Pilote
Il vole lentement et le soleil décline
Il voit le vert :
Il revoit sa jeunesse, et sa forêt feuillue
Où chaque souvenir est nuancé de pin,
De thym, de mousse et d’eau, de l’étang d’à côté
Il revoit le grand chêne à l’écorce veinée,
Près duquel il dormait sous le ciel argenté
Il plane lentement, et son moteur décline
Il voit le vert :
Et puis le monstre guerre, apportant son verdâtre
Qui s’empara de lui, au nom de la Patrie
Arracha de ses mains les fleurs de la prairie
Le mit dans une boîte d’un vert chrome aussi laid,
L’envoya dans les airs, et lui dit: Va tuer.
Il tombe lentement, et son courage décline
Il voit le vert :
Il vit à chaque tir le monde s’écrouler,
A chaque mort, le vert de sa forêt s’assombrir un peu plus
Pour ne plus devenir qu’un écho absinthé
A chaque nouvelle victoire, son esprit s’embrasait
Il sentait dans son crâne ses arbres brûler
Il meurt silencieusement, et son esprit décline
Il voit la vie :
Car tandis que s’éteint sa conscience fragile,
Une dernière image, les deux verts qui se mêlent
L’un du passé heureux, dans ce beau bois de l’Oise,
L’autre, teinté de noir, de l’avion qui s’écrase.
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Au rythme des cloches, il marche la vie
Son pas horloger crisse dans la nuit