélivet. Nous sommes pris de cours. Yves aura son cercueil en bois de santal, mais je ne puis m'engager sans votre accord.
-Vous faites bien ! rétorqua Marie-Louise.
-Ne voyez pas de mal à mes propos. Enfin ! Ce que je veux dire, c'est que nous sommes prêts à nous engager dès que vous aurez donné le feu vert. Je vous garantis que la dalle et la statue seront d'une telle finesse que beaucoup voudront déloger votre défunt fils de là-dessous. Deux mois ! C'est tout ce que je demande.
- Je n'ai pas deux mois devant moi. Je fais les préparatifs. Yves ne reçoit plus de soins. Les médecins et moi avons décidé de le laisser partir, de ne pas faire un acharnement thérapeutique. Vous savez ce que je vais faire, monsieur Arnaud ? Je vais rappliquer sous quarante-huit heures et exiger le complet remboursement de mon paiement. Puis je m'adresserai à une autre maison qui délivrera ma commande en un temps record.
-O.K ! O.K ! Ne vous énervez pas, madame Brélivet. Je vous comprends. Mais je ne puis rien faire sans ce délai.
Il attendit quelques secondes en espérant de sa cliente qu'elle change d'avis. Mais c'était un fol espoir, car celle-ci lui opposa un lourd silence. Aussi reprit-il :
-Entendu ! J'enverrai votre chèque par courrier sécurisé. Vous habitez toujours au 74, rue de la Loire, dans le dix-neuvième arrondissement ? Vous aurez votre chèque dans quarante-huit heures. Désolé pour les désagréments.
Sur ce, Arnaud mit fin à la communication. Marie-Louise Brélivet attendit deux minutes, à côté du téléphone raccroché. Puis elle poussa un soupir et s'ébranla en direction de la chambre où reposait son fils malade, désormais voué à une mort certaine. Marie-Louise était accablée. Atterrée.
-Que se passe-t-il Marie-Louise ? demanda le père Coadélez.
-Rien de plus qu'une dame qui a ravi la tombe de mon fils. Rien que cela, mon père ! Fît-elle en adoptant un ton de profondes lassitudes. Quelquefois, je me demande où est mon fils ? Ce que fait son esprit ? Je n'arrive pas à m'enlever de la tête qu'il peut être ailleurs que dans son corps physique. Il ne réagit plus aux nombreux stimuli, mais je sais que son esprit est vivant. Je me demande où il peut bien être.
-Ne restons pas là. Allons dans votre bureau. Nous y discuterons. Cela-va vous faire du bien.
Ils sortirent de la chambre et empruntèrent un couloir qui les mena à une vaste salle carrée où trônait une lourde table en merisier. La table se trouvait au centre de la pièce. Le bureau sentait le confiné, la cire et le cuir frais. Les murs étaient couverts de tableaux. Une dizaine présentait des semi-remorques.
Le père Coadélez bouda le confortable fauteuil qui l'invitait à s'asseoir. Il se dirigea vers les rayonnages et s'aidant d'une échelle montée sur un rail, choisit deux livres d'Anatole Le Braz intitulés « Magie de la Bretagne » qu'il posa sur le bureau, à côté d'un chandelier en argent sur lequel brûlaient plusieurs cierges.
Marie-Louise s'attarda auprès des fenêtres aux larges rideaux de cretonne. La vue donnait sur une cour intérieure privée. Son regard fut attiré par ce qui semblait un homme à l'allure d'oiseau de proie. Il dégageait de cet homme un air accipitriné dans le manteau noir à grand col qui l'enveloppait et sous le feutre à large bord qui couvrait sa tête. Le feutre brinquebalait comme agité par les feux de l'enfer. Marie-Louise se raidit d'effroi lorsqu'elle aperçut le visage de l'inconnu. Il était décharné. Les globes oculaires, vides d'yeux, étaient occupés par des chandelles allumées. La fosse nasale était béante. La tête était menue. Elle bougeait sans arrêt et dans tous les sens. C'était elle qui chahutait si fortement le chapeau. Marie-louise comprit. C'était l'ankou, l'ange de la mort venu chercher Yves.
