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     Portrait de mon professeur de latin/français
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Expéditeur Conversation
Agate
Envoyé le :  11/11/2014 18:49
Plume d'or
Inscrit le: 31/10/2007
De:
Envois: 960
Portrait de mon professeur de latin/français

"Petit exercice" avec des termes liés à l'instruction lycéenne ou universitaire mais peu usités.

ROSA, ROSA, ROSAM……..
Lorsque je repense à mes années-lycée, c’est plus particulièrement, le souvenir d’un professeur qui me revient en mémoire.
Nous sommes 30 jeunes élèves de 6ème à l’attendre en rang d’oignons dans le couloir.
Il arrive face Ă  nous.

De haute taille, les épaules larges, une tête puissante, il avance dans un pardessus gris anthracite, boutonné jusqu’à ne laisser apparaître qu’un nœud de cravate bleu nuit et un peu du col de la chemise bleu ciel parfaitement repassé.

C’est un bel homme, imposant, bien campé sur ses deux jambes, sportif à n’en pas douter.
Ses bras, dont l’un est prolongé d’un cartable de cuir sombre, se balancent en cadence et soulignent une démarche alourdie par des chaussures dont le cuir manque un peu de souplesse.
Le visage hâlé est rasé de frais. Sur la tête, au-dessus d’un large front, la coupe de cheveux en brosse accentue l’austérité du personnage.
Les larges montures d’écaille de ses lunettes encadrant des yeux d'un gris-bleu acier ajoutent encore à la sévérité de son regard.
Les lèvres ont peut-être été charnues mais ils les pincent si fortement qu’elles ne forment plus qu’un trait à peine rosé.

L’apparition de ce professeur de Latin/Français me fait déjà craindre le pire. Mon corps soudain dit la peur que sans raison j’éprouve… Il se glace jusque dans les ongles.
C’est dans un silence quasi religieux dont le « Prophète » aurait été fier, que nous entrons en classe.
Pas le temps de sortir cahiers et crayons. La craie crisse sur le tableau noir et joignant la parole au geste, il nous assène son nom plus qu’il ne se présente, en martelant chaque syllabe :
« Je m’appelle PA LUS TRAN avec un P comme dans Pensum et Punition » et sans nous laisser le temps d’assimiler, il continue : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément » puis……. « Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! »

Le ton est donné. Pas de doute, nous avons devant nous un ogre. Que dis-je, un ogre…… un « pécufieur », qui tout au long de l’année scolaire, en plus des déclinaisons et des conjugaisons, nous inondera de discours interminables.

Chaque cours devient pour moi un combat. La soif d’apprendre contre la peur au ventre.
Comment faire taire ses boyaux qui se nouent et se dénouent en borborygmes incongrus ! Une seule solution à ce calvaire,….. être capable de décliner parfaitement « Rosa, rosa, rosam……... Les choses que l’on conçoit bien s’énoncent clairement…. ». Bloquée, figée, paralysée…. J’ai beau chaque soir, chaque matin, chaque récréation, étudier, réviser, « ratiser » et « ratiser » encore, les mots se cognent à mes lèvres, se perdent dans mon cerveau. Ils sont là pourtant, pas bien loin, mais ils fuient, ils ne peuvent affronter ce colosse de pierre. Il me faut à tout prix, avec adresse et astuce, je dirais même « siouxement », détourner l’attention de ce vampire ou surmonter héroïquement ma peur maladive.
Un jour, dans l’atelier de menuiserie de mon père, entre une femme de petite taille, guindée dans un tailleur bien trop étroit, de mauvaise coupe et d’une couleur qui s’était sûrement voulue rose. Elle est suivie d’un homme dont la tête est inclinée, les épaules rentrées, le dos voûté. Il marche avec humilité, presque servilité.
C’est lui,…. le grand,….. l’imposant PA LUS TRAN, qui aujourd’hui, dit oui à tous les ordres qu’il reçoit, qui n’a droit à la parole que pour acquiescer aux choix, aux décisions de son épouse et malgré tout se fait rabrouer sans mot dire, par ce dragon acariâtre.
A compter de ce jour, envolées mes peurs, oubliées mes angoisses, plus jamais mes mots ne s’effilocheront en pelotes embrouillées…….. Rosa, rosa, rosam, rosarum, rosis, rosis……
Seule restera ma préférence à l’écriture au détriment de la parole.

Cinquante ans plus tard, sur un site permettant de retrouver des camarades de classe, deux noms ont accroché mon regard. Un féminin, Jeanne Palustran, le même que celui de ce fameux professeur ( j’ai su plus tard que c’était sa fille) et un masculin : Christian B.
Je me souviens que ce dernier, en bon « Cocon » de promotion, solutionnait mes exercices de maths, matière dans laquelle il excellait, certain de « caciquer », toujours 18 ou 20 sur 20 et mériter ainsi le tableau d’honneur à chaque trimestre, alors que j’effectuais ses devoirs de latin ou ces compositions françaises.

Nous correspondons désormais régulièrement et nous nous rappelons nos souffrances de « baffreux », chaque fois que s’annonçait les cours de Monsieur « PA LUS TRAN ».

Nous subissions la « L.E.M » par excellence, ou, si vous préférez : la Loi de l’Emmerdement Maximal. Cette déveine d’être immanquablement interrogés à chaque cours.

Nous avons heureusement pris notre revanche chacun à notre manière.

Christian est à son tour, devenu professeur de maths, physique et chimie. Il a même obtenu une chaire à la Sorbonne. Bien que désormais à la retraite, il lui arrive encore de « tapiriser » pour quelques étudiants en difficultés.

Il m’a raconté qu’après avoir durement répété et même « ratisé » les leçons de latin et de français, de jour et comme de nuit, de malchanceux, écopant de zéro plus souvent qu’à son tour, il est devenu ce « Monstre » incollable, saturé de connaissances. Il aime ainsi, émerveiller ses petits-enfants par son savoir lorsque sont diffusés les divers jeux de culture générale télévisés.

Mais au temps de nos années-lycée, pour calmer nos désagréments intestinaux dus à la peur d’affronter « l’ogre »-comme nous l’appelions, ou quelques « perche » : ces plaisanteries malsaines de nos camarades de classe, nous allions chercher refuge au « Paradis ». L’infirmière savait consoler nos angoisses. Elle nous faisait ingurgiter une légère médication, puis nous envoyait voir « Le Prophète » auprès de qui, après quelques prières en pénitence, nous retrouvions un peu de sérénité pour reprendre avec courage le chemin de notre classe.

segolin183
Envoyé le :  28/3/2015 10:06
Plume d'or
Inscrit le: 1/3/2015
De: Meze 34140
Envois: 1756
Re: Portrait de mon professeur de latin/français
Agate ,jolie version latine agrémentée de notes savoureuses!
Lorsque je suis entré au collège /Pensionnat de Pezenas (herault)et que j'avais choisi le classique latin/grec avec Allemand en 1ere langue ,je ne doutais pas qu'outre les études j'allais apprendre la vie et le joyeux " bordel " qui me sert encore maintenant!
Ces pages sont-elles une partie de votre futur bouquin ,ça m’intéresse parce que j'ai à peu prés vécu la même chose et que je suis en train d'écrire mon futur bouquin (enfin j'essaye)
Marc


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Segolin183 mi-ange mi-démon

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