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Histoire de Sindbad le Marin (Deuxième voyage)
Histoire de Sindbad le marin (Prélude) Histoire de Sindbad le marin (Premier voyage)
Deuxième voyage de Sindbad le marin
Le lendemain, quand les convives furent réunis, Ils mangèrent et burent, et le repas fini, Leur hôte généreux reprit la parole Et leur dit : « Mes seigneurs, vous voir ici console Ma solitude ; sachez que vous m’êtes tous chers. Les hommes qui comme moi sont épris de la mer Vous diront qu’elle devient leur deuxième demeure Et maints d’entre eux y vivent et y meurent. M’ennuyant fort vite d’une vie d’oisiveté, J’errais dans la ville comme un homme tourmenté Et, malgré les conseils et les avis sages, Je méditais déjà mon deuxième voyage En achetant force marchandises et maints biens. Celui qui va à la mer à la mer revient, Je l’ai dit. Avec un nouveau capitaine Et des marins dont la droiture m’était certaine Je quittai donc Bagdad, d’île en île allant. A l’aventure les flots profonds nous appelant, Nous fîmes de bons trocs, achetâmes et vendîmes. Un jour, dans une île fort belle nous descendîmes, L’endroit était aussi ravissant que désert ; C’était une île où l’œil vagabond se perd Et où un soleil fort et exotique rayonne Mais à notre surprise il n’y avait personne. Dans les vertes prairies et le long des ruisseaux, Nous allâmes prendre l’air près de notre vaisseau. Je m’assis à l’abri de la lumière, Sous un arbre épais, à côté d’une rivière, Et fit un bon repas. Bientôt, un doux sommeil S’empara de mes sens ; hélas ! à mon réveil Je ne vis point, à l’ancre, le volage navire. Malheur ! Je me levai. Avec douleur et ire Je n’en vis que les voiles ; je criai, je courus, Arrivé à la grève, il avait disparu. Ô, blême désespoir ! Destin sans clémence ! Seul sur l’île, ma douleur était tellement immense Que, comme un aliéné, je poussais d’affreux cris, Me frappais la tête, me jetai par terre, surpris Et épouvanté, l’âme noire et déchirée, Je hurlai : « Ô, patrie ! Ô, famille adorée ! J’eusse mieux fait d’écouter, insensé ! Vos conseils ! Seul et abandonné et aux damnés pareil, Me voilà oublié sur cette île sauvage Et dont nul ne connaît le lointain rivage ! Que ne suis-je resté dans mon foyer béni ! Pour ma cupidité le Seigneur me punit ! Ne te verrai-je donc plus jamais, aimable ville ? » Mais mes regrets étaient sombres et inutiles Et je priai Dieu, quand mon discours fut achevé, De me pardonner mes erreurs et me sauver.
Comme le soir n’était pas encore très sombre, Je montai, éperdu, au haut d’un grand arbre, L’œil attentif, cherchant de tous côtés à voir Quelque chose qui pût me donner de l’espoir. Il n’y avait point de voiles dans la mer déserte Et je n’en étais que plus sûr de ma perte. Mais il y avait, assez loin, quelque chose de blanc Que je ne distinguais point, de loin me semblant, Sans que je n’en fusse sûr, un roc énorme. Je m’approchai presque en tressaillant de cette forme ; C’était une boule blanche d’une prodigieuse hauteur Et fort douce au toucher, à l’aspect tentateur, Et j’en cherchais en vain la moindre ouverture. L’air s’obscurcit soudain par une créature Dont je vis apparaître, surpris et frissonnant, Les ailes qui me cachaient le soleil rayonnant Déployées largement au-dessus de ma tête Et remuant avec un bruit de tempête. Je me souvins alors, quand j’étais dans les flots, D’une fable racontée par les braves matelots Au sujet d’un oiseau immense qu’ils appelèrent Le Rokh, et dont, pendant un dîner, ils parlèrent Comme d’un monstre pouvant faire couler un bateau En agitant une aile, comparant aux couteaux Ses griffes acérées et fort dangereuses. Je souriais de leurs superstitions peureuses Et en ce moment j’en sus la véracité. Je vis venir l’oiseau plein de voracité Et m’étais serré fort près de l’œuf, de sorte Que je vis ses pieds de géant qui le portent, Pareils à des troncs d’arbres. Je songeai un moment Et avec mon turban m’attachai fermement A son pied, espérant quitter cette île vide. Je passai la nuit en cet état, livide Et tressaillant de froid, n’osant guère dormir, À chaque bruit tâchant en vain de ne point frémir. Cette nuit terrible me semblait éternelle Et je maudissais mon âme criminelle Dont les mauvais penchants me firent quitter les miens, M’emmenant là où hormis la mort il n’y avait rien. Rongé par le froid ou par un monstre féroce, Je me préparais à un trépas atroce Sur cette île déserte où mon destin m’appela, Quand le Rokh aux lueurs de l’aube s’envola.