-Ma doué ! Heman zo eun anko drouk (Mon Dieu ! sûr que celui-là doit être un Ankou méchant), dit-elle. Le temps de penser la phrase, le personnage avait disparu. Le stress certainement pensa-t-elle en revenant à sa table. Elle s'assit sur le rebord de son bureau puis se saisit d'une statuette en bois avec laquelle elle joua machinalement avant de la reposer. Elle n'osait dire au prêtre ce qu'elle avait semblé apercevoir. Un Ankou venu chercher son fils. Un Ankou méchant.
-Je supporterais bien une Leffe ! dit-elle en se levant. Je vous sers quelque chose, mon père ?
Elle se saisit d'une bière dans le réfrigérateur.
-Un whisky soviétique ? proposa-t-elle. Elle savait que le père était abstème.
-Oui, mais pas de quoi étrangler un perroquet ! répondit celui-ci.
Elle se dirigea vers une banne qui servait de bar et se saisit d'une bouteille de vin de pays puis s'empara d'un verre. Elle revint vers l'homme d'Église et lui tendit son verre plein. Le père le prit et le vida d'une traite.
-Ce n'était pas le frère à dégueulasse ! Fit-il en reposant le verre.
Marie-Louise décapsula et sirota sa bière. Elle prit une nuigrave dans la poche de son tailleur puis gratta une allumette. L'odeur âcre de la Gauloise couvrit celles confinées du bureau. Elle agita la main en soufflant sur la flamme puis posa la bûchette dans le cendrier.
-Maharit et Manon sont sorties ! fit-elle en exhalant une bouffée de fumée. Elles sont allées au squat de la rue Lassalle. Elles désirent apporter des couleurs dans cette demeure. Le père François Coadélez leva les sourcils. Les interrogations voilées n'échappèrent pas à Marie-Louise.
-Oh ! J'ai confiance en Maharit et en Manon. D'ailleurs, elles ne devraient plus tarder à rentrer.
Tout en l'écoutant, il avait porté son attention sur des portraits qui représentaient Fanch. Fanch Brélivet avait été l'époux de Marie-louise. Il était le père d’Yves et de Maharit.
-La seule chose que cet imbécile a réussi à faire pour nous, c'est de mourir ! fit-elle en écrasant furieusement sa nuigrave dans le cendrier, Voyez ce que nous a apporté son accident ! Elle exhala de la fumée et montrait la dizaine de photographies de semi-remorques qui représentaient son entreprise.
-La somme payée par les assurances a permis de monter la société. Le père devina le trouble qui la gagnait.
-Ne soyez pas trop dure avec vous ! Ce n'est pas de votre faute si votre mari est mort. Cela est arrivé parce que cela devait se passer ainsi. Il faut vous pardonner à vous-même. Puis oublier.
Marie-Louise plongea son visage entre ses mains. Elle le releva presque aussitôt, les yeux embués de larmes. Elle se mordillait le coin de la lèvre et éprouvait de la peine à décrocher son regard du plafond. Les yeux roulaient sur eux-mêmes comme s'ils cherchaient une solution.
-L'idiot ! glapit-elle en essuyant ses joues mouillées. Fanch n'a jamais été bon en affaires. Au Monopoly, oui ! Il était excellent. Mais en affaires, c'était un vrai nul ! Même au jeu du 21, il nous a refilé la plus mauvaise des cartes.
Les larmes se répandirent à nouveau sur ses pommettes.
-La seule chose que Fanch n'a pas ratée, ça a été sa sortie. Mais là encore, il nous a arraché le cœur. Mais il nous a laissé tout cela !
Dans un geste de rage, elle pivota sur elle-même et le verre vola en direction du mur qu'il frappa de plein fouet. Il eut un bruit sec et cristallin. Puis la gueule d'une semi-remorque se mit à vomir de la bière.
