Oasis des artistes: Poésie en ligne, Concours de poèmes en ligne - 6528 membres !
S'inscrire
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 


Mot de passe perdu ?
Inscrivez-vous !
Petites annonces
Qui est en ligne
169 utilisateur(s) en ligne (dont 153 sur Poèmes en ligne)

Membre(s): 2
Invité(s): 167

Peyrepertuse, Missi, plus...
Choisissez
Emy
HĂ©bergez vos images
zupimages
Droits d'auteur


Copyright



Index des forums de Oasis des artistes: Le plus beau site de poésie du web / Poésie, littérature, créations artistiques...
   Contes et nouvelles (seuls les textes personnels sont admis)
     Jean Petit-Denis
Enregistrez-vous pour poster

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant | Bas
Expéditeur Conversation
faustinyavo
Envoyé le :  28/1/2021 17:44
Plume d'argent
Inscrit le: 8/9/2014
De: Paris
Envois: 254
Jean Petit-Denis
Jean petit-denis avait vingt-cinq ans et fumait un paquet de cigarettes par jour. Il venait du département de Seine-et-Marne, en région Île-de-France. Il avait toujours vécu à Melun. Après la mort brutale de ses parents, il avait quitté cette ville pour s’installer à Paris. L’office public de logements lui avait octroyé un appartement près du square de la roquette entre le cimetière du Père-Lachaise et la mairie du onzième arrondissement. Jean Petit-Denis était titulaire d'une licence en droit et avait fait une école de beaux-arts. Aujourd'hui, il gérait une association appelée "Animalia". Il s’investissait dans son travail qu'il trouvait passionnant. C’était une lutte qu'il menait et il bataillait pour que des éléphants ; des lions ; des tigres ; des singes effectuent leur retour dans la savane ou dans leur forêt d'origine. Jean petit-denis avait des contacts dans toute l'Europe, en Asie et en Afrique. Actuellement, il supervisait la réintroduction d'une éléphante dans une réserve naturelle. L'animal avait souffert entre les mains des hommes. Éléphanteau, il avait vu son troupeau et sa mère abattus par des braconniers dans la forêt camerounaise, aux miroirs des papillons. Capturé, l'animal fut vendu à un cirque. Quinze ans plus tard, le pachyderme se retrouvait en Hollande puis quelques années plus tard, en France. Ne sachant plus quoi en faire, le parc zoologique qui en était propriétaire avait appelé l'association et confié le sort de l'éléphante à Jean Petit-Denis. Ce lundi, un travail colossal attendait le gérant de l'association "Animalia". L'éléphante retrouvait les siens.
C'était un grand jour pour ce pachyderme. Le grand retour après une longue phase d'adaptation dans un parc naturel en Afrique. Jean Petit-denis se tenait informé minute après minute. Il était au téléphone avec un correspondant qui lui donnait le détail des opérations.
- Je fais tout filmer et j’enregistre tout. J'envoie les résultats en pièces jointes via la messagerie de l'association.
Jean Petit-Denis exultait. Mais il demanda avec un accent teinté d’inquiétude :
- L'éléphante va-t-elle se réadapter après son long séjour en captivité ?
- Je pense que oui ! Elle s'avance d'un pas lourd et assuré vers ses congénères. Nous avons retrouvé des survivants du massacre. Ils sont présents. Ce sont ses parents. Ils la reconnaîtront, fit son correspondant au téléphone.
- J'ai peur que le groupe la rejette, fit savoir Jean Petit-denis.
- Nous le saurons dans un instant, car le mâle dominant vient de mettre ses grandes oreilles en éventail. Il lève la trompe et fonce sur l'éléphante au pas de charge.
- Je crains le pire, fit Jean Petit-Denis depuis son bureau situé à Maisons-Alfort dans la banlieue sud-est de Paris. Il avait accroché au mur un portrait de Diane Fossey.
- Le mâle vient de stopper sa course, arrêté par deux autres pachydermes ! reprit le correspondant au micro de son téléphone portable. Il baisse sa trompe et rabat ses oreilles. Il s'est fortement radouci. L'éléphante emboîte le pas aux deux autres éléphants. Je crois qu'elle a été reconnue après ces longues années de captivité. C'est gagné ! Elle est acceptée par le groupe. Elle est sauvée. Elle pourra mourir dans la dignité auprès des siens, dans le cimetière des éléphants.
Ce fut un moment de joie et de grande liesse.
- J'attends le film. Je le visionnerai, fit savoir Jean Petit-Denis qui magnifia la mémoire des éléphants, leur générosité et leur solidarité.
Jean petit-denis rentra chez lui avec la conviction qu'il devait se battre davantage pour remettre les animaux maltraités dans leur milieu naturel. Il traversa une grande cour pavée. Elle venait d'être nettoyée. Balayée et lavée. Elle était ornée de grands pots en terre qui contenaient des plantes. La cour était entourée de bâtiments aux murs vieillots. Elle comprenait trois cages d'escalier. Jean Petit-Denis passa sous l'enseigne d'un commissaire priseur et arriva à la cage de l'escalier B. Son immeuble était un bâtiment de quatre étages avec des combles sous les toits. Il était ancien. La façade avait de larges et hautes fenêtres en bois. Le mur était écaillé. Par endroits, fissurés. Une note originale avait été apportée : un soulier de pointure grande taille et de bonne facture avait été transformé en pot de terre et accroché par des fils à la façade d'entrée. Une petite plante y poussait. Il n'y avait pas d'ascenseur. Jean Petit-Denis vivait au deuxième étage. Devant sa porte, il sortit ses clefs et ouvrit. Il rentra chez lui. Il retrouvait Monique et Dominique.


Dominique et Monique étaient des inséparables. Ils étaient amusants, drôles et pleins de vie. Ils vivaient dans la grande pièce du salon. Ils étaient heureux. Jean Petit-Denis les entendait chanter à longueur de journée lorsqu'il était de repos. Dominique adorait Monique et Monique adorait Dominique. Jean Petit-Denis les posa sur son épaule. Il nettoya la cage puis il leur donna à manger et à boire.
Ensuite, il ne put s'empêcher d'étudier les dossiers urgents. La réintroduction de l'éléphante était un véritable succès. Les adhérents et les membres apportaient leur soutien aux projets de l'association. Il y aura certainement de nouveaux mécènes et de nouveaux dons. Il alla sur le site "animalia" et consulta les messages reçus. La vidéo était présente. Il la visionna. Il fut ému. Puis il lut ses e-mails. Il recevrait bientôt un nouveau cas. Il s'agissait d'un gorille –un dos argenté- à réintroduire dans les montagnes des Virunga en RDC. Il aurait plus de précisions plus tard. Les inséparables avaient fini de boire et de manger. Jean Petit-Denis dîna puis prit un bain. Détendu, il se coucha et s'endormit aussitôt. Le lendemain, il reprit son travail.

