J’ai des chants de marins
A coups de Trafalgar,
J’ai des chants de brouillard
Qui viennent de si loin,
J’ai des chants de mémoire
Sur des petits matins,
Tête vide d’espoir,
Comme un crabe peureux
Au fond de son rocher…
J’ai des chants de sirènes
Moi l’Ulysse sans rien,
Le cœur dans la misaine,
L’artimon démâté ;
J’ai des chants à la traîne
Dans les écumes lointaines
Aux poupes des lendemains…
J’ai aussi des migraines,
Je ne suis pas Capitaine,
Mes galons sont lointains
Dépourvus de soleils,
Délavés de crachins…
Et je traîne ma peine
En des bistrots sans fin
Où des filles obscènes
S’ancrent là sous mes mains ;
Je les prends pour des reines
Navigant sur leurs reins,
Leurs seins en mises en scènes
Dans le froid d’un matin…
J’ai mes coups de tabac,
Je n’ai plus de carène,
Dans mes rayons de Râ,
Je rame à mes misères,
Suis-je marin-forçat
Au milieu de ces mers ?!
J’ai des chants de mystère
Qui ne connaissent que moi…
Je cherche mes Cythère,
Mes Sappho, mes Tribades
Et je mouille en leur rade
Aux matins de leurs chairs
Et roulé dans leurs voiles
Qui sont draps de lumière,
Je les trouve toutes belles,
Je termine à l’hôtel
Sur quelque quai d’Anvers…
J’ai des chants de marins
Qu’elles boivent à ma chair
Et des envies de sel,
J’ai envie de ces Femmes,
Comme j’ai envie de Celles
Qui câlinent mon âme
Sur des mers éternelles
Aux soleils en flammes…

(Texte extrait de "Un Grain de Sel entre les dents")
Jacques Hiers
Texte déposé. Tous droits réservés.

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