Le retour ( 19 Rue des Frères Fidon )
J’ai poussé le portail, il a grincé un peu
Et j’ai revu soudain ce temps où le bonheur
Semblait inscrit en gros au fronton de la vie
Semblait être la norme , semblait devoir durer ,
L’émotion m’étreignait, mes pas me retenaient …..
J’ai revu le jardin où papa cultivait
Les douces roses blanches qui embellissaient Mai.
J’ai revu la tonnelle, où les grappes joufflues
Tendaient leurs grains dorés vers nos bouches goulues
J’ai aperçu dans l’ombre poulailler et clapier
J’ai revu la fillette accroupie, extasiée
Devant ces petits bouts de plumes et de poils
J’ai revu le prunier dont les fruits abondants
Donnaient des confitures embaumant le quartier.
J’ai revu la marelle et la corde à sauter
Les osselets bossus, les noyaux d’abricot
La carriole rapide qui enchantait nos jeux,
J’ai vu ce petit coin à l’ombre du grand arbre
Où assise très sage mes doigts déjà créaient
De merveilleux objets faits de fils et de soie
Brodés ou bien tissés, et qui pour moi
Valaient tous les trésors du monde .
J’ai revu ma maison , havre de toute paix
Protection tutélaire où des dieux infaillibles
Régnaient avec bonté , lieu de félicité
J’ai revu mon grand frère discret et protecteur
Dont l’univers secret me paraissait lointain.
J’ai vu la chambre bleue inondée de lumière
Où un jour de Printemps , avec délicatesse,
Maman me présenta la vie qui m’attendait.
J’ai revu tout cela, en un rêve éveillé
Car la réalité m’aurait trop fort blessée
Car ce que je voyais , triste réalité
Ne ressemblait en rien à mes beaux souvenirs.
Plus de roses au jardin devenu triste friche ,
Plus d’arbres ni de treille , rien qu’une terre aride,
Plus de beau poulailler, que des planches pourries,
Plus de maison pimpante, rien que des murs lépreux,
Plus de rires et de chants, rien qu’un silence pesant.
J’ai ouvert le portail défraichi et rouillé
Des larmes plein les yeux , le cœur déchiqueté
Je m’en suis retournée dans ma vie bien réelle,
Là où mes souvenirs demeurent éternels.
Jeannine
Mai 2014
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