le roi des carpes. hors concours (repost de janvier 2006)
Une carpe dorée allait se prélassant
Dans la douve dormante au château des Condé
Mais elle pensait son royaume un rien serré
Et au fil des jours le trouvait assez lassant
Elle y vivait tranquille avec ses congénères
Du pain que généreux le public lui jetait
Comme elle Ă©tait robuste et rapide elle Ă©tait
La mieux nourrie de toutes ces grosses mémères.
Un jour ne pouvant plus supporter ses compagnes
La promiscuité lui semblant infernale
Elle eut soudainement une intuition géniale
Celle d’émigrer vers une douce campagne
Et d’un beau lac profond se prit-elle à rêver.
"HĂ©ron, Oh mon ami, Dis moi si tu connais
Un grand Ă©tang tranquille, un lac vaste et bien frais
Où je pourrais un siècle calmement régner ?"
"Oui, je connais un lac au milieu des grands bois
Tes pareilles y vieillissent plus que centenaires
Tes millions de sujets feront tout pour te plaire
Tu ne penseras plus au passé une fois."
Ainsi fut fait sur l’heure : en son grand bec pointu
Le héron prit un sac humide où se coucha
Le gros poisson heureux de quitter ses tracas
Dans un nouveau royaume il fut bientĂ´t rendu.
Ses sujets lui rendirent un très vibrant hommage
Et des heures durant vinrent pour l’admirer
Mais le temps passant et l’estomac réveillé,
Le roi demanda du pain le temps du passage
« Quel pain ? » dirent-ils surpris de la question
« Celui qu’on nous apporte comme nourriture. »
Et le tout nouveau roi, pour sa déconfiture
Sut qu’il devait chercher tous les jours sa portion.
Fouillant du nez la vase le puissant seigneur
Trouvait mince repas après beaucoup d’efforts
Et après peu de temps reconnut tout son tort
D’avoir quitté sa douve était là grosse erreur.
Et un jour amaigri, n’en pouvant plus de faim,
Il nagea au-delĂ des lignes du royaume
Et s’en vint vers les bords que fréquentaient les hommes
Et soudain sur le fond vit un carré de pain.
Il se précipita, l’avala et sentit
Un hameçon aigu lui rentrer dans la chair
Il lutta mais bientôt se vit tiré à l’air
OĂą il agonisa sous des regards ravis
Ainsi finit piteux un roi bien peu malin
Pour ĂŞtre plus grand il quitta son paradis
Pour un puissant royaume oĂą la faim le perdit :
Il périt bêtement pour un morceau de pain.
Le 10 septembre 2005
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Science sans conscience n'est que ruine de l'âme (Rabelais)