Il s'intéressa au cas du dos argenté. Il en fit sa priorité. Une note l'informait que l'animal était dans un parc zoologique en Belgique. Le gorille des montagnes avait subi les derniers examens et serait bientôt prêt à être "enlevé". Il avait ses papiers à faire et notamment ses vaccins. Jean Petit-Denis ne s'était jamais habitué à ce que l'on parle des animaux ainsi. Mais c'était le cas dans la profession. On en parlait comme si c'était des choses. Aussi devait-il chercher la marchandise et la livrer dans les montagnes de Virunga, en République démocratique du Congo. Mais le problème était toujours le même : le gorille survivrait-il parmi ses congénères ? Lui aussi avait été enlevé petit par des braconniers et vendu comme animal de compagnie en Asie. Les adultes qui le protégeaient avaient été tous tués.
- Hélène, appela-t-il au téléphone.
La secrétaire répondit. Il enchaîna aussitôt sur un ton ferme :
- Nous devons prendre contact avec le Jardin zoologique de Belgique pour savoir à quel moment aller chercher le gorille des montagnes. Nous devons actionner nos contacts en RDC. Le dos argenté retrouvera sa terre d’origine d'ici quelques mois.
- Je m'en occupe tout de suite, fit savoir la jeune femme. Je prends contact avec le parc des Virunga pour leur annoncer que nous avons un gorille susceptible de les intéresser.
Jean Petit-Denis la remercia et raccrocha.


Quelques jours plus tard, Monique tomba malade. Le jeune homme prit une journée et l'emmena chez le vétérinaire qui ne put faire grand-chose. L'inséparable mourut. La mort avait subitement frappé. Dominique n'avait plus Monique. Dans les jours qui suivirent, l'inséparable perdit le nord et n'eut de goût à rien. Dans la pièce, il restait tout seul. Il ne se balançait plus. Il se cachait. Dominique avait un immense chagrin. Il perdit ses belles couleurs. Jean Petit-Denis tenta de lui parler, de communiquer avec lui.
- Tu dois surmonter cette Ă©preuve. Te nourrir Ă  nouveau. Prendre des forces et faire entendre ta voix.
Dominique n'Ă©coutait pas. Il faisait non de la tĂŞte.
- Tu vas t'en aller si tu ne te relèves pas, insista Jean Petit-Denis.
L'inséparable hocha de la tête. Les petits yeux ne pétillaient plus.
Le pire arriva. Dominique mourut le lendemain matin. Jean petit-denis le trouva le soir dans un coin. Il avait les yeux clos. Il était raide mort. Emporté par le chagrin. Il l'enterra dans un cimetière animalier, auprès de sa congénère morte.
Jean Petit-Denis décida de ne plus acheter de perroquets d'Afrique. Il les trouvait fragiles.
La semaine suivante, Jean Petit-Denis eut des nouvelles du gorille des montagnes. Il était âgé, mais en bonne santé. Le Jardin zoologique de Belgique était prêt à faire partir l'animal et le parc des Virunga acceptait de le recevoir. Jean Petit Denis travaillait à l'acheminement du gorille jusqu'en République démocratique du Congo. L'association prenait en charge le coût de l'opération. Hélène s'occupait des modalités de paiement. Jean Petit Denis décida que l'animal ferait le voyage en train depuis la Belgique puis en bateau à partir de Marseille. En RDC, une association de protection des animaux accueillerait l'animal et le mènerait au parc des Virunga. Une nouvelle vie y attendait le gorille des montagnes.
Dans le bureau d'Hélène Ramsay, Jean Petit-Denis expliqua qu'il venait de perdre ses inséparables. Hélène Ramsay fut peinée. Elle savait à quel point il tenait à ses perroquets. Il était très attaché à eux.
- Le Vétérinaire n'a rien pu faire. Une maladie fulgurante a emporté le premier. Le deuxième est mort quelques jours plus tard de chagrin. Je n'ai rien pu faire.
- C'est un coup fatal ! dit-elle.
- Je leur ai donné une sépulture. Je les enterré au cimetière des animaux. J'ai réussi à avoir une place pour eux.
- Que comptes-tu faire, maintenant ? questionna-t-elle.
- Plus tard, j'irai à la SPA adopter un animal, répondit-il.
- Comment vas-tu, toi ? demanda-t-elle, un peu inquiète.
- Je fais aller. Puis, il y a la réintroduction du gorille des montagnes qui m'occupe.
Je suis heureux que le parc des Virunga l'accepte. Il y sera mieux que dans un jardin zoologique. Il coulera des jours paisibles sur sa terre d'origine. Il mourra chez lui.
Elle lui souhaita du courage. Le téléphone sonna. Elle décrocha et se lança dans une conversation professionnelle. Jean Petit-Denis s'éclipsa. Il retourna dans son bureau.

Il prit le métro de la ligne huit pour rentrer chez lui. Il fit une correspondance et sortait de la ligne deux lorsqu'il entendit :
- MaĂŻs ! MaĂŻs !
Il avait une petite faim. Il s'approcha du vendeur de maĂŻs.
-Combien cela coûte-t-il ? demanda Jean Petit-Denis avec une voix éraillée par la fatigue et la cigarette.
-50 centimes ! lui répondit le vendeur.
-J'en prendrai un.
Il lui tendit une pièce d'un euro. Le vendeur la lui prit et la fourra rapidement dans sa poche. Puis il s'affaira à son caddie. Il en sortit un épi chaud qu'il nettoya et qu'il emballa dans du papier essuie-tout.
-Avec du sel ou sans sel ? demanda-t-il d'une voix pressée à Jean Petit-Denis.
-Sans sel ! répondit ce dernier. À ce moment, le vendeur fut interpellé par deux policiers en uniforme. Un homme et une femme. L'arme à la ceinture. Il ne les avait pas vus arriver. Ils avaient garé le véhicule de police deux cents mètres plus loin. Il y avait foule à la sortie du métro.
-Veuillez nous suivre. Prenez le caddie avec vous.
Le vendeur en oublia de rendre la monnaie à Jean Petit-Denis. Pire, il remit l'épi de maïs dans le caddie. Jean Petit-Denis n'insista pas à cause de la présence des policiers. Il préféra rester sur sa faim. Il poursuivit son chemin sans être inquiété par les agents.
Le lendemain, à la sortie de la même bouche du métro, Jean Petit-Denis entendit une voix chuchoter :
-MaĂŻs ! MaĂŻs !
La saison du maĂŻs battait son plein. Il reconnut le vendeur Ă  la sauvette.
Jean petit-denis lui dit :
- Les policiers vous ont relâché.
Le vendeur fit un grand sourire. Il hocha plusieurs fois de la tĂŞte. Jean Petit-Denis reprit :
- Hier, vous ne m'avez pas servi ni rendu la monnaie de ma pièce. Je vous ai donné un euro.
- La police a confisqué ma marchandise ainsi que le caddie qui me servait de moyen de transport. Mais, je me suis débrouillé et réapprovisionné, dit-il en mauvais français et avec un accent de l'ouest de l'Afrique. Dès que j'aurai vendu quelques maïs, je rembourserai ce que je te dois ou tu peux prendre des épis, si tu veux.
- Donne-moi en deux. Le compte sera bon.
Le vendeur à la sauvette s'exécuta. Jean Petit-Denis repartit en emportant les épis. Il rentra chez lui en les grignotant. Personne ne l'attendait, mais il avait passé une commande pour adopter un animal de compagnie. Il avait donné son numéro de téléphone du bureau, mais aussi celui de son domicile. Il avait mis une clause particulière au contrat d'adoption. Il voulait recevoir l'animal le soir du réveillon de Noël.

