Plume de platine   Inscrit le: 10/4/2013 De: Province de Liège Envois: 2647 |
L'Hermite L’HERMITE
Il était une fois, il y a de cela si longtemps, un homme solitaire et secret qui avait décidé d’entreprendre un périple long et difficile, afin de rejoindre une femme qu’il avait connue jadis. Quand ? Il ne s’en souvenait plus. Ce temps-là lui paraissait à la fois si lointain et si proche que cela avait fini par le tourmenter et lui poser question. De jour, de nuit, une corde s’était tendue en lui. Une corde qu’il eût aimé faire vibrer. Et il s’en sentait incapable.
Car, à chaque fois que son désir lui parlait, il avait tenté de le satisfaire aussitôt. C’est ainsi que sa vie avait été parsemée d’actes qui lui avaient paru nécessaires, même indispensables. Il mangeait, dormait, travaillait, tout en se heurtant à cette vie par une soif sans fin.
Or, une nuit, il fit un songe. Et ce songe fut tellement plein de l’intensité et de la présence de cette femme, qu’il sut qu’elle l’appelait.
Il prépara donc un bagage léger et s’en fut. Le songe lui avait montré l’étoile qui le guiderait. Il partit à l’aventure, mû par son désir et la voix qui parlait en lui.
Il chemina ainsi de longs jours, suivis d’étranges nuits. Il apprit par là le poids de sa marche et le poids de son rêve. Il sentit son inspir lui emplir tout le corps. Il souffla sa fatigue et son espoir déçu. Parfois même, il pleura, sanglota, pris d’un chagrin immense.
Il implora le ciel, et à nouveau, un songe le guida, lui enjoignant cette fois de s’arrêter dans la montagne, muni d’un flambeau, et de s’y installer.
Le lendemain, il s’informa dans le village proche d’un endroit qu’il pourrait occuper. Le berger lui proposa un ermitage abandonné.
Et notre homme lui acheta deux moutons et deux chèvres afin de s’assurer de quelque subsistance. Il vit que la terre était bonne et que la cultiver lui donnerait de la peine et de la joie, en plus du nécessaire.
Il s’installa, pensif, et vaque aux occupations liées à son nouvel état. Il travaillait la terre, coupait du bois, et faisait du fromage. Il apprit même à faire son pain.
Les jours, les mois, sept années passèrent. Le silence du lieu imprégnait son âme. L’attention, petit à petit, lui devint une seconde nature, obligé qu’il était de se sentir disponible à l’instant. Chaque geste fut une écoute, une prière. La lenteur fit place à l’agitation des années anciennes et passées. Et un chemin certain se creusa dans le cœur et le ventre de l’ermite, éclairé qu’il était de l’intérieur. Comme si la Femme qui l’avait appelé depuis de longs mois devenait présente en lui. Comme si cette présence l’illuminait, l’attendrissait, l’érodait.
Tous ses sens s’émouvaient, participaient, vibraient
Un soir, il jeta l’encre sur un papier, dans sa chambre, et le plia en deux. Puis, il le pressa, et l’ouvrit.
Une roue s’y étala.
Alors, il vit que le temps du retrait était passé, qu’il était temps de reprendre la route, allégé de lui-même et rempli par le sens.
Anne DE MAY
(Inspiré par la carte du tarot)
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