L’oiseau arriva à une vaste vallée Qui était très profonde et par les monts voilée De toutes parts, comme un funeste guet-apens. Il donna du bec sur un prodigieux serpent Et je déliai mon nœud à toute allure. Sentant à la gorge et aux pieds maintes brûlures, Je marchai lentement, regardant de toutes parts Et ne voyant autour de moi que des hasards, Hélas ! Par les montagnes de tous côtés fermée, La vallée de diamants était toute parsemée Et ils étaient plus gros que des rocs. Ébahi, Je contemplais ces lieux de richesse envahis Mais qui ne pouvaient me servir à grand-chose, Ressemblant aux captifs d’une prison morose Pleine de serpents qui à cause du Rokh, mon sauveur, Se cachaient le jour et la nuit sortaient, rêveurs. Ces bêtes immenses que je devinais capables D’engloutir une horde d’hommes, étaient effroyables ; Leurs sifflements étaient pareils au grondement Du tonnerre, mais ils se déplaçaient lourdement Et je pouvais, grâce à Dieu, dans une grotte sombre En attendant le jour me cacher dans l’ombre Et en boucher l’entrée avec un gros diamant. Pour ma témérité sans cesse me blâmant, Je regrettais l’île qui était plus sûre, Où je ne craignais point la faim et les morsures Et où je n’avais point soif. Je ne dormis pas Et le jour suivant je sortis, tremblant et las, De ma grotte, quand les serpents se retirèrent. Je vis tout à coup d’une montagne altière Un morceau de viande à côté de moi choir Puis un autre, et je crus entendre, sans les voir, Un bruit d’hommes qui étaient en haut et qui semblaient Rire et deviser, et qui vaguement me rappelaient Un curieux récit que j’entendis une fois Étonné et sans y attacher trop de foi A propos de marchands qui lancent de la viande Dans une vallée emplie de diamants, et attendent Que les aigles, plus forts en ce pays qu’ailleurs, Viennent et l’emportent, pour que de braves crieurs Les obligent à quitter leur nourriture Et prennent les diamants plaqués à la pâture Qu’ils allaient emporter à leurs frêles petits Une fois l’aigle apeuré par leurs clairons parti. L’espoir me revint de quitter ce fossé blême Et une idée me vint en ce moment même.
Je pris d’abord les diamants les plus pesants Qui étaient les plus beaux et les plus imposants Et les mis dans mon sac de provisions de bouche. Je choisis ensuite, pareil aux bêtes farouches Et qui cherchent, affamées, une bonne proie à manger, Le morceau de viande le plus long et léger Et l’attachai autour de ma bourse et ma taille Et je dis : « Ô, Dieu ! Les infortunes m’assaillent, Tout ici-bas, hormis vous, est mon ennemi ! Écoutez un sombre marin et qui gémit ! De ne plus courir les mers vastes et traîtresses Si vous me sauvez je vous fais la promesse ! » Je priais de la sorte quand un aigle arriva Et avec le morceau de viande m’enleva Et me porta jusqu’au sommet de la montagne Loin de cet étrange et somptueux bagne. Quand l’aigle effrayé fut par les crieurs chassé, Un marchand de cueillir ses diamants fort pressé Vint et eut peur de me voir dans cette posture Puis, sans me demander par quelle aventure Et par quel étrange sort je me trouvais là , En réclament ses chers biens il me querella. « Vous serez, lui dis-je, plus clément sans doute Quand vous saurez quelle singulière route M’a conduit jusqu’ici ; et vous serez plus doux Quand vous aurez vu les diamants que j’ai pour vous. » Le marchand crut d’abord que c’était une ruse Mais il me présenta ses plus flatteuses excuses Quand il vit que je lui disais la vérité Au sujet des diamants qu’il avait mérités. Les marchands étonnés de ma sombre histoire M’accueillirent, me donnèrent à manger et à boire Et de mes présents furent honorés et contents. Dans les montagnes nous restâmes quelque temps Et après quelques jours ensemble nous gagnâmes Le premier port, d’où sans peine nous passâmes A l’île de Roha où croît l’arbre curieux Dont on tire le camphre, et où des fauves mystérieux Appelés rhinocéros, qui ont une seule corne Et qui en les voyant vous sembleront mornes Se battent, intrépides, avec les éléphants Et deviennent aveugles bien qu’ils soient triomphants A cause du sang de ces bêtes et de leurs graisses Qui leur coulent sur les yeux. Le Rokh s’empresse, Aussitôt tombés par terre, de les enlever Pour nourrir ses petits, prenant soin de laver Sa proie en la plongeant dans une rivière.
Après avoir quitté cette île singulière Et fait des aumônes aux veuves et aux démunis Je revins à Bagdad. » Les convives réunis Ecoutèrent ce récit avec grande surprise. Le Sindbad se tut, car l’aventure promise Etait finie. Et il donna cent sequins d’or Au porteur, le priant de revenir encor Pour qu’il lui racontât sa troisième errance Le lendemain, avec douceur et déférence.
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