Plume d'argent Inscrit le: 12/3/2007 De: Envois: 297 |
Re: " PREMIER AVRIL " Une fable, anodine et pourtant... Pour celui dont je veux partager l'admiration des mots et la magie du verbe, un ami.
L’âne et le chameau.
Un chameau nonchalant, dérivant du désert, Se trouva nez à nez avec un baudet gris. Hé ! Bonjour le bossu, nous viens-tu donc en frère ? Lança dans un braiment le bel âne ébaubi.
Nomade terrassé par une longue errance, Le chameau répondit dans un filet de bave : Je ne veux que la paix, un chemin sans entrave, Moins de charge à porter et plus d’indépendance !
Sans doute interloqué, le baudet se tint coi, Le temps de remuer quelque peu la question ; Mais dès qu’il entrevit le comment du pourquoi, Il se fendit d’un rire ironique et bouffon.
Mais mon naïf ami, que crois-tu donc trouver ? Moi qui suis citoyen de ce pays si riche, Je n’ai connu que ses immensités en friches, Dont l’homme ne sait plus les sillons cultiver.
Mes maîtres sont trop pris à vider les bateaux, Bourrés de provisions qui empestent les quais, Et le reste du temps, ils rêvent de manger, En laissant parfois des miettes aux animaux.
Ils ont rangé outils et condamné usines, Eventré leur maison d’autant d’épiceries ; Ils viennent grapiller dans les boulangeries, Un pain qui ne sent plus le parfum des farines.
Nous autres animaux perdons notre nature, Parqués aux écuries qui jouxtent leurs demeures, Nous sommes devenus citadins dans nos mœurs, Flânant dans les quartiers et vidant les ordures.
Leurs gamins évadés des murailles scolaires, N’ont plus que notre peau en guise de trophée, Des jeux cruels qu’ils vont apprendre à la télé, Ils perdent l’innocence et se font tortionnaires.
Quel est donc ce pays qui tue ses animaux ? Blatéra le nomade en regardant ses bosses ; Si tu dis vrai, ami, mon idée était fausse, Je cherchais donc refuge là où est le bourreau !
J’ai bien vu mon berger ricaner en voyant Mes grandes enjambées, détalant du Hoggar, Il savait le malin, que j’allais sûrement, Finir mon escapade au seuil d’un abattoir !
Va donc, dit le baudet, si Dieu t’a fait bossu, C’est pour te préserver la joie des grands espaces, Dans la sobriété, loin de cette autre race, Qui devient chaque jour, cannibale, un peu plus !
Ne reviens plus jamais dans ces contrées sauvages, Où les gens s’entretuent, impuissants d’exister Ensemble sur cette terre qui aurait pu, Rester leur paradis, en céleste héritage.
Ici, mon cher ami, les humains ont vendu, Leur âme et leur histoire, et même leurs symboles, Gavés à l’ignorance, ils chassent leurs idoles, Pour conserver pouvoir, dans un pays perdu.
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