Dans le même temps, l'évêque d'Essen convoqua un matin le Landgrave dans son palais épiscopal...
Cette admirable bâtisse avait la particularité d'avoir harmonieusement amalgamé architecture religieuse et militaire en un ensemble parfaitement réussi...
Sa beauté était célèbre et faisait la fierté de son notable occupant...
Les jardins accueillants étaient magnifiquement entretenus par des tâcherons parfaitement connaisseurs de la domestication d'une nature difficilement modelable...
En traversant les hautes colonnes richement décorées de surprenants symboles à la fois mystérieux et allégoriques, Alois de Braubach, Landgrave d'Isolbert, ce grand personnage de l'Empire, essayait de garder la tête haute tout en s'attendant à recevoir un plein tombereau de reproches sur la manière dont il menait ses affaires...
L'enquête sur l'attaque des moines piétinait et l'évêque était furieux...
-“Et l'on ne sait toujours pas où se cache Hiéronymos!!!“ avait-il conclu fou de rage...“C'est lui qui a fait le coup et vous n'arrivez toujours pas à mettre la main dessus!!! Vos hommes sont encore des bons à rien!!! Vous devriez remplacer ce...Comment s'appelle-t-il déjà ???“
„Samson...“
„Oui c'est cela... Samson!!! En voilà un qui ne mérite pas la solde que vous lui octroyez...“
Le Landgrave ne répondit rien...
Son visage contrarié, montrait que, cette rengaine, depuis le temps qu'on la lui servait, commençait à le fatiguer...
Comme l'ecclésiastique comprit qu'il n'y avait rien à tirer de ce côté-là il décida de poursuivre dans la compassion...
-“Quand je pense à votre nièce décédée au bas des remparts parce qu'une malheureuse pierre mal scellée a pu se détacher...Combien grande doit être votre tristesse... J'espère que le maçon responsable a été châtié...“
Encore une fois, le landgrave ne répondit pas...
L'évêque s'écria:
-“Par le sang du Christ il fallait faire ce que Dieu ne tolère pas, je veux dire le châtier pour sa médiocrité!!!“-
Le rappel du destin tragique de la nièce mortellement accidentée, contrairement à ce qu'avait pu croire l'évêque, ne faisait que le séparer un peu plus de son ouaille...
Le Landgrave le détestait...
Il détestait cet homme qui au fond de lui-même n'avait que le goût du pouvoir caché derrière une religiosité ostentatoire...
Il détestait ce prélat qui ne faisait que se prélasser en aiguillonnant tout son entourage...
Puis ils en vinrent à évoquer l'officialisation de la nommination du Prieur Helmut de Bodman à la tête de l'abbaye de Lammerling... Bien que cela ne plaise guère à Alois qui le trouvait fourbe et intrigant il dut se résoudre à accepter le choix de l'ecclésiastique...
L'évêque était entiché de cet homme séduisant dont maintes femmes étaient en secret éprises tant sa beauté effarante enlevait les coeurs...
Lorsque ce grand Seigneur remonta à cheval, entouré par tous les membres de sa garde il regarda ce palais avec dédain, bien qu'il n'ait de cesse de l'admirer...
La route du retour fut pénible et longue...
Il n'adresssa aucun mot à Samson qui se doutait de ce qui s'était passé sous les hautes voûtes du palais...
Lorsqu'il arriva devant son immense demeure il n'en vit que les multiples défauts: l'étroitesse des meurtrières, le manque d'entretien des courtines...L'usure du bois des hourds de guerre...
En passant sur le pont-levis il remarqua combien certaines lourdes planches devaient être remplacées...Combien les chaînes faisaient du bruit à la manoeuvre...
Bref... comme chaque fois qu'il rencontrait l'évêque il lui faudrait une belle fille dans son lit pour lui remettre les humeurs en joie...
(A Suivre...)
