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Expéditeur Conversation
hervegosse
Envoyé le :  30/4/2016 11:13
Plume de soie
Inscrit le: 20/8/2011
De: PARIS
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thé au lait



La cérémonie du thé

Voici dix jours déjà que j’ai été invité par Oribé FURUTA à prendre le thé à FUSHUMI, la 15 ème année de l’ère KEISHI, c'est-à-dire le 8 mars 1610. Dix jours avant notre rendez-vous, j’ai appris que le Maître, pour préparer son thé, utilisait de l’eau plate, de l’eau courante. Coulant d’un robinet, l’eau pouvait être infestée et le Maître critiqué pour sa malpropreté. Un autre invité, du nom de MATETE, me l’a attesté. Je l’ai rencontré sous la pluie et je ne l’ai pas quitté car il s’était réfugié sous mon parapluie.
Sur la cérémonie, il m’a tout raconté. Pour cet art, il a pointé du doigt le manque de doigté de Maître FURUTA. Comme second invité, la dernière fois, au début de l’été, il avait constaté que le thé en poudre n’était plus vert comme il l’avait été. MATCHA, l’épouse du Maître, pleine de bonté, mais trop corsetée, ne s’était pas démontée, bien que déboutée pour ses plaintes répétées afin d’obtenir un meilleur thé. MATETE avait protesté de son côté contre la légèreté du premier repas, « le kaishi », et du premier thé, « l’usucha». Déçu par un thé minuscule et vite emporté, il s’était impatienté dans la salle d’attente, ne sachant ce que le Maître traficotait, avant d’apporter le thé fort ou épais, le « koicha ». Pour ce thé, le Maître mentait, en présence des invités. Comme le breuvage n’était pas assez chaud, il prétextait le manque de charbon de bois pour chauffer correctement la bouilloire. Il attestait que le thé tiède était fort épais et fort bon pour la santé. Déçu, l’était-on ? Oui, on l’était pour tout l’été, jusqu’à l’automne.
MATETE attestait que la toile n’était pas assez blanche pour nettoyer les bols, les « chakin », et que le carré de soie, «le Fukusa » était trop déchiqueté pour épousseter la boite à thé. Le fouet à thé, certes en bambou, n’était pas sculpté d’une seule pièce. La louche à thé, sans nodule au centre du manche, n’était pas assez longue et Maître FURUTA n’avait pas les mains gantées pour éviter les saletés. MATETE se sentait maltraité. Il ajoutait que l’hôte qui boitait s’était entêté à parloter avec ses invités qui n’avaient pu tenter de se décontracter, de sentir l’odeur de l’encens, d’apprécier les sons de l’eau et du feu. La cérémonie n’avait pas été respectée à la lettre car, après le thé, ils n’avaient pas eu droit aux U V pour se faire bronzer. Enfin, pendant quatre heures, on leur avait ôté le grand plaisir de contempler la beauté de la maison de thé et le non moins grand plaisir de mater MATCHA.
Convaincu par ces derniers arguments, je préparais une lettre destinée au Maître afin de décliner son invitation. Je lui répétais que je n’étais pas embêté par la qualité de l’eau, ma bonté m’empêchant de rouspéter, surtout à proximité d’un tel évènement. Je le félicitais pour les cérémonies du passé. J’ajoutais que c’était encore ma tasse de thé.
Pour le thé, prévu dans dix jours, je lui disais la vérité. Ma femme alitée allaitait tous les jours et je l’assistais pour la tétée du gamin. Le Maître savait bien que des femmes et leurs maris, en raison de la tétée, s’étaient absentés de la cérémonie du thé. La femme de MATETE en était un exemple. Pour une meilleure tétée, je remontais la tête de ma femme sur la taie de l’oreiller. C’était pour cela que je ne pouvais m’absenter. Ma femme, une athée, n’était pas en bonne santé. Le thé, si elle en voulait, je lui servais au lait au lit. J’ajoutais qu’hier, j’avais acheté une théière. J’étais aussi chargé d’acheter du thé. Ma femme m’avait à la bonne. Avant, c’était la bonne qui faisait le thé mais, depuis une bonne année, elle n’était plus bonne à rien.
Je savais que le Maître avait protesté contre des femmes, qui, en raison de la tétée, et peut-être de la télé, ne s’étaient plus jamais pointé à sa cérémonie. Il avait essayé de mater ces effrontées. Parce qu’elles contestaient ses théories et ses théorèmes, il avait dénoncé leur stupidité. Maintenant, c’était privées de cérémonie qu’elles prenaient du thé ou du café à volonté.
Si j’admettais les bienfaits de la cérémonie du thé, j’alertais le Maître sur la nécessité de me consacrer avec entêtement à la cérémonie de l’allaitement. CANDIA, ma femme athée, qui venait d’enfanter, s’entêtait à me répéter que le lait et non le thé méritait une cérémonie. Le thé n’était que la boisson des vieux. Le lait nourricier exigeait un rite, plus que le thé. Le bon lait, donné avec bonté et générosité, plaisait au beau bébé qui le sirotait. Les cérémonies liées à la naissance des enfants, à leur nourriture et à leur croissance, faisaient du lait et non du thé un nectar sacré. Lors des tétées, j’implorais CANDIA et son lait. CANDIA, je l’adulais pour la beauté de son lait. Le bébé, quand elle lui parlait, buvait du petit lait. Les mains toutes blanches et bien lavées, j’essuyais son visage avec une panoplie de serviettes toutes propres, passées à la machine. J’agitais le hochet. Je faisais des risettes. Je sortais une à une de leur paquet les couches et les lingettes et je me tenais prêt pour la suite de la cérémonie.
Pour plus tard, je prévoyais d‘autres rituels familiaux qui nous dispenseraient à jamais de prendre le thé. J’en concluais que la cérémonie du thé était profitable à certains, vieux ou célibataires, mais qu’elle empêchait la plupart d’entre-nous de créer et d’inventer nos propres habitudes. Toutes ces manières de faire autour du thé, ce n’était qu’un rite importé, datant de l’Antiquité, qui nuisait à la créativité et à la spontanéité, et engendrait de la servilité.
Au Maître, je transmettais mes civilités et j’acceptais par avance de ne plus être invité.
Hervé GOSSE


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