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     La Nouvelle [Nouvelle]
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Expéditeur Conversation
celineb
Envoyé le :  13/9/2017 6:44
Plume de platine
Inscrit le: 8/4/2017
De: Hauts-de-France
Envois: 4456
La Nouvelle [Nouvelle]
La Nouvelle

C’était le jour de la rentrée de septembre, le grand jour pour beaucoup d’écoliers. Mais pas pour Marysa. Cette lycéenne de seize ans n’espérait pas grand-chose de cette nouvelle année au lycée. Comme ses condisciples, elle passa le grand portail des élèves à huit heures. Elle était sans la moindre illusion. Elle se disait que certes, c’était l’année du bac, le bac de français, le petit bac, avant les choses sérieuses en Terminale. Mais quelle importance ? Tout cela n’avait pas grand intérêt.

Marysa savait également qu’elle retrouverait dans sa classe une bonne partie de ses camarades de Seconde. Des joyeux lurons, toujours prêts à rire, mais guère intéressants au fond. Quant à ses professeurs, malheureusement, inutile d’en attendre quoi que ce soit. Le monde des élèves et celui des professeurs n’était pas le même.

Elle gagna sa classe en traînant un peu les pieds. La sonnerie retentit. Une nouvelle année commençait et tant pis pour les rêves ! L’aventure, la passion, la folie, n’avaient pas leur place derrière les murs du lycée. Après une courte minute passée à écouter son professeur principal, qui paraissait animé des meilleures intentions, elle remplit comme ses camarades la petite fiche traditionnelle de rentrée : nom, prénom, adresse… Au moment où elle inscrivait le numéro de téléphone de ses parents, elle entendit quelqu’un frapper à la porte de la salle de classe.

Une silhouette fine se faufila par la porte. Très élégante, mince dans son vêtement sombre, la jeune fille aux cheveux de jais s’excusa de son retard auprès du professeur : elle était nouvelle, elle s’était perdue dans les couloirs, elle était désolée… Elle s’installa, sur le conseil du professeur, à côté de Marysa. Celle-ci était en effet une ancienne du lycée, elle pourrait guider la nouvelle dans le dédale des couloirs. D’ailleurs, une place était disponible à côté d’elle. Un peu à contrecœur, Marysa déplaça ses affaires pour laisser sa voisine s’installer.

Le cours continua, avec ses formalités habituelles. Marysa observait sa nouvelle condisciple du coin de l’œil. Cette dernière lui fit un sourire rapide, elle avait l’air sympathique, finalement. Mais quelle maigreur ! Cette jeune fille donnait l’impression de peser quarante kilos au mieux. Elle avait de grands yeux verts magnifiques mais sa beauté était quelque peu gâchée par ses joues émaciées et son air famélique.

La fin du cours arriva rapidement. Toute la matinée, Marysa s’occupa de la nouvelle élève, la conseillant, lui montrant l’emplacement du CDI, de la cantine. Elle était mystérieusement attirée par cette jeune fille, laissant ses anciens amis de côté, à leur grande surprise. Elle remarqua qu’à midi, au lieu de déjeuner avec le reste du groupe, la nouvelle, qui avait déclaré s’appeler Lucia, disparut prestement pour ne rentrer qu’en début d’après-midi.

Dans les interclasses et aux récréations, Marysa s’isola avec sa nouvelle amie, lui confiant bizarrement son ennui, ses envies d’autre chose, ses pensées les plus profondes. Lucia ne semblait pas surprise. Très calme, elle paraissait avoir l’habitude de fasciner les âmes un peu perdues.

La première journée de classe s’acheva paisiblement, chacun était heureux d’avoir retrouvé l’ambiance familière du grand lycée. Marysa était ravie d’avoir fait la connaissance de quelqu’un qui, elle le sentait, lui apporterait beaucoup.

Elle avait raison. Au fil des jours, la relation entre les deux jeunes filles s’approfondit. Lucia fit découvrir à Marysa les grands auteurs qu’elle aimait : Baudelaire, Huysmans, Stendhal, Laforgue, Lovecraft, ainsi que les écrivains contemporains. La liste était longue, la nouvelle avait une culture stupéfiante pour son âge. Marysa, qui ne s’intéressait pas tellement à la littérature auparavant, découvrit avec plaisir les jeux verbaux des grands rhétoriqueurs, les charmes nonpareils de la fin’amor mais aussi le théâtre de l’absurde, la philosophie sartrienne et les envolées platoniciennes.

On ne voyait plus Marysa sans un livre à la main, elle qui avait si peu lu auparavant. Elle prolongeait ses lectures par de grandes conversations avec sa nouvelle amie jusque tard dans la nuit, sur les réseaux sociaux et par SMS. Une seule chose l’ennuyait : Lucia semblait maigrir chaque semaine davantage, son visage se creusait. La nouvelle élève parlait de ses auteurs favoris avec une fougue sans retenue, discourait avec passion sur Mishima, sur le suicide, ses yeux s’illuminaient, elle était fascinante, certes, hors du commun, certes, mais ô combien inquiétante.

Marysa finit par interroger Lucia sur ses pratiques alimentaires. Elle savait que l’anorexie était un problème fréquent chez les jeunes filles de leur âge. Plusieurs fois, elle essaya d’obtenir des informations. Lucia éludait la question, parlait d’autre chose, abordait précipitamment un autre sujet. Et justement, cela lui revenait, elle voulait proposer à Marysa de participer au club théâtre de son lycée. Ce groupe d’acteurs était très sympathique, l’animateur aussi et les textes étudiés, passionnants.

Petit à petit, au fil des semaines et des mois, guidée par sa nouvelle amie, Marysa changea du tout au tout. Elle s’investit dans une foule d’activités, fit du théâtre avec son club de façon brillante, sortit au cinéma, au concert. Elle ne sacrifiait pas pour autant ses études, au contraire, ses notes s’amélioraient grandement du fait de la passion qu’elle introduisait maintenant dans sa vie lycéenne.

Marysa s’épanouissait enfin, heureuse d’aller en cours et enthousiaste en toutes choses. A l’inverse, elle constatait avec angoisse que les forces de Lucia diminuaient. Il arrivait à la jeune fille de tituber en cours, de devoir être conduite précipitamment à l’infirmerie.

Un soir, la « nouvelle », qui ne l’était plus depuis longtemps, avoua finalement à son amie qu’effectivement, elle était anorexique et que cette vie dont elle avait donné le goût à Marysa, elle la rejetait violemment. Faute de pouvoir être l’ange de lumière qu’elle désirait devenir, elle savait qu’elle ne pouvait que disparaître prématurément.

Marysa s’alarma de cette confidence. Le lendemain matin, à la première heure, elle prévint l’assistante sociale et l’infirmière de son lycée, alerta son professeur principal. L’administration du lycée devait informer la famille de Lucia, faire quelque chose, empêcher le pire ! Mais il était déjà trop tard. Ce matin-là, Lucia, trop faible, n’avait pu aller au lycée. Les parents de la jeune fille l’avaient fait hospitaliser d’urgence. Le pire était à craindre.

En effet, Lucia ne revint jamais au lycée. Au bout de trois mois, terrassée par cette maladie contre laquelle elle ne voulait pas lutter, elle s’éteignit doucement dans les bras de ses parents, impuissants et désespérés.

Marysa apprit la nouvelle par une belle journée de printemps. Autour d’elle, la nature renaissait, les oiseaux chantaient, la jeunesse ne pensait qu’à aimer. Mais Lucia était morte, elle qui savait tout, elle qui avait transmis sa passion du beau à son amie, qui la pleurait à présent, et pour toujours.

FIN
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