Les jours où j'ai besoin de vider mon esprit
De le laisser errer et partir loin d'ici
Seulette, je m'en vais dans la verte campagne,
Le soleil me sourit, les oiseaux m'accompagnent.
Mais je vais vous conter ce qui m'est arrivé
Digne de figurer dans un conte de fée
Vous allez me dire : c'est mon imagination !
Mais non ! Mais pas du tout ! En voici la version :
Je me promenais donc au hasard de mes pas,
Mes pensées s'en allaient caresser les nuages,
Mon regard balayait le joli paysage
Je fredonnais un air : lalala ! lalala !
Me voilà arrivée sur les berges d'un lac,
La chaleur qui régnait, rendait les eaux opaques,
Accueillante fraîcheur pour un bain de douceur,
J'hésitais quelque peu à l'affût d'un voyeur.
Après une inspection des feuillages alentour,
Rassurée, prestement, j'enlevais mes atours,
Plongeais joyeusement dans l'onde pour nager,
Oter la fatigue d'une rude journée.
Quand soudain j'entendis une drôle de voix :
"Hé ! Toi ! Viens par ici ! Plus près que je te vois !"
Je cherchais du regard l'intru trop curieux
Prête à lui faire goûter mon côté furieux.
Ce que je découvris passait l'entendement :
Un roseau sautillait près de mes vêtements,
Je me frottais les yeux et regardais encore
Il sautait de plus bel, imitant un ressort.
Je nageais lentement pour rejoindre la berge
Mon petit coeur battant et la tête en gamberge,
La voix reprit sitôt : "Allez, dépêche-toi !
Pas de fausse pudeur ! J'en ai vu des comm'toi !"
Le tube végétal en avait bien trop dit
Dans mon for intérieur, ma rage le maudit
Eclaboussant partout pour sortir de l'eau
De mes mains j'attrapais et cassais le roseau.
Aussitôt une encre d'un bleu lumineux
Coulait sur mes doigts, était-ce vénéneux ?
"Aïe ! Mais tu m'as fait mal ! Quelle idiote es-tu ?
De quoi donc as-tu peur ? Je ne suis pas vaincu !"
Muette de stupeur devant le phénomène
Je me dis "Ma pauvre ! Tu deviens schizophrène !"
Aussitôt le tuyau enchaîna sur ses mots :
"Cesse un peu tes questions et allez au boulot !
Sors de cette poche le carnet que tu caches
Essuies un peu tes doigts pour enlever les tâches,
Moi je te dicterai et toi tu écriras,
Oui ! C'est très étrange, ma foi ! Tu t'y feras !"
"Mais dis-moi ? Qui es-tu ? Une sorte de muse ?
Une muse au masculin ! Jamais vu ! Ca m'amuse !
Que vas-tu m'inspirer ? De beaux vers romantiques ?
L'amour plus-que-parfait ? une scène idyllique ?"
"L'amour" me répond-il "est là au fond de toi,
Dans chacun des gestes ou regards que tu as,
C'est le reflet des autres et que tu leur envoies,
Comme tu regardes les autres, regarde-toi."
"C'est toi que je regarde ! Un roseau qui parle !
Un roseau-muse ! On n'a jamais vu ça !"
"Mais si ! Ca existe ! Puisque tu me vois !
Alors ? Tu es prête ? Allons-y, je démarre...."
Bientôt je m'aperçus que ce qu'il me dictait
Etait mes souvenirs de bonheur oubliés,
Etouffés par beaucoup de chagrin, de tourments,
Pourtant ils étaient là , enfouis mais bien présents.
Je me mis à sourire, puis je pouffais de rire
Et enfin je partis d'un grand éclat de rire !
Il stoppa sa dictée : "Voilà ! Mais oui voilà !
Ce grand éclat de rire, il est vraiment toi !
Ne renonce jamais à cette joie de vivre
Car elle te permettra de toujours rester libre.
A présent il est temps pour moi de te laisser,
Et pour toi de rentrer retrouver ton foyer."
Alors je lui tendis le petit bout cassé
Il me dit : "Garde-le avec ton p'tit carnet
Et quand tu sentiras la tristesse t'envahir
Reprends-le dans tes doigts, pour la gaieté écrire."
Et puis il disparut, mais j'entendais sa voix
Répéter : "n'oublie pas la joie qui est en toi,
Souris à cette vie, même quand elle grimace,
Elle te le rendra, sa mémoire est vivace !"
----------------