Le Jardin zoologique de Belgique mit plusieurs mois avant de confirmer le départ du dos argenté. Le grand singe avait passé tous les examens et les papiers étaient complets. En règle. L'association "Animalia" en prit acte et enclencha la procédure du retour. Trois mois avaient passé. Les fonds pour la prise en charge du gorille avaient été dégagés et étaient bons pour utilisation.


Jean Petit-Denis était rentré chez lui. Il était tard. Gérard Lenorman chantait "gentil dauphin triste" à la radio. Jean Petit-Denis tira les rideaux et regarda à travers l'une des fenêtres du salon. Il fixa une guirlande qui étincelait dans la nuit. Elle était accrochée à un balcon. Plus bas, un groupe du secours catholique s'affairait autour d'un sans-abri. Il lui portait secours. Leur respiration dégageait de la buée. Les hommes aux gilets orange et blanc offraient une tasse de café et une soupe chaude. Ce sans-abri devait être sans boulot et sans logement. Pire sans famille. Jean Petit-Denis songea à la sienne. Ses parents n'étaient plus. Ils étaient morts dans un accident de voiture. Il lui restait une sœur de deux ans sa cadette. Elle vivait à Melun, dans la maison familiale. Elle étudiait à l’université Sorbonne nouvelle Paris 3 où elle faisait un Master en information et communication. Pour les besoins des études, elle logeait dans une chambre d'étudiante à Paris. Elle habitait une grande mansarde sous les toits. Elle rentrait le week-end à Melun. Elle s'appelait Sylvie.
Jean petit-denis perdait sa santé à fumer autant de cigarettes. Ses poumons crachaient le feu. Il ne savait pas si cela était dû à la fumée inhalée ou à des remontées acides. Pourtant, il sortit une cigarette et l'alluma. Il aspira la fumée. Son regard accrocha la publicité faite sur le paquet. Une horrible et indescriptible image lui sauta à la figure. Jean Petit-Denis toussa.
Une étoile filante passa. Il y accrocha un vœu. Il éteignit sa cigarette et jeta le paquet dans la poubelle. Il prit la décision d'arrêter de fumer.
- Père Noël, si tu existes ! Donne-moi un peu de ta force, pensa-t-il.
Ă€ la radio, la chanson venait de s'achever.


Depuis une semaine, il ne fumait pas. Il ne s'était pas acheté de cigarettes. Sa vie était rythmée par le boulot, le métro et le dodo.
-Mon vœu se réalise, constata-t-il.
Il avait une bonne mine. Il ne toussait pas. Il avait l'intime conviction que la partie était gagnée. Grâce à la magie de Noël et à sa volonté.
Il se présenta à la paroisse saint Ambroise. Le prêtre y célébrait une messe. Jean Petit-Denis alluma un cierge et balbutia de secrets remerciements. Puis, il s'acheta une religieuse qu'il mangea.


Le soir du réveillon à Melun, le sapin trônait au milieu du salon. Il était enguirlandé et brillait de mille feux. La table était mise. La lettre au père Noël avait été envoyée depuis le mois de novembre et les cadeaux s'entassaient sous le sapin. Ils étaient au nom de Sylvie Semefer. Une grande boîte de chocolat était adressée à Jean Petit-Denis. Mais, lui, attendait un autre colis. Il avait demandé à être livré le soir de Noël, à minuit. Il avait les cheveux gominés, noué sa cravate et il attendait impatiemment. Il portait un très large costume.
À minuit, le père Noël se présenta et déposa au pied du sapin le cadeau de Jean Petit-Denis. Il était accompagné par un agent de la SPA. Le colis était recouvert d'une toile. Jean Petit-Denis et Sylvie l'enlevèrent et dévoilèrent une niche. Des jappements en jaillirent et une chienne en sortit. Elle se tortillait et frétillait de la queue.
Jean Petit-Denis venait d'adopter un grand basset griffon !
Il l'appela Ciel ! Elle était blanche avec des tâches maron. Elle était de petite taille, au poil dur et avait de grandes oreilles tombantes. Elle était très attachante. Elle se fourra aux pieds de Jean Petit-Denis qui la câlina. Sylvie défit ses paquets cadeaux. Elle y trouva des babioles, du chocolat et une chaîne en or avec un papillon en médaillon. C'était un cadeau de son frère.
- Nous sommes aussi magnifiques et aussi fragiles que des papillons, lui confia-t-il en lui mettant la chaîne autour du cou. La fête se poursuivit tard dans la nuit en compagnie du père Noël et de l'agent de la SPA. Personne n'assista à la messe de minuit.

Ciel s'adapta rapidement à l'appartement de Paris. Elle adorait faire des jeux et sa présence ravissait son propriétaire. Elle était sensible et affective. Une fois, Jean Petit-Denis avait voulu mettre ses pantoufles. Il n’en avait trouvé qu’une au pied de son lit. La deuxième restait introuvable. Il l’avait cherchée partout, dans toute la maison. Puis, à son grand étonnement, il l’avait trouvée dans la niche de la chienne qui dormait dessus. Jean Petit-Denis lui avait fait une caresse et reprit sa pantoufle.
- Compris ! Je passerai plus de temps avec toi, lui avait-il confié.



