Mer de mon âme
Sur ces grèves j’ai traîné mon être
Aux galets je me suis frotté
Que de tempêtes j’ai vu naître
Enfant leur souffle m’habitait
Sur ces rivages je courais
Ecolier sur les sables des disettes
Avec l’écume blanche je jouais
Aux ressacs je jetais mes savates
C’était l’enfance de l’orphelin
Le sable était ma table de festin
Avec mon ami - Deux baladins
On se contentait d’un bout de pain
C’était l’enfance sans parents
On connaissait toutes les grottes
Là où on s’abritait des vents
Du Nord balayant froidement la côte
Sur les flots mes regards ricochaient
A travers la vitre de l’école à la sauvette
En chaque crépuscule sur la plage je flânais
Je ramassais les coquilles de saint Jacques
Avec les courants je me liais
Je les traîne dans ma tête
Dans mes nuits ils roupillaient
Je les domptais dans leurs fêtes
Galets sur les embouchures de mes errances
J’aime vos langages avec les vagues
De la grande bleue au front tenace
Roulant mon cœur dans sa nasse
Pierres roulées dans mes veines
Aux torrents de la vie taillées
Vos traces ont dans le corps sculptés
Que de joies et de peines
Ecorchures sur les quais
Du port par les houles brisés
Retenez les cris de mes haltes
Dans les voyages larvés
Ô roches laissées sur les deltas
Ephémères marais fertiles
Chantez nous le holÃ
Des nuées d’oiseaux blancs sur les îles
Pierres de nos silences engourdies
Dans nos poitrines rétrécies
Laissez un sursaut pour nos murmures
Vous qui se dressez dans la gorge en mur
Ô mer mon âme habite le cap
Nourri à tes amertumes
Tes embruns tissés sur mon corps en écharpe
Se colorent en bleu au clair de lune
Mer en mes yeux tu essaimes
L’image mythique de tes îles
Avec dans tous mes naufrages
Les mouettes m’offrant leurs plumes
Pour écrire mes messages
Sur les rivages que tu dessines
Ô mer on a croisé nos vies
Et vécu des tempêtes
Avec les lourds nuages gris
Que nous portions comme casquette
En toi ô mer j'ai laissé des brins de vie
Couvert de tes layettes
Sur tes récifs raisonne toujours mon cri
Avec les graviers jouant des opérettes
rivedusoleil
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Ah ! si seulement avec une goutte de poésie ou d'amour nous pouvions apaiser la haine du monde !
Résidence sur la Terre (1935) Pablo Neruda
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