Je suis ce romantique Tangérois
Contemplant l'inaccessible détroit
Rêvant de fuir sa misère
Conquérir cette merveilleuse terre
De l'autre côté de la mer
Bravant la houle meurtrière
Fier comme un roi
Je revois la grandeur d'autrefois
Je maudis cette mer écumeuse
Qui m'éloigne de la terre promise
Me vient la mouette rieuse
Elle me conte, ironique
Une histoire merveilleuse
Celle de l'apogée historique
De l'apothéose magnifique
D'une civilisation fantastique
La mouette m'apporte, sarcastique
Un souffle édénique
Un parfum idyllique
Des murmures angéliques
Des saveurs océaniques
Des visions fantasmagoriques
La mouette me nargue, diabolique
Je soupire, nostalgique
Le vent devient chuchotements
J'entends
Au fin fond de l'océan
Pleurent les violons
Le luth de Zeryab, gémissant
Me raconte la civilisation d'antan
Je vois
Des guerriers musulmans
Chevauchant leurs fiers étalons
Venus de leur lointaine Arabie
Dans la tête un rêve inouï
Fonder une magnifique dynastie
Sur cette terre épanouie
Terre de toutes les beautés
Terre bénie
Andalousie!
Vite, le rêve devint réalité
Et le paradis à leur portée
Avec une incroyable facilité
Attrait, apparat, beauté
Magnificence des cités
Verdure, fraîcheur, sérénité
Délices, jouissances, sensualité
Luxe, réjouissances, prospérité
Métamorphose inouïe:
Les farouches bédouins
Devinrent dociles citadins!
Le vin, le miel, le parfum, l'eau
Coulaient à flots
Tout était beau
Les cités légendaires
La civilisation millénaire
Le consentement populaire
Les arts culinaires
La luxure des palais
Les eunuques, les houris
Les chérubins, les harems
La volupté fatale des femmes
Ces femmes blanches comme le lait
Aux cheveux jaunes comme le blé!
Les jardins édéniques
Les fruits exotiques
Les orgies frénétiques
Les tentations sataniques
Le chant et la musique
Les rendirent pacifiques
Rêveurs, romantiques!
Et leur vie devint magnifique
Le marbre, la mosaïque
La danse, la musique
La science, la culture
Le savoir, la littérature
L’agriculture, l'architecture
L'astronomie, la philosophie
L'histoire, la théologie
La médecine, la poésie
Toutes ces féeries
Les avaient tellement éblouis
Qu'ils se sont endormis
Sur leurs lauriers
Satisfaits, sereins et ravis
Persuadés de rester dans ce paradis
A jamais!
Les cités d'Andalousie
Se préparaient en secret
A chasser leurs ennemis
Tant qu'ils étaient encore endormis
Et libérer enfin leur terre
De l'invasion des Maures!
Vite, le paradis devint enfer
Trop flasques pour faire la guerre
Chassés par le feu et le fer
Les arabes quittèrent cette terre
Pour ne plus y revenir
Jamais!
Ils y laissèrent vestiges et souvenirs
Tours, minarets, jardins et murs
Forteresses, d'une magnifiques architecture
Patrimoine, folklore, traditions et culture
Mais aussi beaucoup de blessures
Regrets, remords, aigreur, pleurs
Une abominable douleur
Et une indélébile rancœur!
Je vois Courdoue, Cadix et Séville
Grenade et toutes les autres villes
Merveilles des merveilles
Je vois Guadalquébir
Et j'arbore un triste sourire
Je vois Ibn Hazm le subtil
Écrire le Collier de la Colombe
Pour me donner des leçons d'amour
Cet amour d'antan
Que j'ai oublié avec le temps
J'entends Zeryab le magnifique
Faire gémir son luth magique
A la mémoire de cette Andalousie nostalgique
Et je pleure
Aigre et amer
Contemplant la mer!
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Agadir, le 9/12/1012
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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!