« Alors il enfila son anorak après avoir nourri l’animal, puis s’apprêta à quitter la demeure, avec en tête cette fameuse conférence qu’il attendait impatiemment depuis des mois. Et toujours ce sentiment d’inquiétude…
Pierre ouvrait la porte, un léger vent, quelques feuilles qui virevoltaient ça et là , et cet air matinal. Il inspira profondément tandis que la porte allait claquer derrière lui. C’est alors qu’il entendit retentir le téléphone à l’intérieur. Un moment d’hésitation s’empara de lui avant qu’il ne se résigne à faire demi-tour. Un air dépité, un souffle las, puis il décrocha :
- Pierre Chambert, j’écoute.
Personne au bout du fil… il fronça les sourcils et se répéta.
- Ici Pierre Chambert, qui êtes-vous ? Insista-t-il. Toujours rien… Sa voix vibrait légèrement, suggérant une angoisse évidente. Il allait raccrocher quand il entendit un son émanant du combiné :
- Chambert ? interrogea la voix.
- Oui, c’est bien moi, qui… qui êtes-vous ! rétorqua Pierre.
- Bonjour Pierre ! Comment vas-tu ? Désolé mon gosse m’a appelé, ha ces mômes, toujours là pour le moindre pépin, c’est Tristan, je te dérange ? Annonça la voix amicale.
Chambert soupira comme s’il avait risqué sa peau dans cet échange téléphonique. Il se racla la gorge et prit sa voix rauque habituelle :
- Ca… ca va, oui, et toi quoi de neuf ?
- Ha le train-train habituel, la famille va bien, alors moi aussi haha. Répliqua-t-il d’une voix assurée. Puis il ajouta d’un ton plus solennel, plus préoccupé :
- Pierre mon ami, dis-moi, j’ai… un service à te demander.
- Tu m’inquiète Tristan, qu’y a-t-il ? Rien de grave ? Se soucia notre homme.
- Attends deux minutes, c’est sérieux, je reviens.
A la place de Pierre on entendait au loin son interlocuteur :
- S’il vous plait les enfants, si vous êtes prêts pour l’école, allez-y. Papa doit discuter au téléphone !
Les cris des enfants s’éloignaient puis une porte claqua. Un souffle laissait deviner que Tristan était de nouveau prêt à converser. Pierre, lui, avait eu le temps d’appréhender la demande de son ami, il lança :
- Que puis-je faire pour toi, tu sais que tu peux compter sur moi Tristan.
- Voilà … oui merci Pierrot. Tu sais… je préfèrerai ne pas avoir à te parler de ça. Te souviens-tu de la Section Privée de l’Institut de Recherche Criminelle ?
- Tristan, merde ! Tu sais que cette ligne n’est pas sûre ! On ne doit en aucun cas parler de cela et…
- S’il te plaît écoute-moi attentivement, je sais en ce qui concerne la confidentialité de cet événement mais… je devais te tenir au courant le plus vite possible. Tristan avait l’air stressé, paniqué. Sa voix accélérait au fur et à mesure de la conversation et sa respiration était devenue plus forte.
- Le dossier est clos Tristan et je préfère ne plus avoir à entendre cette histoire, c’est du passé pour moi tout ça et…
Tristan semblait suffoquer tellement il était paniqué du simple fait d’en parler.
- Je sais ! Je sais, mais… il faut que je te parle d’un des types, tout le monde n’est pas mort dans cette histoire, ce type… un crissement de pneu se fit entendre au loin, et des portière de voiture qui claquaient.
- Ce sont eux, Pierrot mon ami ne m’laisse pas ! Ils veulent notre peau, je…
- Que racontes-tu Tristan ! C’est quoi ce bordel derrière !
Et l’on entendit un coup de feu puis le cri déchirant d’une femme. Deux coups de feu s’ensuivirent.
- Pierre je suis foutu ! Sauves-toi ne les laisse pas t’avoir, sauve ta famille ! Ce type est un salaud, fouille les dossiers de la SPIRC.
- Son nom ! Dis-moi comment s’appelle cette ordure !
- Je ne sais pas, son nom je crois que c’est …
- Que dis-tu ?? Quel est son nom ! Un vacarme recouvrait les paroles de Tristan, des bris de vitres puis plusieurs coups de feu et le bruit d’un téléphone qui chute.
- Tristan !
Pierre restait attentif à toute information susceptible de lui faire connaître l’identité des nouveaux-venus. Puis des pas s’approchèrent, et une personne s’empara du combiné.
- Qui es-tu ? Ce fut une voix grave à l’accent italien qui l’interpella.
- Tu ne t’en tireras pas comme ca espèce d’enfoiré !
- Ha tiens, notre très cher ami Pierre, on a eu ton collègue mais tu ne nous échapperas pas. Et derrière un homme ajouta :
- Allons le descendre, ca lui apprendra Ă se mĂŞler de ce qui ne le regarde pas.
- La ferme imbécile ! C’est moi qui décide de la suite de l’opération, fouille le corps de l’autre abruti pendant que je m’occupe de l’ami.
Puis il s’adressa de nouveau à un Chambert non plus tétanisé mais coléreux :
- Que t’a dit ton ami tout à l’heure ? Réponds ! Je ne voudrais pas te faire de mal à toi aussi...
- Enflure pourquoi l’as-tu tué !
- Pourquoi ? A question bête réponse bête : il en savait trop, tu pensais aussi que j’allais laisser ton camarade te révéler des choses qui ont d’ailleurs causé sa mort ? A propos j’ai besoin de parler avec toi… « Je le veux vivant Raspal, et dépêche-toi, je n’aime pas perdre mon temps… » Toujours avec cet accent chantant et inquiétant.
- A bientôt amico, on vient te rendre visite, ne bouge surtout pas où c’est ta femme que l’on ira chercher.
Puis il raccrocha.
Pierre était fou de rage. Tout basculait dans sa vie, son camarade abattu et sa femme qui n’était pas en sécurité. Que faire… il était là , assis son fauteuil en cuir, et des souvenirs qui refaisaient surface en forme de flashs. Il se prit la tête dans les mains et restait là , seul, à attendre une mort certaine ou du moins devait-il trouver une solution pour se sortir de ce traquenard. Cet homme à la retraite, médaillé d’honneur avait déjà connu pareille situation, mais aujourd’hui c’est sa famille qui était menacée. Durant ce temps, les minutes s’écoulaient et les truands gagnaient du terrain. Le chat venait miauler au pied de son maître en se frottant à sa jambe, tandis que ce dernier demeurait pensif.
Qui étaient ces hommes ? Et que protégeaient-ils au juste pour être prêts à tuer ? Que va devenir Pierre Chambert ?
A suivre…
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De petits malentendus peuvent être responsables de grands tourments, tout comme une grande amitié peut l'être de leur disparition
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