La Remise
Elle était vieille ma remise. Si vieille que je ne pouvais tergiverser davantage : Il pleuvait dedans et la porte coulissante avait depuis longtemps déraillé. Pour tout dire elle était entrouverte bloquée et le bois disjoint était pourri. Quel chantier !
Impossible de m’en charger tout seul. Il me fallait trouver de l’aide, ou plutôt un homme d’l’art bois et charpente, et pas cher… Ici, dans le village, pas d’artisan ad’hoc. C’est Bébert qui m’a indiqué qu’a l’Isle sur Libron, il y avait un mec qui savait tout faire. Mais il fallait qu’il ait envie.
Je devais avoir une tête qui lui revenait ? J’a expliqué. Il a dit oui, pas cher ; m’a dit ce qu’il fallait prévoir en matos. Tope-la !
Pôvre de moi, l’heure du père Magloire avait sonné. Quand j’y pense, ce fut plutôt son heure de gloire à lui.
Quand il s’est pointé avec sa vielle Juva Quatre, il valait dix : figurez-vous un mec filiforme et moustachu, des petits yeux sous une casquette informe, chemise de flanelle, gilet d’avant-guerre avec la chaîne de montre, un falzar rayé et des godillots cloutés. Pour tout outillage, un mètre de menuisier et un marteau. Heureusement que je n’étais pas totalement démuni.
On a commencé par le toit, avec une grande échelle bien sur. Quelques linteaux à changer, une trentaine de tuiles aussi. Que j’avais approvisionnés. Quand je l’ai vu monter, j’ai eu tellement peur que j’ai tout fait, guidé et encouragé, il va de soi. Pour ça, pas sur que j’en ai eu pour mes sous. La porte. Il fallait la sortir des rails de façon à pouvoir repartir de la structure en ferraille pour la rebâtir avec les planches à assembler. On soulève avec un levier, et, d’un coup elle s’affale dans la cour, énorme fracas et tourbillon de poussière et de paille. Je ne le voyais plus. Un instant, j’ai cru qu’il était resté dessous. Eh bé, finalement, non. Mais il a du sentir le vent du boulet.
Bon, avant d’attaquer la démolition et le garnissage, on s’est tapé un petit gorgeon : moi, un verre, et lui, la bouteille. Après on peut dire qu’il a gagné un peu de peeps.
Quand on a commencé à scier les planches de chêne à la longueur, il a marché dessus et j’ai faille me prendre un retour de balançoire là où vous pensez. Après, le cloutage, c’est lui qui l’a fait. Enfin, au début, parce qu’il s’est écrasé le pouce. Putain, il a du vocabulaire, le vieux. Et de la voix ! Je lui ai fait une jolie poupée. Et on est repartis comme en quarante, enfin surtout moi. Trois jours, ça a duré trois jours ! Avant que cette satanée porte coulissante coulisse à nouveau sur son rail et fasse son office.
On a fêté la fin du chantier avec un gorgeon. Enfin, moi, un verre, et lui, la bouteille. Qu’est-ce que j’étais content de voir filer la Juva. Pour les économies, tu repasseras !
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Parceval