-Je suis sûre qu'il a manigancé cet accident pour nous permettre de toucher la prime d'assurances.
Elle tenta de retrouver son calme. Elle respira profondément puis essuya à nouveau ses larmes.
-Fanch a battu tous les records de stupidité ! Il n'a jamais compris que je l'aimais plus que l'or et toutes les richesses du monde.
Une forte vague souleva sa poitrine puis la fit retomber.
-Vous devez trouver la force de vivre, Marie-Louise. Croire en la Vie. Aujourd'hui plus que jamais ! fit le père qui désirait se montrer réconfortant.
-Maintenant, c'est Yves qui s'en va. Il est si jeune. À peine 19 ans.
Sans cet accident, il aurait fait un fabuleux génie. Voyez ses peintures ! Je suis désespérée, mon père ! Je ne vous le cache pas. Je crois que je n'aurai pas la force. Je perds pied. Le père leva les yeux en quête d'un inopiné soutien. 11 se sentit insignifiant face au drame qui secouait cette famille. Comment réconforter madame Brélivet ? Comment lui apporter cette force dont elle avait besoin et qui lui faisait défaut ?
Ce secours lui vint de Maharit qui apparut dans l'encadrement de la porte.
-Mamm' ? appela-t-elle.
Elle s'était fait une coloration d'un rouge vif et brillant. Marie-Louise ne l'avait pas entendue arriver. Elle tendit deux bras largement ouverts à sa fille qui s'y réfugia.
-Je ne vois pas Manon. Que fait-elle ? demanda Marie-Louise.
-Elle n'est pas loin ! fit Maharit en empruntant une mine énigmatique.
Elle essuya les larmes de sa mère puis leva ses yeux, couverts de strass et de paillettes, en direction d'un portrait de son père. Il souriait. Elle sentit papilloter ses narines. Un fond de larmes emplit le coin de ses yeux. Elle se ressaisit. Il ne fallait pas revenir sur le passé, mais épouser le cours du temps et vivre dans la puissance de ses lames de fond.
-Ensemble, vous vaincrez toutes les deux ! fit le père Coadélez.
-Toutes les trois ! fit Manon Penker qui venait d'arriver. Le bonheur reviendra dans nos vies. Je suis certaine que c'est ce qu'Yves souhaite.
Elle affichait une présence carnavalesque. Une paire d'ailes sombres couvraient le bas de son front et disparaissait sous ses cheveux à hauteur des tempes. Sur sa jambe droite, des nuages entouraient un soleil sur un fond bleu et sur celle de gauche, la lune et les étoiles apparaissaient dans une couleur argentée, couverte de paillettes. Le tout sur un fond d'un bleu nuit.
-Qu'as-tu fait ? releva madame Brélivet. Maharit et Manon éclatèrent de rire.
-C'est ubuesque, mais il faut reconnaître que c'est réussi, convint le père Coadélez. Il faudrait envoyer un carton à Henri Salvador.
Elles rigolèrent de plus belle.
-C'est sûr qu'il y a de la joie ! convint madame Brélivet.
-Nous avons mis du temps parce que nous sommes allées à une vente aux enchères de vêtements de marque à prix dégriffés. Viens voir ce que nous avons rapporté !
Elles entraînèrent Marie-Louise jusqu'au petit salon d'entrée.
-Nous y avons laissé nos courses ! lui apprit Maharit.
-Cela a dû coûter cher, non ? demanda sa mère.
-Cool, Raoul ! Ça n'a coûté que des braques et des chips ! fit Manon. Nous n'avons pas fait fumer la blue (carte bleue).
Le père s'éclipsa. Il se rendit directement dans la chambre d'Yves. Il trouva l'infirmière de nuit en grande fatigue. Sa remplaçante n'était pas encore arrivée.
