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     Emma et la Fin du Monde [Nouvelle]
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Expéditeur Conversation
celineb
Envoyé le :  9/9/2017 13:20
Plume de platine
Inscrit le: 8/4/2017
De: Hauts-de-France
Envois: 4455
Emma et la Fin du Monde [Nouvelle]
Emma et la Fin du Monde

L’anniversaire de Mamie, quelle corvée ! C’était en tout cas ce que pensaient les parents d’Emma. Les embrassades, les fleurs, le gâteau, que d’attentions obligatoires et pesantes ! Ils n’éprouvaient aucune affection pour la vieille dame. Cela faisait longtemps que Pierre, le père d’Emma, avait pris ses distances avec le nid familial et Micheline, sa mère, l’imitait en tout point. Il n’en était pas de même pour Emma, elle aimait ces visites rituelles. Elle était d’ailleurs la seule à se déplacer pour l’occasion, à présent.

Ce matin-là, de bonne heure, elle sonna à la porte de l’aïeule. Un frôlement discret, un œil géant dans l’œilleton, puis la vieille dame, ravie, qui lui ouvrait les deux battants avec des cris de joie.

- "Bon anniversaire, Mamie ! Je n'ai pas oublié ! Regarde ce que je t'ai apporté !

- Merci, ma chérie, comme c'est gentil ! Oui, tu penses toujours à moi. Les jolies fleurs ! Je vais tout de suite les mettre dans un vase.

La vieille dame trottina jusqu'à la cuisine, Emma sur ses talons. L'aïeule prit un vase dans un placard et disposa le bouquet avec goût dans le récipient. Elle était aux anges.

- Va vite embrasser ton grand-père au salon !

Celui-ci lisait son journal tranquillement, en caressant sa vieille pipe machinalement. Cela faisait longtemps qu'il ne fumait plus, mais il avait gardé cette manie innocente. Emma se sentait bien avec ce couple âgé, si affectueux. Elle avait du mal à comprendre l'indifférence de ses parents.

- Veux-tu une tasse de thé, ma chérie ? Je viens juste d'en refaire, cria la vieille dame depuis la cuisine.

- Avec plaisir, fit Emma, qui rejoignit son aĂŻeule Ă  l'office

Elle vit la vieille dame se diriger vers la théière pour la servir. Emma, d'un geste malencontreux, fit tomber la tasse qu'elle tendait à sa grand-mère. Le récipient se brisa en mille morceaux.

- Je suis désolée, Mamie !

- Ce n'est pas grave, ma chérie, et puis tu sais, comme on dit, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme !"

A peine eut-elle prononcé ces mots qu'Emma, qui la regardait d'un air contrit, la vit devenir légèrement floue. Il en était de même pour la théière placée à côté d'elle, elle s'estompait finement. Il sembla à Emma que, subtilement, sa grand-mère et l'objet prenaient la place l'un de l'autre, changeant de forme en un clin d'œil. Un instant, Emma douta de ce qu’elle avait cru voir. Mais non, elle n’avait pas rêvé ! Sa grand-mère avait changé et le récipient également. Peu de chose, en vérité, mais la jeune fille était une excellente observatrice.

- "Mamie ! Que t’est-il arrivé ? Tu t'es transformée en théière et inversement !

- Quoi ? Mais tu plaisantes, ma chérie, il ne s'est rien passé. Tu rêves !

- Je t'assure, Mamie, cria Emma, affolée. Ton teint est à présent plus clair et tu as un fin bandeau doré dans les cheveux !

- Quelle coquine ! dit en riant la vieille dame. Tu me feras mourir de rire, ce matin, ma chérie. On n'est pas le premier avril, pourtant, mais le 9 septembre.

Emma, bouleversée, quitta l’aïeule incrédule et se précipita au salon pour informer son grand-père de la nouvelle extraordinaire. Avant qu’elle ait pu dire un mot, ce dernier l’interpella depuis son vieux fauteuil.

