S'ouvrent tes paupières.
S’ouvrent tes paupières.
L’aube quand s’ouvrent tes paupières, une tasse de café renversée, zut ! Ta chanson sous la douche, l’air frais au dehors, l’oiseau qui agite le bosquet, le chien errant qui soulève la patte, la grille d’entrée qui grince sur des gongs qui dérouillent, ta main qui remonte ton col : frais, froid, le bonheur qui s’affiche ailleurs sur la palissade dans la douceur d’une île à deux mille balles la semaine, dans le ciel un avion passe : les rêves ne sont jamais à l’heure. Une porte claque, te voilà dans le circuit quotidien : tu avales le bitume, tu pestes contre les traînards. Un feu rouge et en plein milieu du carrefour un motard, immobile dans une mare de sang. Tu ressens brusquement un haut-le-cœur ; des gyrophares, des hommes casqués qui s’activent et, comme toujours quelques badauds ébaubis. Ne pas s’attarder, passer au loin, ailleurs, à autre chose, au prochain acte du grand théâtre, de la tragédie au quotidien ordinaire. Les portes coulissent, tu gagnes l’ascenseur, tu montes vers le purgatoire, peut-être ? Devant ton écran, un peu pensif, tu observes les icônes. Ne pas commencer à tapoter le virtuel. Attendre encore quelques secondes. Saluer tes potes. Egoutter les sentiments qui te pèsent et les livrer au grand océan de pixels. Et puis soudain foncer en pensant autrement le temps déchiffré qui t’absorbe entièrement. Tu es un autre.
Pierre WATTEBLED- le 6 mars 2015.
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