[...] Nous sommes très loin de la mentalité douce et pacifique des habitants de Dieulefit, dans la Drôme provençale, le pays de mon père. Ce village célèbre pour son artisanat local, dont la poterie, l’est devenu encore plus en raison de l’action que certains habitants ont mené pendant l’occupation nazie pour organiser le sauvetage de nombreux enfants juifs rendu possible par le miracle du silence et celui de la solidarité aux heures les plus tragiques de la guerre tandis que la folie et la fureur des hommes se confondaient sans chagrin ni pitié pour les millions de morts dans la nuit et le brouillard de l’histoire nous faisant sentir encore toute l’horreur de l’extermination et ces heures noires pour l’ Europe où le combat des mots prépara celui des armes. J’éprouvais une profonde reconnaissance envers tous ceux qui avaient contribué à combattre cette barbarie, sacrifiant leur jeunesse et fortifiant la France de leur sang neuf pour que les mots Liberté, Egalité, Fraternité ne soient pas vides de sens.
Mes parents sont enterrés dans le cimetière de ce village et j’aime le parcourir, comme je le faisais avec ma grand-mère et mes tantes, pour lire les noms de ceux qu’elles avaient connus. A ce moment, même si je me souviens de la séparation du mur qui existait entre les catholiques et les protestants, « Il n’y a ni juifs, ni grecs, il n’y a que des hommes sous le regard de Dieu » (Saint Paul, Epitre aux Galates III, 28). La mobilisation collective du village avait réussi ce qui pouvait sembler impossible, faire échec à l’administration de Vichy. [...]
Pierre-Louis SESTIER
----------------