-Vous ne dormez pas assez. Allez-vous reposer ! Ce ne sont pas les canapés qui manquent. Je veillerai sur Yves.
-Je lui ai fait sa toilette et j'ai tendu les draps. Seigneur Dieu ! Puisse le ciel faire quelque chose pour lui.
Elle pensait vraiment ce qu'elle disait.
-Je prierai pour cela. Élisabeth ? fît le père en empruntant une voix douce, presque pieuse. Il marqua un temps d'arrêt comme s'il se demandait pourquoi les infirmières s'appelaient presque toutes Élisabeth. Puis il poursuivit :
-Cette fumigation ne gêne-t-elle pas Yves ? On se croirait à un concert de rock n 'roll.
L'infirmière sourit à demi. Yves n'était plus sous trachéo, intubé et ventilé.
-C'est une idée de Manon, fit-elle depuis le pas de la porte. Je lui ai déjà refusé de tapisser cette chambre de fleurs. Je crois qu'elle m'arracherait les yeux si je m'opposais une nouvelle fois. C'est la façon qu'elle a de montrer à Yves qu'elle l'aime, qu'il n'est pas seul et qu'elle est avec lui.
Le père se plongea dans un chapelet de prières. Il ne l'entendit pas lorsqu'elle sortit. De même, il ne fit pas attention à Marie-Louise lorsque celle-ci vint au chevet d'Yves. Madame Brélivet avait le vi-sage apaisé. Maharit et Manon avaient atteint leur objectif. Où es-tu, Yves ? Es-tu seulement dans ton corps ? J'ai l'impression que tu n'es pas là. Que peux-tu bien faire, mon fils ? murmura-t-elle dans le silence des prières.

Là-bas, dans le monde de l'esprit d’Yves, le ciel semblait fuir dans un sens puis revenir dans l'autre. Il ressemblait au Sahara avec ses dunes et ses montagnes, ses couleurs de sable. Un chanteur interprétait « Glory ! Glory ! Hallelujah » à l'orgue de Barbarie. Devant des parterres de dahlias et d'impatients, Youenn-l'esprit de Yves brélivet- et Rozenn avaient échangé des baisers. Ils avaient cheminé le long des allées bordées de yuccas. Ils s'étaient laissé bercer par les chutes de la cascade puis avaient acheté des gaufres, des crêpes et de la barbe à papa chez un marchand qui tenait boutique dans sa caravane. Ils avaient ensuite gravi un tertre au sommet duquel ils avaient découvert une surface arborée et des bancs. Ils s'y étaient assis et avaient commencé à consommer leurs achats lorsqu'une dizaine de pigeons passèrent à une allure si vive qu'ils se demandèrent s'ils n'avaient pas un train à prendre dans la minute. Ce fut à cet instant précis qu'une jeune fille apparut à une cinquantaine de mètres d'eux. Elle marchait en direction du pont et portait des tatouages sur toute la longueur de ses jambes. Youenn pensa à Manon, mais il rejeta aussitôt l'idée. La vue plongeait sur le lac. Les eaux vert bouteille frisaient sous la poussée des vents. Les cygnes nageaient avec une majesté inhabituelle. Une grand-mère et sa petite-fille nourrissaient des canards étranges. Les techniciens de la ville installaient l'écran géant et les enceintes acoustiques d'une séance de cinéma en plein air. Des voix d'adultes mêlées à celles d'enfants montaient jusqu'au sommet du tertre.
Rozenn saisit les mains de Youenn. Elle les retourna et y posa deux branchettes en croix. À ce moment précis, la jeune fille réapparut. Elle leur fit face depuis le temple de Sisyphe. Puis elle recula, prit son élan, et sauta par-dessus la barrière de sécurité. Elle rebondit plusieurs fois sur la paroi rocheuse avant de se recevoir de nombreux mètres plus bas, sous le regard stupéfait des visiteurs qui désignaient son corps qui crevait les eaux. Youenn se rendit précipitamment sur les lieux.