Il l'emmena à la triplette, un bar café restaurant situé rue de Ménilmontant.
Il s'assit à la véranda et commença à faire des esquisses à partir de photographies. Il marqua un soudain intérêt pour une jeune femme qui venait d'entrer. Elle lui jeta un regard en passant près de lui, puis s'assit à une table de la terrasse. Jean Petit-Denis eut le coup de foudre ! Il adora son teint de nacre, ses yeux formidablement verts et son immense chevelure noire. Elle avait un tatouage au cou. Un lézard. Elle commanda une bouteille de beaujolais et jeta des regards impatients en direction de la rue. Elle semblait attendre quelqu'un. Le serveur lui apporta la bouteille de vin. Elle se mit à boire. Ciel avait le museau sur ses pattes. Elle était couchée aux pieds de Jean Petit-Denis. Elle était sage comme une image.
La jeune femme joua un moment avec le verre de cristal avant de le poser sur la petite table du café-restaurant. Le verre était pratiquement vide et la bouteille de beaujolais à moitié pleine. Elle se servit un autre verre. L’alcool l’enivrait et elle se sentit légèrement euphorique. Elle posa sa joue gauche dans la paume de sa main et les coudes sur les bords de la table. Elle était mélancolique, perdue dans ses pensées. Elle portait une chemise blanche à longues manches sur un pantalon jean et avait noué son immense chevelure noire en arrière ce qui faisait ressortir son visage juvénile et rond, un léger poupin. Elle avait des yeux verts qui fascinaient Jean Petit-Denis. Lui en était déjà amoureux ! Il commença un croquis d'elle.
-Il ne viendra pas, souffla-t-elle. Elle avait commandé la bouteille de vin pour qu’ils la boivent à deux ou trois selon qu’il vienne avec un ami ou pas. Elle avait attendu puis avait bu la bouteille de vin. Elle n’avait pas l’habitude de boire, mais depuis qu’elle l’avait rencontré, il l’avait entraînée. Elle n’était pas alcoolique, mais ne se refusait pas de bonnes rasades de vin.
Jean Petit-Denis griffonnait. Il avait fini sa tasse de café. Il levait les yeux sur elle puis penchait la tête sur le côté et s’activait. Ciel relava la tête et pointa les oreilles comme s'il allait se passer quelque chose. Du coin de l’œil, la femme aux yeux verts vit Jean Petit-Denis gommer son dessin. Puis elle le vit se lever, ramasser sa feuille de dessin et prendre une immense chemise verte en carton comme en ont les étudiants des beaux-arts. Il se dirigea vers elle suivi de Ciel. Il posa le dessin devant elle. Ciel se mit debout, les pattes sur la table et regarda le dessin. La jeune femme se reconnut aussitôt, l’air mélancolique, les coudes sur la table, le verre de vin pratiquement vide et la bouteille de Beaujolais à moitié pleine.
-Mais c’est moi ! dit-elle.
-Oui, répondit l’ancien étudiant des beaux-arts. Je n’ai pas pu résister à faire ce dessin de vous, perdue dans vos pensées et un tantinet mélancolique. Tenez, je vous le donne !
Elle lui fit un grand sourire et s’empara du portrait. Ciel enleva ses pattes de la table et redescendit. Une grande joie illumina le visage rond de la jeune femme. Elle se sentit heureuse de trouver de l'attention et de la gentillesse chez un homme. À ce moment, quelqu'un les rejoignit. Il était aussi grand que Jean Petit-Denis. Il avait le teint hâlé comme s'il rentrait des îles, de vacances. Jean Petit-Denis remarqua ses nombreux tatouages aux bras et au cou. Il embrassa la jeune femme, s'excusa de son retard puis s'assit près d'elle.
- Je te présente un artiste. Il vient de faire mon portrait.
Le nouvel arrivant prit le dessin, le regarda, le trouva très ressemblant et complimenta Jean Petit-Denis.
- Vous avez un bon coup de crayon ! Fit-il en prenant la main de Jean Petit-Denis et la serra Ă©nergiquement.
Embarrassé, mais pas jaloux pour un sou, l'artiste remercia le couple puis prit congé. Ciel prit le pas de son maître.

Jean Petit-Denis fut bouleversé et perturbé par sa rencontre. Mais, il était content. Les oiseaux chantaient de belles notes qu'il reprenait en sifflotant à la perfection. Le jeune homme avait le visage ravagé par des taches de rousseur. Il était très grand et très costaud. Un véritable gaillard. Au lycée, les élèves l'appelaient la tour de contrôle. Il était habillé de la façon la plus banale. Tout en imitant le chant du merle, Jean Petit-Denis avançait sur un chemin. Il était dans un bois traversé par une rivière. Un poisson sauta hors de l'eau. En scrutant la berge la plus proche, quelque chose hérissa ses cheveux. Des frissons remontèrent le long de son dos jusqu'à sa nuque. Au-dessus du sol, il aperçut quelque chose d'inhabituel. Une branche d'arbre finissait en cinq autres petites branches qui ressemblaient à des doigts. La branche avançait en suivant le cours d'eau. Elle flottait au-dessus de la rive. Instinctivement, Jean Petit-Denis jeta un coup d'œil sur l'autre berge. Une branche du même aspect descendait le cours d'eau. Jean Petit-Denis se saisit d'une pierre et la balança sur la branche la plus proche. La pierre s'écrasa sur la main en bois en faisant un bruit sec. Jean Petit-Denis se mit à courir. Il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. La branche aux cinq doigts le poursuivait. L'autre traversait la rivière et venait dans sa direction. Jean Petit-Denis arrêta sa course. Il revint vaillamment sur ses pas. Il se saisit de la branche d'arbre aux longs doigts et la cassa. Puis il prit la fuite à nouveau. Au détour d'un chemin, une femme lui fit face. Elle ressemblait à Camille : belle, une peau de nacre et surtout une immense chevelure noire et des yeux d'un vert profond. Elle était habillée en noir. Elle saignait abondamment de la main droite et son bras semblait disloqué, cassé. Lorsque le bras valide saisit le cou de Jean Petit-Denis, ce dernier poussa un cri puissant et il se réveilla. Il s'assit dans son lit et tint sa gorge des deux mains.
- Quel horrible cauchemar ! se dit-il, consterné. Il regarda son réveil. Minuit. Il se leva et se rendit à son atelier finir des esquisses. Il travailla le reste la nuit.

Jean Petit-Denis n'avait pas beaucoup dormi. Il dessinait Camille avec son immense chevelure noire, ses yeux verts et son teint de nacre. Il la peignit en noir. Elle ressemblait Ă  la femme de son cauchemar.
La nuit cédait la place au jour. La lune était présente. Elle était ronde, étincelante. Elle brillait comme un immense globe lumineux. Il se leva et s'attarda à une fenêtre côté rue. Jean Petit-Denis regarda les rangées de véhicules, l'alimentation générale ouverte jusqu'à deux heures du matin. Il posa son regard sur le salon de narguilé où les hommes passaient la majeure partie de leur temps assis sur des sofas ou des canapés à boire et à fumer. Les discussions s'étiraient jusqu'à trois heures du matin. La rue était une rue Couche-Tard.
Ă€ onze heures, Jean Petit-Denis n'avait toujours pas dormi. Il travaillait au portrait. Sous ses fenĂŞtres, des musiciens ambulants chantaient Ă  la trompette un air connu. Le son Ă©tait fort. La musique s'entendait de loin. Jean Petit-Denis savoura ce moment.
L'après-midi, en compagnie de Ciel, il fit une promenade. Il marcha nonchalamment parmi les passants le long de la Seine. Il regarda les péniches amarrées. Mais Jean Petit-Denis avait l'esprit ailleurs, suspendu à des yeux verts et à une masse très importante de cheveux. Il était hanté par les yeux de Camille. Il rentra chez lui finir le portrait.


Jean Petit-Denis gara sa voiture sur le bas-côté de la voie. Il sortit du véhicule pour s’acheter un casse-croûte. Il fut reçu par une bourrasque de vent et une vague de froid. La pluie lui caressa le visage. Il releva le col de son manteau, ouvrit son parapluie puis referma la portière de son véhicule. Le temps était triste et gris. Nuageux. Une bruine tombait. Les gens avaient presque tous un parapluie. Les feuilles mortes jonchaient le sol. Les camions de la ville de Paris les ramassaient. Le boulevard était rempli de monde.
Jean Petit-Denis fit la comparaison entre les bruits de la rue, le vacarme assourdissant des moteurs, le brouhaha des voix qui fusaient de toutes parts et l'intérieur confiné et silencieux de sa voiture. Dans l'habitacle, il n'entendait même pas le ronronnement du moteur. Il n'était gêné par aucun bruit. Jean Petit-Denis préférait ce confort silencieux à l'effervescence de la rue. À la boulangerie, il s’acheta un sandwich et une canette de Coca-Cola. Il remonta dans son véhicule, mangea sur les bouts des doigts puis repartit à son travail.
Il retrouva Hélène qui lui apprit que le gorille des montagnes était au port de Marseille, prêt à embarquer dans un bateau pour la RDC. Jean Petit-Denis s'enquit que tout allait bien. Il travailla tout l'après-midi à mettre en place le reste de la logistique. Il téléphona en République démocratique du Congo et s'entretint longuement avec l'Institut congolais pour la Conservation de la Nature.
Il l'avisa du départ du dos argenté et donna sa date d'arrivée.


