A courir les sept mers
Sur des gaillards d’avant,
A croiser tant de fers
Pour un Roy de treize ans,
Mon Ancêtre Corsaire
A gagné ses galons,
Tout autour de la terre
Au pied des artimons ;
Dans mes sangs,
Dans ma chair
Ainsi coulent ses sangs,
Je suis sur mes "galères",
Il est sur ses galions,
Le pistolet en taille
Et au poing la rapière…
Souvent, il chante en moi
De fort belle manière,
Le cœur que je lui dois
Se retrouve en mes vers,
Mes verres de rhum à moi
Ont de blondes crinières
Et des corps en pavois
Qui flottent et me libèrent
En de vibrants émois !
La Rochelle, je te vois,
Ô ma fringante oiselle
Dans le vent de suroît,
Quand tes murs étincellent,
Que je reviens chez moi,
Ma Charente est si belle
Que j’en pleurerais de joie !
A courir les sept mers,
Comme un vrai mercenaire
S’éraille ici ma voix
Par les soirs de belle mer
Sur la dunette arrière
Près d’une fille de joie,
Quelque belle garcière
Qui tendra mon pavois !
Alors, je sens en moi
La vie de ce Corsaire
Qui, sans jambe de bois,
Chante des chansons à bouère…
Je remonte les Temps
A près de trois cents ans,
Moi, le gars de la terre
Qui n’ai pas pris la mer,
Mais navigue pourtant
Sur sangs de mes artères
Tout en haut des haubans ;
La Tour des Quatre Sergents
Devient là mon repaire,
Un galion va dansant
Près d’un long quai de pierre
Où s’amarrent mes rêves
Un soir dans le couchant…
Et dansent des gréements
En manœuvres courantes,
En manœuvres dormantes,
Je deviens ce gabier
De misaine ou grand hune,
J’ai tous mes clairs de lune
Et suis les déferlantes
De mes vagues pensées…
Jacques Hiers
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