Une large tache de sang assombrissait déjà les eaux. Le visage de la jeune fille exprimait un rictus affreux. Comme Youenn aurait apprécié de se tromper ! Comme il aurait aimé croire que c'étaient ses yeux qui le trahissaient, que cette jeune fille n'était pas Manon. Mais c'était elle ou du moins la vision qu'il en avait. Les os transperçaient ses jambes.
Alors Youenn mit ses mains devant ses yeux gagnés par l'horreur et poussa un hurlement dément.

Le lendemain de l'entretien téléphonique entre Marie-Louise et Philippe Arnaud, la sonnette d'entrée retentit au 74, rue de la Loire. Manon était en train de lire « Cemetery » de Stephen King. Elle se leva et alla ouvrir. Elle se trouva devant un grand Digaule aux goûts trimés et à la mèche p'tite merdeuse. C'était un garçon sérieux qu'elle connaissait bien et dont le père tenait une boulangerie-pâtisserie, rue de Crimée. Il n'avait jamais touché au shit ni rien dans ce genre. Pourtant, elle lui trouvait des narines en stéréo.
-Jeudy ! s'exclama-t-elle. Entre donc !
-J'ai juste le temps de te remettre ceci, fit-il en lui remettant un sachet taché de gras.
-Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle, curieuse.
-Ce sont des pâtisseries que j'ai faites. J'y travaille depuis trois heures du matin.
-Cool, Raoul ! J'apprécie vraiment ton geste. Merci.
Elle s'alarma ensuite devant sa mine fortement gênée et lui demanda ce qu'il avait d'autre.
-Deux billets de cinéma. Il passe Dark water au Mk2. C'est un film de Walter Salles avec Jennifer Connely et Tim Roth, avança-t-il. Je me disais que nous pourrions aller le voir.
Il n'y avait pas à dire. Il avait bossé sa leçon et calculé son coup. Tim Roth était l'acteur préféré de Manon et Jeudy savait que la jeune fille raffolait de films fantastiques. Puis le Mk2 était un cinéma qui offrait une vue superbe sur le bassin de la Villette. Si Manon ne kiffait pas sur lui, elle ne pouvait pas rater Tim Roth au Mk2. Jeudy n'espérait que quelques instants en sa compagnie. Pourtant il se prit un râteau !
-Désolé, Jeudy ! Je ne veux pas te mettre la fièvre, mais c'est mission impossible. Ça me plomberait d'y aller ! répondit-elle.
Cela mit la tête à l'envers à Jeudy Scrive, mais celui-ci se reprit convenablement.
-Je comprends, dit-il en cachant sa déception. Mon père m'attend. Il va faire un infarctus si je ne rapplique pas. Appelle-moi si tu changes d'avis.
-A plus ! Salua-t-elle en le renvoyant presque.
En même temps dans la salle à manger, le père Coadélez attirait l'attention de la remplaçante d'Élisabeth. Celle-ci s'appelait aussi Élisabeth.
-Amélie Beneth ! fit le père Coardélez en désignant la photographie qu'il tenait. Il avait prononcé le nom de la jeune fille de manière à susciter la curiosité de la remplaçante d'Élisabeth Genkel. Elle leva les yeux dans la direction du père et marqua une pointe de surprise.
-Vous la connaissez ? demanda-t-elle.
-Vous aussi, vous avez remarqué la similitude avec les portraits réalisés par Yves, n'est-ce pas ?
-En effet, la ressemblance est frappante.
-En fait, j'étais en train d'éplucher des fichiers sur Internet lorsque son visage a envahi mon écran. Je ne sais de quelle manière, mais j'avais ce visage sur l'écran du moniteur. Elle s'appelait Amélie Benneth. Elle est née en 1954 à Saint-Ouen et est morte en ... 73 à la Pitié. Elle est enterrée au cimetière de l'Est. Je ne la connais pas. Pas plus qu'Yves d'ailleurs. Mais en comparant la photographie d'Amélie à celle d'une autre jeune fille qui a vécu il y a très longtemps, je suis arrivé à un résultat étonnant. Amélie Benneth est la princesse d'Ys ou encore Rozenn. J'ai les preuves sous ces autres portraits que je tiens retournés face contre table.