Jean Petit-Denis décida de marcher pour regagner son domicile. Il descendit la rue du chemin vert. Au carrefour de la rue Servan, Il trouva sur le trottoir un portefeuille qu’il ramassa. Il était garni de billets de banques, d'un permis de conduire, de cartes de crédit, d'une carte d'identité et d'une carte de visite avec nom et adresse. Il ouvrit le portefeuille et jeta un coup d’œil sur la pièce d’identité. C'était une femme. Il la reconnut aussitôt. La fille à l'immense chevelure noire et aux yeux vert bouteille. Elle s'appelait Camille Anicet. Jean Petit-Denis se saisit immédiatement de son téléphone et appela le numéro de la carte de visite. La voix ne lui fut pas étrangère. C'était celle de Camille.
- Je vous appelle parce que j'ai trouvé votre portefeuille par terre, annonça-t-il plein de politesse et de timidité.
- Oh ! C'est incroyable, entendit-il dans l'écouteur. Mon adresse est sur la carte d’identité. Pouvez-vous me rapporter le portefeuille ?
- Très bien. Je serai chez vous dans une demi-heure, dit-il.
L'adresse indiquée sur la carte était exactement la même que la sienne. Il se retrouva au bas de son immeuble. Camille Anicet habitait le premier étage. Il sonna. Elle ouvrit. Elle était en peignoir jaune. Elle le reconnut.
- Vous avez fait mon portrait, lui dit-elle. C'était la fois où j'ai pris mon jour de congé.
- C’est exact. Je vous ai trouvé jolie et particulièrement belle. Alors, j’ai fait un croquis.
Elle le pria d’entrée. Ils passèrent devant une pièce qui devait être la cuisine. Jean Petit-Denis y entendit du bruit. Dans le séjour, un grand canapé rouge à plusieurs places occupait un angle de la pièce. Camille l’invita à s’asseoir, lui proposa de lui servir à boire et le remercia pour sa grande honnêteté. Il lui remit le portefeuille. Elle vérifia le contenu.
- Je ne sais comment vous remercier, avoua-t-elle.
- Vous l’avez fait en me recevant chez vous, fit Jean Petit-Denis d’une voix timide. Il but un verre de Perrier. Il se racla la gorge puis dit :
- Quelles coïncidences ! Savez-vous que je vis dans cet immeuble, au deuxième étage. Je ne vous ai jamais croisée.
- Je travaille de nuit dans un grand hôtel. Je rentre tard le matin et le soir lorsque je pars le monde est couché.
Elle avait une voix douce et agréable. Très polie. Il s’excusa de devoir partir. Ce fut en ce moment qu’un homme sortit de la cuisine. Il avait le bras gauche tatoué d’un dragon et était doté d’une forte musculature. Il était vêtu d'une serviette nouée autour de la taille. Il finissait de manger.
Camille fit les présentations. C'était le patron de l'hôtel.
- Il a retrouvé mon portefeuille, dit-elle.
Jean Petit-Denis quitta Camille plus convaincu que jamais qu’elle lui était destinée. Le portefeuille trouvé était un signe du ciel. Elle habitait le même immeuble.


Jean Petit-Denis était obsédé. Il pensait à Camille sans arrêt. Il nourrissait le besoin de l'avoir à ses côtés. Les esquisses sur ses murs en témoignaient. Il ne dessinait qu'un et même sujet : Camille Anicet. Il la trouvait belle avec ses yeux intensément verts, ses longs cheveux noirs et son teint de nacre. Elle se prêtait bien à ses dessins. Il lui faisait un corps de rêve.


Chez lui, il fut attiré par un fait inhabituel cité par un journaliste de BFMTV : le pont des arts menaçait de s'écrouler sous le poids de milliers de cadenas. Les "locks" étaient accrochés à des grilles et symbolisaient un amour indestructible. Les clefs étaient jetées dans la Seine. Le phénomène était d'une telle ampleur que les autorités envisageaient de les enlever, de les couper avec des tenailles. Il y avait à peu près un million de cadenas à retirer.
Jean Petit-Denis acheta chez le quincaillier, au carrefour de la rue de la roquette et de la rue Saint-Maur, un solide et gros cadenas. Il prit avec lui un dessin de Camille ; y griffonna un mot puis se rendit sur le pont des arts. Il y découvrit, perplexe, mais enchanté, des milliers de cadenas accrochés à de multiples grilles. Ils étaient décorés de rubans et avaient tous un mot d'amour.
Jean Petit-Denis accrocha le sien et fixa le dessin avec du scotch. Il jeta ensuite les clefs dans la Seine. Content d'avoir accompli ce rituel qui scellait son amour, il regagna son domicile. Il était seul et embarqué dans un amour à sens unique.

Quelques jours plus tard, la musique était à fond dans l'appartement. Le téléphone sonna. Jean Petit-Denis chantait à tue-tête. Il entendit à peine la sonnerie. Il décrocha. C'était sa sœur.
- Tu fais la fĂŞte, entendit-il.
-Attends, je baisse le son de la musique ! Je n'entends rien.
Il le fit et revint au téléphone.
- Je disais : tu fais une fête ? demanda sa sœur.
-Non, mieux que cela ! Je suis amoureux.
- Quelle nouvelle ! Depuis quand es-tu amoureux ?
- Dès que je l'ai vue, j'ai eu le coup de foudre.
- Raconte. Comment est-elle ?
- Elle est grande. Elle a un corps superbe. De longs cheveux noirs et surtout des yeux verts que je trouve fascinants.
- Ne t'emballe pas ! Comment l'as-tu connue ?
- Je prenais un café dans un bar. Elle est entrée. Je l'ai tout de suite aimée.
- On se voit samedi ? demanda-t-elle.
- Bien sûr ! Je te raconterai tout.
- Je crains le pire, mais je suis contente que mon frère ait trouvé son âme sœur.
- Allez ! Je te laisse, Sylvie.
- Ne met pas la musique aussi forte ! Tu vas te faire mal aux oreilles. Les voisins vont se plaindre !
- D'accord, sœurette. J'ai aussi arrêté de fumer, mais je te raconterai tout cela la prochaine fois que l'on se verra.
Jean Petit-Denis raccrocha, mais il remit la musique Ă  fond. Il Ă©tait amoureux !

