Oui, tout est vain sous le soleil,
Qui brille aussi pour les méchants,
Je dis, moi, que tout est hevel*,
De nous ne reste que du vent.
Vanité, dit Qohélet**,
Havel havalim,
Il est le frère de Musset,
Pour qui la paresse nous bride,
Et pour qui les sots vont disant
Que sous ce vieux soleil ardent,
Tout est déjà fait à présent.
Il l’est aussi de La Bruyère,
Qui l’écrit dans ses Caractères,
Depuis plus de sept fois mil ans,
Qu’il y a des hommes et qui pensent,
Tout a été dit, d’évidence.
Mais pourquoi Dieu m’a voulu faire,
Avec une poignée de terre ?
Je le sais trop : je suis poussière,
Et retrouverai la poussière.
Et toi, tu mangeras le pain,
Ă€ la sueur de ton visage,
Que tu sois fou, que tu sois sage,
Sûr que tu pourriras demain.
L’Homme n’est pas plus que la Bête,
Le jour venu, son cœur s’arrête,
Tel est de l’Homme le destin,
Il était roi, il n’est plus rien.
L’Homme n’aura de second souffle,
Que sa vie soit joie ou qu’il souffre,
Qui sait s’il monte vers le ciel,
OĂą coulent le lait et le miel ? ***
Vers vingt-cinq ans, comme Gabin,
Les roses et la vie, les sous, l’amour,
De tout ça j’avais fait le tour,
J’étais heureux dans mon jardin.
J’ai donc voulu dire : « Je sais ».
Mais j’ai su que je me trompais.
On n’est pas maître des horloges,
Chaque matin on s’interroge,
Pour dire qu’on ne sait jamais.
Mais tout de la vie n’est pas vain,
Je vis près de celle que j’aime,
Un don de Dieu sous le soleil,
Et qui vient troubler mon sommeil.
Je suis, hélas, un étranger,
Je ne suis ici pour toujours,
Ma vigne je veux vendanger,
Rêvant d’un éternel amour.
* « Exhalaison, inspiration ténue, souffle, buée, vapeur, émanation, fumée, vent, bulle d’air. »
** Ou L’Ecclésiaste.
*** Joël 3 :18 Ce jour-là les montagnes dégouttant de vin nouveau, les collines ruisselant de lait…
Exode 3 :8 Je vous ferai monter sur une terre qui ruisselle de lait et de miel