-Mon mari trouverait ceci fort intéressant ! Vous ne pouvez pas imaginer à quel point il est obnubilé par la royauté. Vrai de vrai ! Quelquefois il lui arrive de s'habiller comme Napoléon et de passer ses pieds sous la table, au moment du dîner. Vous voyez un peu le décor ?
Le père esquissa un sourire mi-figue mi-raisin.
-Je vous crois sans le moindre doute ! fit-il en dressant sa main comme une barrière. Maintenant, voyez ces autres portraits.
Il les retourna. Élisabeth marqua aussitôt un autre sursaut.
-Ainsi vous avez reconnu Amélie Benneth, n'est-ce pas ? constata le père.
-C'est extraordinaire ! La ressemblance est surprenante. La princesse d'Iz et Amélie Benneth se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Comment Yves a-t-il pu peindre un portrait aussi ressemblant ?
-Toutes les trois sont identiques. Ceci pour la bonne et simple raison qu'il s'agit de la même personne. Mais pour répondre à votre question, cela reste un mystère entier. Rozenn est certainement née dans son esprit et y a grandi au point de devenir cette matérialité.

La salle à manger donnait sur la cuisine. Celle-ci était imprégnée de relents de beurre fondu et de caramel. Les fenêtres étaient ouvertes. La clarté du jour se réfléchissait sur les carreaux de Gironde qui recouvraient son sol. Manon était assise dans le coin déjeuner. Elle mangeait les pâtisseries que venait de lui porter Jeudy. Elle mâchait un mille-feuille. Elle entendait tout ce qui se disait et ne perdit aucun des propos échangés dans l'autre pièce. Elle avait la mine chagrine et boudeuse. Elle pleurait silencieusement.
-Je recommande, argumentait le père Coadélez, le livre du docteur Raymond Moody « La vie après la vie » à votre mari. C'est un ouvrage scientifique très fouillé sur le sujet de la vie après la mort. Votre époux pourrait découvrir qu'il est Napoléon Bonaparte !
-Le pensez-vous vraiment ?
Le père préféra garder le silence. Élisabeth se mordit l'intérieur de la joue et le bêcha.

Dans le même temps, le téléphone sonna dans le bureau. Marie-Louise fut surprise d'avoir en communication l'entrepreneur des pompes funèbres.
-Madame Girard vient de retourner le cercueil, la dalle et la statue, lui apprenait-il. Elle n'en veut plus. Me voici dans un sacré embarras ! Je me dis que si vous les acceptez, nous aurons réglé cette affaire. Qu'en pensez-vous ?
-C'est parfait. Je les prends.
-J'informe le personnel pour qu'il n'y ait pas d'autres gaffes.
Voilà ! Vous pouvez passer les récupérer quand vous le voulez. Vous n'êtes pas superstitieuse ? ajouta-t-il.
-Je ne vois pas où vous voulez en venir. Je ne suis pas superstitieuse. Pourquoi la question ? s'inquiéta-t-elle.
-Madame Girard était véritablement effrayée à l'idée de ne pas pouvoir se débarrasser du cercueil, de la dalle et de la statue. Elle m'aurait payé pour les lui reprendre. Un esprit vengeur l'a rouée de coups, dit-elle. La malheureuse ! Si vous l'aviez vu ! Elle était dans un état ! Toute commotionnée et couverte de bleus. Qu'est-ce que la perte d'un enfant peut provoquer comme troubles chez un adulte ! Bref ! Je ne suis pas mécontent de vous savoir rentrée dans vos biens. Bon courage, madame Brélivet.
Philippe Arnaud raccrocha.
