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     Le puits fainĂ©ant
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Expéditeur Conversation
OLUCINEP
Envoyé le :  23/3/2014 11:50
Plume d'or
Inscrit le: 1/4/2010
De: France Centre
Envois: 1007
Le puits fainéant
Le puits fainéant

Me promenant dans le Berry, région dont la beauté naturelle enchante en toutes saisons tant par sa faune que par sa flore, j’avais remarqué au bord de la route un petit panneau sur lequel était écrit sur le bois et au fer rouge : Ferme du Puits du Miracle.

L’endroit était facile à retrouver car un petit calvaire, fleuri de frais, marquait le croisement du chemin qui conduisait à la ferme avec la route du village distant de quelques kilomètres.

Au village, lorsque je cherchais à en savoir plus sur ce "miracle", j’appris que le vrai nom de la ferme était à l’origine : ferme du "puits fainéant".

On me conseilla de m’y rendre, d’abord pour rencontrer le maitre du lieu conteur affable et accueillant et aussi pour lui acheter son miel que même les "parisiens-à-gueule-fine" venait lui acheter.
Ce grand gaillard barbu et jovial avait commencé l’apiculture dans le Gâtinais et lassé du goût de son miel, sans surprise d’une année sur l’autre, il pria un jour ses abeilles de bien vouloir émigrer vers les bruyères berrichonnes et les tilleuls solognots espérant ainsi faire naitre de nouvelles saveurs dans son nouveau rucher.

Le résultat fut à la mesure de ses espérances : son miel était un délice, j’en achetais un grand pot, (en verre ou en grès car le carton paraffiné "c’est pour ceux qui ne savent pas").
Fort aimable, et peu occupĂ© ce jour, notre apiculteur accepta de me raconter ce qu’il savait sur le puits ʺfainĂ©ant, puis miraculeuxʺ, qui Ă©tait toujours dans la cour de sa ferme, entre une petite grange de construction rĂ©cente et une ancienne beurrerie.

L’ancien propriétaire avait constaté que son puits avait peu d’eau en été : une ou deux coudées au maximum et montait jusqu’à vingt coudées en hiver.
Il disait souvent : moi c’est au temps chaud qu’il me faut de l’eau et je n’ai pas de chance, j’ai un puits fainéant.

Heureusement, à trente mètres derrière la beurrerie il y avait un autre puits, courageux celui là, et bien qu’on en parlât pas, il fournissait toute l’eau de la ferme. L’expression avait plu et la ferme était devenue celle du Puits Fainéant pour les habitants du village voisin.

À la ferme du Puits Fainéant vers 1950 on élevait des vaches et le lait qui passait la porte de la beurrerie, en quelques heures et après un barattage sonore, sortait en jolis pains fuselés enveloppés de grandes feuilles vertes.

Il sentait bon ce beurre et on regrettait un peu de ne pas avoir une tranche de pain à tartiner tout de suite lorsqu’on allait en acheter.

Le beurre était le domaine de la Jeanne. Léon, lui, était bouilleur de cru. Il distillait à la saison des alcools subtils appréciés de tout le département. Le reste du temps il faisait son jardin aidait sa femme à élever leurs deux enfants, un drôle de quatre ans et une drôlesse de six.
C’était un bonheur simple fait de travail et d’amour.

Le malheur entra dans la maison un hiver, Jeanne fut atteinte de tuberculose et le médecin lui imposa un départ immédiat pour une montagne lointaine. Seul le séjour en sanatorium et de nouveaux médicaments pourraient rendre à ses poumons ce don précieux, indispensable à chaque instant : le souffle.
Les enfants vécurent alors dans un mélange de tristesse et d’espérance. C’était la première fois qu’ils étaient séparés de leur mère et son absence mettait en leur cœur un chagrin à la mesure de leur amour.

Ils subirent eux-aussi de nombreux examens médicaux ; mais fort heureusement, nulle contamination n’était à redouter.
Léon ne pouvait se faire une raison : l’absence de sa Jeanne, la menace pesant sur sa santé, le rongeait .Il devint une sorte de fantôme travaillant comme s’il voulait que le labeur guérisse sa femme le plus vite possible et la lui ramène de là-bas où les lettres mettaient presque une semaine pour arriver à la ferme.

Chaque lettre était un petit bonheur, le père et les enfants la lisaient et relisaient assis à la grande table de la cuisine, les yeux mouillés et le cœur plein d’espoir car Jeanne disait mieux respirer.
Au moment de la distillation des fruits, Léon remit son alambic en chauffe mais hélas par mauvaise manipulation ou par vétusté, l’appareil explosa et mis le feu à la grange où le bois de chauffe était entassé.

Tout s’embrasa en quelques minutes. Soudain Léon entendit les cris de ses enfants qui étaient entrés par derrière dans la grange et qui ne pouvaient plus sortir ; le feu leur coupant la sortie. Il renversa sur lui les seaux d’eau qui étaient toujours près de l’alambic et alla sauver ses petits.
Quand les pompiers arrivèrent toute la grange était brulée .Devant le tas de cendres Léon n’était plus qu’une forme allongée dans une flaque d’eau. Il était brulé en maints endroits et apparemment sans vie. Du corps recroquevillé seul un bras tendu dépassait.
Il fallut quelques minutes pour que les pompiers comprennent que le bras indiquait la direction du puits fainéant et que de très faibles bruits de pleurs en sortaient.
On tira les deux enfants un peu égratignés mais sains et saufs du puits où leur père, en feu, avait eu le temps de les jeter.
Le capitaine des pompiers dit alors : c’est pas le puits fainéant, c’est le puits du miracle !
Léon fut emmené à l’hôpital le plus vite possible, il respirait faiblement, ses brulures étaient nombreuses et son dos était gravement atteint.

Quatre mois plus tard, les enfants purent quitter leur cousine qui, spontanément, sans se poser de question, les avait pris chez elle.

Votre père, sorti de l’hôpital la veille, viendra avec la carriole avant midi avait-t-elle dit. Il ne fallut pas longtemps aux enfants pour comprendre que la seconde silhouette assise à coté de leur père sur le banc de la voiture à cheval était leur mère revenue guérie de la montagne, distante mais bienfaitrice.

La joie fut immense et ils rentrèrent tous chez eux, se touchant, se serrant, s’embrassant, s’appartenant dans un amour familial retrouvé.

Le lendemain Jeanne et Léon s’affairèrent autour du puits ; rapidement un petit jardin dont le puits était le centre fut tracé, ensemencé et arrosé.

En toutes saisons ce jardinet ne manqua jamais de fleurs.



OLUCINEP XXIII 03 MMXIV
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