Le week-end arriva et dans la maison à Melun, Jean Petit-Denis expliquait les émois de son cœur à sa sœur Sylvie.
- Qu'a-t-elle de si particulier ? demanda-t-elle avec calme.
- Ses yeux verts. Je n'en ai jamais vu de pareil. J'ai fait des croquis d'elle. Regarde comme elle est belle. Elle ressemble à une déesse. Ce teint de nacre, ses longs cheveux noirs et ce regard inoubliable.
Sylvie examina les dessins. Camille y apparaissait sereine, détendue et calme. Belle, mais banale.
- Je ne pense pas qu'elle m'aimera, dit-il en s'attristant. J'ai trouvé son portefeuille par terre et je le lui ai rendu. Pour le rendre, je suis allé chez elle. Elle habite le même immeuble que moi. Chez elle, j'ai trouvé un homme à moitié nu. Je crois qu'elle est déjà aimée. Pire, qu'elle aime.
- Qui est-il ? interrogea-t-elle.
- Le propriétaire de l'hôtel où elle travaille.
- Tu devrais réfléchir avant de te lancer. Tu as trouvé son portefeuille par terre et tu me dis qu'elle habite le même immeuble que toi, qu'elle fréquente la triplette. Tu dois garder la tête froide.
- J'y vois la main de Dieu, dit-il derechef.
- Redescend sur terre ! Ce ne sont que des coĂŻncidences, des circonstances troublantes. C'est tout. Dieu n'y est pour rien.
- Je la vois partout ! Je la dessine sans arrêt. Je suis allé au pont des arts accrocher un cadenas avec une supplique : qu'elle m'aime !
Sylvie se sentit dépassée, désemparée. Elle chercha un sens à toute cette histoire.
- Que faisait-elle au café ? demanda-t-elle en lui tenant le bras.
- Elle attendait quelqu'un. Un autre homme.
- Ouvre les yeux. Cette femme est une mangeuse d'hommes. Tu devrais tout stopper.
Tu es en grande fragilité. Nous venons de perdre nos parents. Tu es amoureux, mais il n'est pas trop tard. Tu dois te méfier de cet amour soudain ! Il finira par te manger. Je le crains.
- J'ai perdu mes inséparables. Ils sont morts, dit-il en changeant de sujet.
- Dominique et Monique ? Je suis triste et j'Ă©prouve vraiment de la peine. Mais je ne sens pas ton histoire d'amour. Cette suite de coĂŻncidences et ton comportement ne me disent rien qui vaille. Et le boulot ?
- Le Jardin zoologique de Belgique m'a contacté pour que je sauve un gorille des montagnes. L'opération est en cours. Le dos argenté retrouvera sa jungle. Il est en route pour la RDC.
-Ne te laisse pas aller Ă  tes sentiments et tout ira bien. Tu es quelqu'un de bien et je t'aime fort. Je ne veux pas qu'il t'arrive quoique se soit.
- La bonne nouvelle dans tout cela, c'est que j'ai arrêté de fumer.
- C'est parfait, répondit sa sœur.

Jean petit-denis ne s'en remit pas aux conseils de sa sœur. Il était amoureux. Il décida d'écouter son cœur. Il mit un trèfle à quatre feuilles sur le paillasson de la porte de Camille. Le trèfle symbolisait l'espérance et l'amour. Le bout de chaque feuille formait un cœur. Un trèfle rare qu'il avait acheté à un prix fort. Il était sûr que Camille le verrait. Trop timide pour avouer le caractère de ses sentiments, il avait trouvé ce stratagème : déposer un trèfle à quatre feuilles sur le pas de la porte.

Le trèfle resta plusieurs jours sur le paillasson. Jean petit-denis se demandait si Camille était bien là. Lorsqu'il pencha pour le ramasser, la porte s'ouvrit en grand et la jeune femme apparut dans l'encadrement.
- Mais je vous reconnais ! Encore vous. Je vous y prends. Vous me couvrez de vos assiduités. Vous avez déposé ce trèfle sur le pas de ma porte.
Jean petit-denis voulut s'enfuir. Il commença à se confondre en excuses lorsqu'il reçut une question en pleines gencives.
- Est-ce vous qui m'avez envoyé le bouquet de fleurs et les tablettes de chocolat ?
Il fit oui de la tĂŞte.
- Mais qu'est-ce vous prend ? Quand est-ce que vous arrêterez de mettre des billets doux et des poèmes dans ma boite aux lettres ?
- Vous ĂŞtes amoureux ? jeta-t-elle.
Il regarda le bout de ses souliers. Elle comprit.
L'ancien étudiant des beaux-arts fit plusieurs pas en arrière pour s'en aller lorsque la voix se radoucit et l'invita :
-Accepteriez-vous de prendre le thé avec moi ?
Il fit oui de la tête et emboîta le pas de la femme. Ils entrèrent dans l'appartement et la porte se referma derrière eux.
- Que me trouvez-vous ? demanda-t-elle tout de suite.
- Vous êtes exceptionnelle ! Lui dit-il empressé en lui prenant les mains. Je vous trouve particulièrement belle. J'adore vos yeux verts. J'y vois de la poésie et de l'espérance.
- Je vais vous décevoir. Je porte des lentilles de contact. Les lentilles sont vertes. Pas mes yeux.
Jean Petit Denis écarquilla les sourcils d'étonnement. Il se gratta le menton. Contrarié.
- Que dîtes-vous ? demanda-t-il comme s'il avait mal compris.
- Je n'ai pas les yeux verts. Je les ai marron, reprit-elle.
Devant le mutisme et l'air grave, dépité de Jean Petit-Denis, elle éclata de rire.
- Ne faites pas cette tête. C'est vous qui avez raison ! Ce sont mes véritables yeux. Ils sont verts comme des émeraudes.
Jean Petit-Denis esquissa un sourire mi-figue mi-raisin. Elle lui caressa la peau du visage. Elle glissa sa main le long de son cou et défit sa cravate. Elle déboutonna sa chemise et le força à s'allonger dans le canapé. Elle s'offrit à lui. Jean Petit-Denis l'aima avec fougue. Il garda ce moment comme merveilleux et inoubliable. Avant qu'il ne la quitte, elle lui susurra en lui mordillant le lobe de l"oreille :
- Je ne suis pas une femme Ă  aimer ! Mais une femme Ă  prendre.
Jean Petit-Denis en fut totalement bouleversé.