Il était minuit lorsque dans le silence de la chambre Yve Brélivet mourut. L'encéphalogramme était plat et le rythme cardiaque nul. Une chape de plomb s'abattit sur toute la maison. Les visages étaient solennels et graves.
Les fleurs paraissent.
Le temps des chants est arrivé, Youenn.
-Il est parti, constata le Père.
-C'est fini, fit Élisabeth Genkel en posant une main réconfortante sur l'épaule de Marie-Louise.
La mère d'Yves éclata en sanglots. Le jeune homme était mort sur les douze coups de minuit. L'Ankou partirait les mains vides. Mais face à son chagrin et à son deuil, elle murmura tout bas :
-Doué da bardono ann anaonnn, (Dieu pardonne aux défunts.). Pourquoi avait-elle formulé cette phrase ? Elle ne le savait pas vraiment. Peut-être l'appartition de l'Ankou et que Yves soit mort aux douze coups de minuit. L'Ankou méchant était reparti les mains vides. Elle en était certaine.


Manon était au temple de Sisyphe. Elle entendit les pas derrière elle et entrevit la silhouette de son ami.

-Tu péclotes, Charlotte ? lui demanda Jeudy.
-Jeudy ? fit-elle avec un certain étonnement.
-Je suis là depuis un moment.
-Chut ! fit-elle en désignant un papillon qui battait des ailes sur le dos de sa main. Tu vas lui faire peur. Il vient de se poser à côté de moi. Je l'ai pris. C'est Yves qui me l'a laissé. Il ne voulait pas que je reste seule. Du moins, c'est le sentiment que j'ai. Il m'aimait un peu, tu comprends ?
-Oui, fit Jeudy en s'agenouillant près d'elle. Il prit « Les nouvelles histoires extraordinaires » d'Edgar Allan Poe que Manon avait apporté puis posé près d'elle.
-Yves venait ici, confia-t-elle. Il aimait beaucoup les Buttes-Chaumont avec ses allées d'arbres et ses massifs de fleurs, ses chutes d'eau et la vue qu'on a depuis le temple.
-Je sais, mais maintenant Yves est parti. Je peux t'aider et je le veux. Je suis là. Il ne fait jamais triste tout le temps. C'est mon père qui le dit. Puis, tu diras que je suis ... tu sais comme dans Harry Potter quand -je ne sais plus comment il s'appelle -Il se frappe la tête à chaque fois ....
-qu'il se trouve méchant ?
-Oui.
-Dobby.
-Je ne veux pas avoir à m'appliquer le même traitement que lui ou que tu croies que je perds la tête, mais ce que je vais te dire est tellement étrange que je dois le présenter avec beaucoup de circonspection. Je l'ai vu à la boulangerie. Yves ou son esprit. Il se tenait en face de moi. De l'autre côté de la rue. J'ai compris que tu pouvais être en danger. J'ai juste eu le temps d'enfiler ma veste. C'est lui qui m'a conduit jusqu'ici. C'est étrange, tu ne trouves pas ? J'ai vu Yves et c'est son esprit qui m'a conduit jusqu'ici. Il a disparu à l'instant où je t'ai vue. À sa place, il y avait ce magnifique papillon jaune.
-C'est un citron de Provence, mais ils sont deux ! fit-elle en désignant un deuxième papillon qui voletait autour d'elle.
-C'est ce que je vois, constata Jeudy.
-Je n'ai rien dit tant que je pensais que la femme qu'Yves peignait n'était que le fruit de son imagination. Cela ne me gênait absolument pas qu'il en fasse des croquis toute la journée. Le mal était supportable parce que cette femme n'était qu'un dessin, tu comprends ? Mais elle a vécu. Elle a existé. Alors c'est différent. C'est la princesse d'Ys qu'il a peint. La princesse D'Ys qui est aussi Amélie Benneth. Sa poitrine se gonfla de chagrin puis se vida.