- Tu sais ce que je viens de lire dans le journal, Emma ? Un journaliste écrit que des prêcheurs annoncent un peu partout sur la planète l’imminence de la fin du monde. Quelle blague et quels écervelés ! La fin du monde n'est pas pour demain, ajouta-t-il moqueur.

Au moment où Emma voulait lui répondre que l'Apocalypse était peut-être pour aujourd'hui, un fin nuage de fumée enveloppa le vieil homme et la pipe qu'il tenait toujours à la main. A nouveau, la jeune fille eut l'impression que le vieillard et l'objet changeaient de place et se transformaient en un clin d'œil.

Cela recommençait comme avec sa grand-mère ! Cette maison était-elle ensorcelée ? Emma, terrifiée, ne savait plus que faire. A ce moment-là, sa métamorphose-éclair terminée, son grand-père la regarda tranquillement. Comme s'il avait voulu ajouter quelque chose, il dit :

- ... Et puis, tu sais, de toutes façons, la fin du monde n'est jamais que la fin d'un monde."

Sur ces paroles emplies de sagesse paisible, il se replongea dans la lecture de son quotidien, sans faire davantage attention Ă  sa petite-fille.

Emma avait l’impression de faire un cauchemar. Sa grand-mère, puis son grand-père ! Ce n’était pas possible ! Elle étouffait. Elle sortit du salon et alla dans la chambre. Elle entendit, en passant dans le couloir, sa grand-mère l’appeler. Le thé était servi, elle devrait venir le boire avant qu’il ne refroidisse. Peu importe, elle avait besoin d’air.

Elle ouvrit en grand la fenêtre de la chambre qui donnait sur la rue. Sur cette petite voie tranquille, en contrebas du pavillon de banlieue de ses grands-parents, quelques passants vaquaient à leurs occupations. Elle respira profondément, en essayant de se calmer.

Il faisait assez beau, le soleil de début septembre éclairait les arbres encore verts. Quelques feuilles mortes voltigeaient dans l’air, annonciatrices de la saison à venir, l’automne. Curieusement, une brume légère estompait les traits de ce paysage de fin d’été, une sorte de sfumato des peintres de la Renaissance italienne. Cet aspect vaporeux donnait un certain mystère à ce paysage familier.

Emma posa les yeux sur une passante qui passait dans la rue. Assez replète, celle-ci ressemblait à un œuf, pensa Emma, distraite un instant de son angoisse. A ce moment, dans la brume légère qui emplissait le passage, la dame sembla devenir cet œuf même qui, se brisant sur le champ, donna naissance à un oiseau qui s’envola au loin, ne laissant sur le sol que quelques fragments minuscules de coquille.

Emma ouvrit de grands yeux. Non, elle rêvait, elle allait se réveiller. Pourquoi elle, pourquoi devait-elle assister à ce spectacle, était-elle maudite ou Élue ? Elle s’affaissa sur le rebord de fenêtre, accablée.

Un autre passant qui arrivait la tira de sa stupeur. C’était un jeune homme qui promenait un fin lévrier. Agiles tous les deux, ils paraissaient danser au-dessus du trottoir. Emma savait ce qui allait se passer. Bientôt le lévrier deviendrait humain et le garçon prendrait la place de son chien, sans qu’ils s’en aperçoivent le moins du monde. C’était leur destin, prévu de toute éternité. En effet, cela ne traîna guère, leur course aérienne ne fut même pas ralentie.

La jeune fille soupira profondément, elle avait compris, inutile d’insister. C’était l’heure. Chacun son tour, n’est-ce pas ? Elle ferma la fenêtre soigneusement, regagna l’office où sa grand-mère, sa nouvelle grand-mère, l’accueillit avec un grand sourire, s’assit à la table de cuisine devant la tasse de thé encore fumante et attendit sa propre métamorphose, la fin du monde, comme ils disent.


FIN

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