Bari a écrit :
Eva, ma très chère petite soeur aimée
Vois-tu ce félon temps en éclair passer
Emportant dans son sillage notre passé
Nous abandonnant à notre âge terrassés
Sans recours tel l’étang asséché à l’été
Nos cheveux sont blancs, le front ridé
Nous ne pouvons en cet état l’affronter
Ni arriver un jour à percer ses secrets
Où dépose-t-il les cadavres des années
Qu’il a avec rage et haine moissonnés
Eva,
Te souviens-tu de ces moments dorés
Aurores lumineuses à peine dévoilées
À l’horizon en délicats éclats diffusés
Que le cœur garde tendrement recelés
En ondes de mirage au loin miroitées
Souvenirs d’enfance d’un noble passé
Lorsque rêves et réalité étaient mêlés
Mélange de sons, d’ombre et de clarté
Dans cet espace de gaieté et de liberté
Où nos petits et frêles êtres mouvaient
Si joyeuse et innocente enfance innée
Nos âmes baignaient dans la sérénité
Par nos candides angelots protégées
De radieux jours et si douces soirées
Lorsque de tous nos proches entourés
Nous étions joyeux et si émerveillés
Où nous ne faisions que nous égayer
Ignorant tout de ce qui s’ambitionnait
Passant par la cuisine jusqu’au grenier
Et dehors sous les grands châtaigniers
Au bas de la maison aux murs élevés
Du large étable toujours mal éclairée
A la cour de haies de ronces clôturée
Nos rebelles petites jambes courraient
Et sautaient en tous sens sans se lasser
En toutes saisons printemps comme été
Qu’il neige, pleut ou en jour ensoleillé
Au milieu des étendus champs de blé
De vermillons coquelicots disséminés
Dans les ruisseaux aux lits de galets
A la rivière voisine pour nous baigner
Et cueillir des fraîches mûres et baies
A travers les boueuses terres labourées
De senteur de racines d’herbes exhalées
Jusqu’au soir quant la nuit se déployait
Pour nous réunir de nouveau au souper
Quel apaisement en soi de s’en rappeler.