C'était un après-midi de printemps très ensoleillé. Il faisait chaud depuis plusieurs jours. Le parc des buttes Chaumont était bondé de monde. Les pelouses étaient prises d'assaut par les Parisiens. Les canards s'ébrouaient dans l'étang. Les parterres de fleurs étaient éclatants de couleurs. Jean Petit-Denis était sans sa chienne Ciel. Il avait les traits tirés. Il était assis sur un banc. Seul. Il dessinait. Près de lui, un couple et deux enfants pique-niquaient sur l'herbe fraîche et verte. Les parents mettaient la table. Les enfants chantaient :
Un petit oiseau apprit Ă  voler, un petit oiseau apprit Ă  voler. Il apprit Ă  la volette, il apprit Ă  la volette, il apprit Ă  voler !
Une femme vint à Jean Petit-Denis. Il leva les yeux et découvrit une dame au teint mat, la cinquantaine passée, un foulard noué autour la tête et plein d'invitation dans les yeux. Jean Petit-Denis reconnut une diseuse de bonnes aventures. Elle lui proposa de lire son avenir. Curieux de l'entendre, il déposa son croquis et tendit ses mains, paumes retournées. Elle commença sa lecture.
- Vous aurez une longue vie, fit-elle d’emblée avant de jeter un coup d’œil sur le croquis.
Jean Petit-Denis voulait entendre autre chose. Il lui posa une question.
- Vais-je être véritablement aimé ?
Il le dit avec un ton empreint de tristesse, mais plein de sincérité. Son regard était rempli d'espérance.
Elle regarda le croquis. Elle vit Camille. Le dessin avait pour fond le temple de Sisyphe. La diseuse de bonnes aventures retourna aux paumes des mains.
- Je vois beaucoup d'amour, dit-elle.
Jean Petit-Denis fut content.
- Mais cet amour vous fera du mal, ajouta-t-elle. Il est intense et Ă  sens unique.
- Ah! fit Jean Petit-Denis. Atteint et troublé.
Elle lui dit :
- Votre existence Ă  un ciel couvert d'orages.
Elle prit ses poignets et les serra fort entre ses mains.
- Vous ĂŞtes malade d'elle.
- Malade ? Reprit-il un peu surpris, mais prĂŞt Ă  en entendre davantage.
- Malade d'amour ! Je ne veux pas de votre argent. Envolez-vous comme un oiseau. Partez !
- Pourquoi m'envoler ? demanda-t-il.
- Fuyez cet amour ! Il vous fera souffrir, souligna-t-elle.
Elle jeta un coup d'Ĺ“il au dessin :
- Est-elle au courant que vous l'aimez ?
Jean Petit-Denis fit oui de la tĂŞte. Puis en fin de compte non.
- Nous avons fait l'amour. Mais je ne pense pas qu'elle sache à quel point je l'aime ! Pour elle, je suis un homme de passage. Je pense qu'elle doit me croire malade de l'aimer ainsi. Y a-t-il seulement un remède à cette maladie ?
- Vous devez apprendre à faire la part des choses. À voleter.
Elle enserra Ă  nouveau ses poignets.
- Bon courage ! fit-elle puis elle s'en alla.
- Vous reverrai-je ? lança-t-il.
- Je ne le crois pas. Vous me porterez la poisse. Envolez-vous ! répondit-elle en accélérant son pas. Les enfants chantaient toujours.
- À table ! lança la mère à sa maisonnée. Le chant s’arrêta.
Jean Petit-Denis était coi et hébété. Penaud, il rentra chez lui. Il fut accueilli par la joie de Ciel qui fut contente de le retrouver.

Depuis peu, tout paraissait d'une laideur incommensurable, d'un ennui total à Jean Petit-Denis. Il n'appréciait plus le lever du jour, le chant des oiseaux à l'aurore et au crépuscule, la course du soleil dans le ciel et la ronde de la terre. Jadis, il avait été le premier à féliciter la nature pour les bienfaits qu'elle donnait. Mais Camille ne l'aimait pas comme il le voudrait. Tout lui parut vide de sens. Comme un soleil qui n'éclairait plus, une lune qui ne faisait pas rêver. Il comprit à quel point il était sentimental et Camille sexuelle ! Sa vie était rythmée par l'amour. C'était aussi simple que cela. Si elle l'aimait véritablement, tout lui paraîtrait illuminé. Le soleil distribuerait une douce chaleur. La lune ferait rêver. Les fleurs des champs aux couleurs éclatantes et variées seraient belles. Il pourrait vivre dans une cahute de pain et d'eau fraîche. Tout lui serait supportable. Mais Camille n'était pas Sa Camille. Elle avait d'autres hommes. Sans elle, il s'éteignait comme une lampe électrique. Il ne vivait pas. Il n'était rien. Il lui téléphona. Ils décidèrent de passer un après-midi ensemble.


Ils se retrouvèrent sur les bords de l'Ourcq. Jean Petit-Denis décapsula une bière et la sirota en écoutant les grands classiques de la chanson française. Ciel aboyait et courait après des mouettes.
- À la station de métro République, quelqu'un a failli se faire écraser par une rame, dit Camille. Jean Petit-Denis afficha un air qui ne demandait pas à en savoir plus. Mais Camille insista :
- C'était un homme mince et mal habillé qui n'allait pas bien dans sa tête. Il marchait à petits pas très près du quai. À l'approche du train, tous les usagers ont retenu leur souffle, car tous ont cru à l'accident. Certains ont interpellé le malheureux. D'autres ont tourné la tête. Au dernier moment, l'homme a fait un écart qui lui a sauvé la vie.
Jean Petit-Denis fit savoir que la journée était belle et qu'il ne fallait pas la ramener au quai du métro et à ses drames. Il jeta sa canette dans une poubelle près du banc.
-Il s'en passe des choses sur les quais du métro parisien, souligna Camille.
- Je ne désire pas en savoir plus, dit Jean Petit-Denis sur un ton ferme. Je suis bien en ce moment.
Il s'approcha d'elle, lui prit délicatement le visage entre les mains et déposa un baiser sur son front.
- Je t'aime, lui dit-il.
- Il ne faut pas. Je ne suis pas une femme à aimer ! répondit-elle.
- Je t'aime d'un amour fort ! précisa-t-il.
- Grand malade ! Il ne le faut pas.
Elle découvrit qu'il avait un tatouage au cou.
- Tu t'es fait tatouer ? demanda-t-elle.
- Je me suis fait tatouer un papillon.
- C'est joli. Mais pourquoi un papillon ? demanda-t-elle.
- Les papillons sont beaux. Ils sont magnifiques, de différentes tailles et de toutes les couleurs. Ils volètent au-dessus des fleurs. Ce sont de merveilleuses créatures. Ils sont doux et fragiles. Si j'ai choisi un papillon, c'est pour attirer l'attention sur le fait qu'ils sont des chenilles, puis des chrysalides avant de devenir les papillons que nous connaissons. Mon coup de cœur va aux prouesses de la nature. Mon coup de gueule s'élève contre les personnes qui collectionnent les papillons et les épinglent après les avoir passés au formol. S'il y a un mot, un nom que j'apprécie et qui me soutient dans la vie de tous les jours, c'est bien celui-ci : papillon. Nous sommes aussi magnifiques et aussi fragiles qu'eux, fit savoir Jean-Petit Denis.
- Tu es un poète, Jean Petit-Denis. Je ne voudrai pas te faire souffrir. Aussi, éloigne-toi de moi. Tu es un papillon. Moi, je suis un lézard. Les lézards mangent les papillons.
- Je voudrai te donner l'occasion de m'aimer. Te montrer Ă  quel point je t'aime ! Prenons une semaine de vacances. Partons Ă  Deauville. Nous vivrons tous les deux au bord de la Manche. Ce sera magnifique.
- J'irai baigner mes pieds ; marcher sur le sable fin et chaud ; manger des barbes à papa et des glaces à la vanille ; du pop corn et regarder l'horizon chargé d'eau et de nuages. Je sentirai la brise marine et salée humidifier mon visage. Je sentirai mon corps gagné par un immense sentiment de liberté, dit-elle en écartant les bras. Puis elle ajouta :
- J'irai voir l'océan, les paquebots et les autres bateaux. Mon corps sera revigoré et mon âme lavée. Mon esprit sera en quête d'amour physique. Certainement, j'irai voir l'océan. Mais pas avec toi.
Jean Petit-Denis fut affligé. Le lézard mangeait le papillon.
- N'insiste pas. Tu es trop romantique pour moi.
Elle se leva.
- Inutile de m'accompagner. Je connais le chemin, dit-elle.
Elle rentra seule.
- Ce ne sera pas aussi facile de te débarrasser de moi ! Lui lança Jean Petit-Denis.

