J’ai les pieds un peu abimés
Et je suis transi par le froid
Mais j’arrive encore à marcher
Et sentir le bout de mes doigts.
Tendre la main dans l’air glacé
Me fait un mal de chien parfois
Mais je fais tout pour résister.
De tout’ façon, j’ n’ai pas le choix.
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Bien souvent les regards m’évitent
SĂ»r’ment parc’ que si j’en suis lĂ
C’est que je n’ai que c’ que j’ mérite !
C’est si blessant d’entendre ça ...
A ceux qui me jugent un peu vite
Je voudrais expliquer pourquoi,
Mais dans le monde qui s’agite
Ces gens là ne s’attardent pas.
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Alors sur mon bout de trottoir
Pour éviter les idées noires
Quand quelqu’un me donne un euro
Ou un ticket resto,
Je dis merci
Et je souris.
Â
La rue, c’est ell’ qui vous choisit !
Si j’avais pu faire autrement
J’aurais un boulot moi aussi,
J'aurais mêm' connu mes parents !
Mais surtout… le ventre arrondi
De cell’ qui portait mon enfant
N’aurait pas été démoli
A caus’ d’un putain d’accident !
Â
La faute à personne... C’est comme ça !
Juste un’ foutue fatalité
Qui fait tout voler en Ă©clats !
J’ai cru pouvoir lui échapper
Et la laisser loin derrièr’ moi
Pour un ailleurs moins compliqué.
Mais les ailleurs n’existent pas
Quand la route est déjà tracée.
Â
Alors sur mon bout de trottoir
Pour éviter les idées noires
Quand quelqu’un me donne un euro
Ou un ticket resto,
Je dis merci
Et je souris.
En ce moment parfois j’y pense
Devant les vitrin’s animées
Des boutiques où l’effervescence
De Noël commence à monter.
Les tiroirs-caiss’ s’ouvr’ en cadence,
Chacun dépense sans compter.
Dir’ qu’on va fêter la naissance
D’un symbol’ de la charité.
Â
Peut-êtr’ que j’aurais fait pareil
Si j’avais eu de quoi payer,
Mais quand on vit près des poubelles
On a d’autres priorités.
Et puis, c’est pas le Pèr’ Noël
Qui va m’aider à avancer
Ni ce Bon Dieu éventuel…
Lui, y’a longtemps qu’il m’a laissé !
Â
Alors sur mon bout de trottoir
Pour éviter les idées noires
Quand quelqu’un me donne un euro
Ou un ticket resto,
Je dis merci
Et je souris.
Â
Les seuls en qui je crois ici
Sont ceux qui viennent en plein hiver,
Pour nous proposer un vrai lit,
Un repas chaud, des sanitaires,
Et du temps pour parler aussi.
Ces petit’ chos’ très ordinaires
Dont on connait vraiment le prix
Seul’ment le jour où on les perd.
Â
Ce soir, certains d’entre eux viendront
Avec leurs parents, leurs enfants,
Pour partager le réveillon
Qu’ils ont fait pour nous spécial’ment.
Un mélang’ de générations
Pour ressentir, quelques instants,
L’inoubliable sensation
D’être une vraie famill', simplement.
Â
Alors demain, sur mon trottoir
Avec ces images en mémoire
Si quelqu’un me donne un euro
Ou un ticket resto,
Je dirai merci,
En repensant à tous ces gens qui m’ont souri.
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