Avez-vous lu le livre de Jean d’Ormesson :
« Je dirai malgré tout que cette vie fut belle »,
Le titre-citation de Louis Aragon,
Dans lequel « malgré tout », je l’avoue, m’interpelle ?
A-t-il envisagé qu’une autre soit meilleure ?
La nôtre étant, hélas, bien moins extase que torture,
À un destin aveugle elle nous livre en pâture,
On compte sur ses doigts les années de bonheur.
Non, la vie est bien loin d’être une sinécure,
Et nul ne la traverse sans regret, ni sans peur.
On creuse des fossés, on érige des murs,
Rêvant de liberté on veut se faire la belle*,
Car ainsi va la vie : Fluctuat … et mergitur**.
La vie n’est qu’un brouillon encombré de ratures,
On l’aimait pour toujours, elle nous quitte la Belle.
On crie, mais Dieu, s’il est là -haut, reste sourd à l’appel.
Il valait mieux compter sur d’autres nourritures.
C’est bien ce que tu fis, toi, Comte d’Ormesson.
Je dirai que tu eus parfaitement raison.
Tu fis ce métier rare, qui frise l’imposture,
Que nourrit le talent de combiner les mots.
Servant la noble cause de la littérature,
Invité d’Apostrophe et de Bernard Pivot,
Tu endossas l’habit de l’académicien,
Et toujours refusas de revêtir l’armure.
La culture est plaisir, chacun trouve le sien.
Tes pires ennemis, sont la pose et l’enflure.
Être dans la Pléiade vaut bien un prix Nobel,
Tu ne voulais, en rien, bouder cette faveur,
Un jour d’être imprimé, sur du papier-missel.
De l’émerveillement tu fus le grand auteur,
Mais tu restes rempli d’humilité, Jean d’O,
Si le monde est tragique, pourtant tu sais sourire,
Si ton chant n’est désespéré, beaux sont tes mots.
À quatre-vingt-dix ans, tu n’auras pu tout dire,
Dans tes romans, et tes chroniques, au Figaro.
Tu ne sus, seulement, plaider pour ta chapelle,
Et épousas les thèses de nombreux adversaires.
Ce que tu veux savoir, tu ne sais toujours pas :
Ce qu’il advient de nous quand on quitte la terre,
Si proche qu’elle soit, l’heure de ton trépas.
Tu écrivis des livres qui n’ont changé les gens,
Ni ton amour pour celle qui s’appelait Marie,
Que tu voulus garder, toute ta vie durant,
Je dirai qu’avec elle, cette vie fut belle.
Dumnac
*.S’évader
**Et non « Fluctuat nec mergitur » : Il est battu par les flots mais ne coule pas.
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