Il tenta de la garder à lui. Il la couvrit de billets doux. Il déposa des mots gentils dans sa boîte aux lettres. Au début, ils furent lus puis ils finirent par s'entasser. Jean Petit-Denis la suivit, la photographia. Il lui demanda de revenir, de ne pas l'abandonner. Il écrivait qu'ils étaient faits pour vivre ensemble. Il était le jour. Elle était la nuit. Ensemble, ils formaient ensemble une certaine cosmogonie. Il n'eut plus de nouvelles d'elle.
Au bureau, Hélène Ramsay fut choquée de le voir. Jean Petit-Denis se présenta en manches courtes et pantalon, le crâne rasé et des tatouages plein la tête et les bras. Sur la peau de la boîte crânienne, il avait fait dessiner un papillon et un lézard, et aussi le Ying et le Yang. Sur les bras, des dessins et des mots d'amour tels que "je t'aime"ou "tu es mienne". Il glorifiait Camille en utilisant son corps. Il rendait un hommage à la femme qu'il aimait démesurément.
- Si vous voulez mon avis, je crois que vous allez dans le mur, Jean Petit-Denis ! Lui dit la secrétaire. Je ne sais pas ce qui se passe, mais vous devez vous ressaisir au plus vite.
Il fit mine de ne rien entendre. Il demanda après le dos argenté.
-Il est arrivé à bon port. Il a été intégré au parc des Virunga. Il est trop âgé et trop habitué à l'homme pour vivre dans la jungle des montagnes en compagnie de ses congénères. Il serait tué ou mourait de faim. Alors, il le garde sous surveillance dans le parc en attendant que sa situation s'améliore.
Jean Petit-Denis fut satisfait du sort du gorille des montagnes, mais pas du sien. Camille Anicet lui avait envoyé des policiers pour qu'il cesse ses assiduités. Elle l'accusait de harcèlement.
Lorsque la police sonna à sa porte, elle découvrit un homme qui ressemblait à une immense fresque, un mur géant avec un grand tatouage coloré sur la poitrine. C'était le portrait de Camille. Les murs de l'appartement étaient remplis de dessins, de tableaux et de photographies représentant la jeune femme.
- Toutes ces photographies ont-elles été prises à l'insu de la personne ? questionna un policier.
Jean petit-denis hocha de la tĂŞte.
- Vous l'avez suivie ! souligna un second policier.
Jean petit-denis opina de la tĂŞte.
- Vous devez arrêter de prendre des photographies d'elle, de la dessiner. Elle a déposé une plainte.
- Je l'aime, fit l'ancien étudiant des beaux-arts en guise de réponse. Personne ne m'empêchera de l'aimer.
Il leva les bras au ciel. Ils étaient couverts de poèmes et de cœurs brisés.
- Nous n'irons pas plus loin, mais vous devez mettre un terme Ă  vos agissements, fit savoir la police. Sinon, nous serons dans l'obligation d'entamer des poursuites judiciaires contre vous.

Jean Petit-Denis attendit la jeune femme avec la ferme décision d'avoir une discussion. Il attendit longtemps devant la porte du premier étage. L'appartement était désert. Camille n'y logeait plus.
- Elle est aux Açores, lui dit la gardienne de l'immeuble.
- Elle est partie au bord de l'océan, comprit-il.
Le temps s'écoula. L'appartement fut occupé par un couple avec un enfant. Jean Petit-Denis comprit qu'il ne reverrait plus jamais la femme qu'il avait chérie au point de la déifier. Un matin, il se pointa au bureau sans tatouage. Il les avait fait disparaître. Il était comme un sou neuf. En costume et cravate.
Hélène fut choquée, mais ravie de retrouver Jean Petit-Denis dans sa forme habituelle.
- Où sont donc passés tous vos tatouages ? s'enquit-elle.
- Je me suis lavé et frotté comme jamais. Ils n'étaient pas indélébiles. Ils sont partis à la force du savon et du poignet. La vie reprend son cours.
- Vous m'avez manqué, dit-elle. Je croyais vous avoir perdu.
- J'étais malade, Hélène ! confia-t-il.
Jean Petit-Denis entra dans son bureau et reprit les affaires courantes : sauver d'autres animaux de la barbarie humaine. Il n'oublia jamais Camille Anicet, mais il décida d'apprendre à ne pas se brûler comme les papillons.
Capucine
Envoyé le :  4/2/2021 18:15
Plume de platine
Inscrit le: 1/7/2009
De: Bruxelles
Envois: 3392
Re: Jean Petit-Denis
J'ai beaucoup aimé cette histoire pleine de rebondissements, qui m'a tenue en haleine jusqu'au bout...
La métamorphose du jeune et sérieux Jean-Petit-Denis, sauveur des animaux captifs et maltraités, en amoureux transi,
obnubilé par les yeux verts et la chevelure noire de Camille, est vraiment bien décrite! On s'y croirait!

Heureusement que la raison reprend sa place!

Ton écriture est fluide et très agréable à lire... Tu fais preuve d'une grande sensibilité qui touche...

Bravo et merci pour cette nouvelle!







Capucine

faustinyavo
Envoyé le :  5/2/2021 8:58
Plume d'argent
Inscrit le: 8/9/2014
De: Paris
Envois: 254
Re: Jean Petit-Denis
Merci, Capucine. La nouvelle est un peu longue. Mais je suis rassuré par ton commentaire. Vraiment content que tu aies apprécié la nouvelle Jean-Petit Denis. Merci ! Merci ! Merci ! Amitiés.
Sybilla
Envoyé le :  9/2/2021 1:16
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Envois: 95621
Re: Jean Petit-Denis


Bonsoir Faustinyavo,

Waouhhh, ton histoire est magnifique !
Je l'ai lue de bout en bout et j'ai franchement adoré !



Bonne soirée !
Mes amitiés
Sybilla


----------------
Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates ""réelles"" de parution.

Le rĂŞve est le poumon de ma vie (Citation de Sybilla)

faustinyavo
Envoyé le :  9/2/2021 3:15
Plume d'argent
Inscrit le: 8/9/2014
De: Paris
Envois: 254
Re: Jean Petit-Denis
Merci, Sybilla. Content que la nouvelle te plaise, que tu trouves l'histoire magnifique. Amitiés.

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant |

Enregistrez-vous pour poster