Merci à Daniel de m'avoir soufflé ce thème. Sans lui, cette poésie n'aurait jamais existé car je ne connaissais pas l'histoire. Lui connait sa région comme sa poche.
le poème est inspiré du "lai des deux amants" de Marie de France (milieu du XIIème-début du XIIIème) dont vous trouverez ci dessous le lien pour le texte en français moderne et en langue d'oïl
https://fr.wikisource.org/wiki/Po%C3%A9sies_de_Marie_de_France_(Roquefort)/Lai_des_deux_amants
Au joli confluent de Seine et de l’Andelle
Se dresse une colline escarpée et fort belle.
La mémoire des lieux nous raconte une histoire
Qui au travers des temps reste dans les mémoires.
Â
Le roi des Pistréiens avait un seul trésor :
Il chérissait sa fille beaucoup plus que l’or,
Songeait à la garder près de lui très longtemps,
Sans songer qu’il gâchait tous ses plus beaux printemps.
Ses sujets se disaient qu’une si jolie fille
Avait besoin d’un beau mari, d’une famille.
Le père renâclait et pour décourager
Les prétendants et le meilleur départager,
Proposa un défi. Celui qui porterait
Sa fille sur la côte fort ardue deviendrait
L’heureux gendre du roi. Mais si foule s’en vint,
Les nombreux prétendants s’escrimèrent en vain.
Â
Le roi rasséréné de garder sa chérie
Vit alors arriver un autre renchérie,
Jeune seigneur, très beau, et de haute lignée,
Au corps plein de vigueur, à l’allure soignée.
Tombé fou amoureux de la belle princesse,
Et se sachant aimé, voulut tenter prouesse.
Â
L’amoureuse craignant pour vie de son Rodrigue
Lui procura breuvage effaçant la fatigue.
La prenant sur son dos, il partit, courageux,
Sans se soucier d’un avenir trop dangereux.
Rapidement il fut à moitié de la course,
Mais la fatigue usait ses forces et ses ressources.
Dédaignant la potion qui lui rendrait ardeur,
Car ralentir pour lui était un déshonneur,
Il persista dans son effort sans s’arrêter,
Et arriva en haut, mais il ne put fêter
Sa victoire, et breuvage ne put rien faire :
Il expira, laissant son aimée solitaire.
Â
L’infortunée du coup en mourut de douleur
Le père un peu plus tard découvrit ce malheur.
Il avait tout perdu dans sa folle exigence
Et ne savait comment faire sa repentance.
Il fit tailler alors dans le marbre un cercueil
Pour les deux jeunes cœurs qui l’avaient mis en deuil.
Et depuis ce temps-là , ils reposent toujours
Sur le sommet qui vit se finir leur amour.
Â
Celui-ci fut nommé Côte des deux amants.
Leurs fantômes errants inquiètent les passants
La nuit, sur la hauteur et sur le lac brumeux.
On les entend gémir, la nuit, ces malheureux.
Â
Au joli confluent de Seine et de l’Andelle
Se dresse une colline escarpée et fort belle.
Ses arbres nous racontent une bien triste histoire
Des amants qui sont morts juste après leur victoire.
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Science sans conscience n'est que ruine de l'âme (Rabelais)