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"Partant pour la croisade, un sire fort jaloux
De l’honneur de sa dame et de ses droits d’époux",*
Fit faire une ceinture et la cadenassa,
Craignant qu’en son absence elle ne se lassa.
Moi, qui m’imaginais que l’époque était prude,
Et n’aurais pas voulu d’une vie aussi rude,
J’ai vu, bien au contraire qu’elle aimait les délices
Et que l’on dormait nu, sans que ce fût caprice.
Je le compris, un jour, devant l’Apocalypse,
Que l’on peut admirer dans le château d’Angers,
On y dort, dévêtu et sans penser à vice,
Et c’est nu comme ver, que l’on va se coucher.
Dans la pièce célèbre, qu’est ‘ Le sommeil des Justes ‘,
On aperçoit des corps dénudés, endormis,
Bien-sûr, me direz-vous, on ne voit que leurs bustes,
Ils reposent allongés, paisibles dans la nuit.
Au Moyen-âge, il convenait d’ôter le tout,
Et puis de se glisser, bien vite sous les draps,
De dormir à plusieurs, il était de bon goût,
Et au cœur de l’hiver on ne craignait le froid.
Les invités dormaient dans le meilleur des lits,
C'était aussi celui du maître de maison,
Aux Lieux Saints guerroyer comme il était parti,
Son épouse avec eux reposait sans façon.
Lesquels devaient, de fait, être déshabillés,
Le contraire eût été une incivilité,
Tout le monde dormait, avec la mariée,
Et l’on couchait ensemble, en toute liberté.
N’oublions qu’en cet Âge, il arrivait parfois
Que tout preux chevalier dorme au lit d’une dame,
Et même s’ils étaient, tous deux, nus sous les draps,
L’épée était entre eux, afin qu’ils ne se damnent.
Mais à y regarder de plus près, vous verrez,
Les Justes ne sont point juste en train de dormir,
Patiemment, ils attendent le Jugement Dernier,
Tout persuadés qu’ils sont, qu’un jour il va venir.
Nul ne repose, alors, en cette position,
Car, allongé ainsi, on redoute la mort,
On est plus à son aise, assis, à croupetons,
Et plus certain l'on est de voir du jour l’essor.
Les Justes, sur la prairie, je voudrais qu’ils gambadent,
Que de leur long sommeil, enfin ils se réveillent,
Et qu’ils dansent, grisés par le champ des cigales,
Sans craindre la caresse ardente du soleil.
Dumnac
*Paroles empruntées à une chanson coquine.