-J'ai reçu cette histoire « brut de décoffrage » en surprenant une conversation. Je suis allée au cimetière et j'ai vu la tombe d'Amélie et sa photographie. J'ai eu mal au point que j'ai cru que j'avais des papillons sous l'abat-jour. Je suis venue me réfugier ici. J'avais trop mal. Oh ! Jeudy ! Si tu savais. J'ai été tenté de faire le grand plongeon du haut du temple.
-Je sais, Manon. Je sais ... répéta-t-il en levant des yeux attendris.
-Je ne veux plus de ces tatouages ! fit-elle en un mouvement d'humeur. J'ai essayé de les faire partir avec de l'eau et du savon, mais je n'y suis pas arrivée. Il faut de la térébenthine, mais je recommencerai et cette fois-ci ça marchera. Je ne les veux plus. Je le faisais parce qu'Yves les trouvait drôles. Mais cela ne m'amuse plus. J'ai trop mal au cœur. Je préfère lâcher l'affaire !
Jeudy Scrive cacha le dessin qu'il s'était fait tatouer sur un avant-bras.
-Que comptes-tu faire ? Se hasarda-t-il à lui demander. Te jeter au pied du temple de Sisyphe avec un livre d'Edgar Allan Poe ?
Elle émit un rire étouffé.
-Le papillon me tient compagnie. J'ai changé d'avis.
-Yves t'aimait, tenta-t-il de la convaincre. Peut-être pas à la façon dont tu aurais souhaité qu'il t'aime, mais il t'aimait beaucoup. Si tu veux mon avis, il devait se faire un sang d'encre pour se présenter ainsi à la boulangerie.
-J'ai aimé Yves jusqu'au plus profond de mon âme, lui confia-t-elle.
Elle avait les yeux rougis, les paupières lourdes et le nez qui coulait.
-Viens. Bougeons de là. L'air se rafraîchit. J'ai laissé ma caisse à l'entrée du parc. Est-ce que tu sais qu'au café du MK2 on sert les meilleurs cheese burgers de la région ? Bluffa-t-il.
-Sans blague ? répondit-elle.
-Parole de consommateur ! Ils étaient vraiment délicieux.
-On pourrait en consommer deux autres. Qu'est-ce que t'en dis ?
-Je dis bravo ! Nous pourrions ensuite aller voir Dark water. Le film est toujours à l'affiche et je n'ai pas utilisé les billets de cinéma.
-J'irais bien voir Une aventure de Xavier Gionnoli. J'ai vu la bande annonce sur M6.
-Avec Tim Root dans le rôle principal ?
-Non. C'est un thriller franco-belge. Une histoire de couple qui emménage ensemble.
-Ça swingue pour moi ! fit-il en se réjouissant. Elle l'agrippa par la chemise et se leva. Ils prirent la direction de la sortie. Les papillons s'envolèrent puis se posèrent sur une balustrade. Ils y restèrent quelques instants. Manon et Jeudy passèrent le pont. Les papillons étaient là, battant de leurs ailes jaunes et brillantes. Quand le couple passa le portail d'entrée, ils virevoltaient au-dessus d'un massif en fleurs. Lorsque la voiture démarra, ils s'envolèrent en direction du tertre. Ils y restèrent un moment puis disparurent dans les feuillages alentours.



J'ai sué pour l'écrire. Vos commentaires m'aident beaucoup à avancer dans l'écriture. Alors, n'hésitez pas à en laisser. Puis, cela est un bon échange entre celui ou celle qui lit et l'auteur. Merci.
Sybilla
Envoyé le :  19/2/2021 21:55
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Envois: 95561
Re: Rozenn et Youen


Bonsoir Faustinyavo,

Oui, la lecture a été longue en effet, mais j'ai adoré lire ton superbe récit poétique !



Belle soirée !
Mes amitiés
Sybilla


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Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates "réelles" de parution.


Le rêve est le poumon de ma vie (citation de Sybilla)

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