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     LES VACANCES DE SPINOZA
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Expéditeur Conversation
Richards
Envoyé le :  15/12/2012 21:08
Plume de platine
Inscrit le: 23/5/2011
De:
Envois: 5513
LES VACANCES DE SPINOZA
LES VACANCES DE SPINOZA





On saura pourquoi Spinoza pour Spinoza. Pas maintenant, il est trop tĂ´t. Ce sera vrai pour Friedrich.
Une Parisienne en vacances à Paris. Elle a trouvé un lieu, un nouvel endroit. Comme tous les juilletistes, elle a décidé des vacances en juillet. C’est que les vacances ne disent pas seulement vacare, la vacuité, la pénurie, elles disent aussi la possibilité d’un déplacement, pour ne pas dire d’un Ailleurs.
Spinoza avait lu ça chez Pascal qui rappelait l’étymologie de vacance.
Tout est prêt pour ses cartons. Surtout ne rien oublier. Le plus précieux, à n’en pas douter, le livre. Pour les valises. Ne pas trop se charger. Elle se souvenait de père, de mère. On part en vacances comme on part dans le Nouveau Monde. Mais non, on se déplace, c’est tout. C’est ce que disait aussi Friedrich. Il faut peu de choses pour partir ailleurs, crois-moi. Il faudra peut-être revenir sur Friedrich.
En moins d’une heure. Face à un immeuble gris, près de la place Gambetta, à deux pas de chez elle. Partir, ce n’est pas nécessairement partir loin. C’est être Ailleurs. Elle a tout installé, précieusement, lentement. L’urgence n’est plus là.
C’est plus fort que nous. En vacances, on veut savoir qui est qui. S’il faut un âge. Elle a celui du philosophe, c’est-à-dire aucun. Même chose pour tout ce qui pourrait la désigner. Sauf, peut-être. Elle est belle parce que grande. Le cheveu tombant sur des yeux bleus. Elle a toujours le même livre sur elle : L’Éthique, plus efficace qu’un couteau en ces nuits incertaines et hésitantes, dans le Paris de juillet.
On n’agresse pas une femme qui lit Spinoza.
Paris en juillet n’est plus Paris. Tout le changement est dans le mois. Les autres, les voisins, les amis, les connaissances, partis ; Paris s’évanouît. La boulangerie est fermée, la boucherie fermera ses portes dès le 10 juillet, la voiture se fait rare, le bus plus intermittent, les pas se ralentissent.
Spinoza est dans une ville Ouverte.
Certes, des cartons en forme de tente mais avec tout le matériel nécessaire en cas de vent, de pluie, de trop de soleil. Elle avait tout envisagé, Spinoza.
Spinoza avait même prévu un ventilateur à piles, une lampe, un ouvre-boîte, un sac réfrigérant. Bref, tout pour un camping comme le lui avait appris sa belle-mère. On ne part pas impunément. Phrase que Spinoza n’avait jamais comprise. On ne part pas impunément. Comme si partir en vacances était un délit.
Il est vrai. Elle avait abandonné ses cartes, ses nombreuses cartes de toutes les couleurs, toutes les cartes : bleue, verte, tricolore, grise, rose, celle de Carrefour, celle des Galeries La Fayette, de Monoprix, de Prisunic, d’Ed. Elle avait compté, près de cinquante-deux cartes. Elle, Spinoza a tout jeté, rejeté. Même précaution pour la crème à bronzer. Il ne faut pas croire les vacances sont toujours une question conversion.
Friedrich lui cognait le haut des cheveux. Il voulait les vacances à trois. Lui, Spinoza, et Else. C’est peut-être maintenant qu’il faut parler de Friedrich. Il a le cheveu roux, l’œil noir, terriblement sombre, le corps étique, la jambe gracile. Il avait tout ce qu’il fallait pour les jours de tous les jours. Mais la vacance veut la vacance. Elle ne pouvait plus rien pour lui. Il était de trop. S’évader de lui, se libérer de lui ? C’est peut-être çà la vacance.
En fait, il rêvait de trilogie. Deux femmes pour un homme, bonheur suprême, ultime. Pour lui, le summum des vacances. Le laisser-aller absolu. C’est ce qu’il disait. Les vacances, c’est la vacance de l’ordre social. Où tout est possible. Se dévêtir, se mettre nu, comme il disait. Tuer les tabous pour redevenir nous-mêmes.
Les journées sont désespérément pleines. Entre deux pages du texte latin, des piétons, des touristes, toujours le mot pour s’informer : où le cimetière du Père-Lachaise ? Où le théâtre de la Colline ? Pardon, où l’Hôpital Tenon ? Tous les étrangers viennent à elle. Vers Spinoza parce qu’elle est la seule disponible. Elle a tout délaissé. Le confortable bureau, l’ordinateur G4, le portable, le casque. Elle se retrouve heureusement dénudée, presque déconnectée. De tout ce qui faisait d’elle une somnambule. C’est étrange comme elle se rattrape. Elle n’est plus la femme de Friedrich, elle n’est plus l’amie d’Else. Elle n’a plus rien ni personne, et pourtant, elle est tout, elle a tout. Combien d’Irlandais ? Combien d’Anglais, d’Écossais, de Gabonais, de Thaïlandais, de Russes ? Qui lui parlent. Qui veulent savoir. Pas simplement des sites culturels, mais de celle qu’elle est : Pourquoi Spinoza ?
Les vacances sont les vacances. La vie de Rimbaud ou de Verlaine. Il faut se délester de tout, revivre une nouvelle vie, changer de rythme. Il n’est désormais plus question de Friedrich. Les vacances font le vide. Mais l’Enfer est piégé de bonnes résolutions.
Le camion blanc du soir. Du café ? Non. Le Samu. Un sandwich ? Non. La Croix rouge. Voulez-vous un refuge pour la nuit ? Et puis les éboueurs. La benne à ordures qui traîne. Le camionneur qui s’arrête, qui croit les choses possibles avec une femme lisant Spinoza. Non.
Tout est différent. D’une rue à une autre, d’un jour à l’autre, tout se métamorphose. Surtout la nuit. Les vacances sont la nuit de l’année. Ils sont tous là : Italiens, Américains, Hollandais, Allemands. Ils ont cette chance de trouver Spinoza toujours enfouie au fond de son tipi, relisant L’Éthique de Spinoza. C’est tout dire. C’est folie cette générosité-là, d’être remercié par une bouteille de vin, par des chocolats, par les spécialités de tous les pays. Elle est souvent invitée, sollicitée, pour une soirée, pour une fête, pour l’apéritif, le digestif. Mais souvent elle doit refuser, la fatigue l’étreint. Alors, elle s’épuise. Spinoza déformée. Quatre-vingt dix kilos. La lèvre sèche, la dent noire, la valise sous l’œil.
Pour Spinoza. Les vacances : l’Horreur sublime. Retournement : Spinoza n’est plus infirmière. Elle est guide touristique. Spinoza, désormais toujours en vacances.
Honore
Envoyé le :  17/12/2012 11:26
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39531
Re: LES VACANCES DE SPINOZA
Si c'est là savoir philosopher ton récit est un parfait exemple.
HONORE
Sybilla
Envoyé le :  27/8/2021 23:12
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Envois: 95612
Re: LES VACANCES DE SPINOZA
Bonsoir Richard,

J'espère que tu reviendras parmi nous toutes et tous !
Magnifique!



Belle soirée!
Amitiés
Sybilla


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Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates ""réelles"" de parution.

Le rĂŞve est le poumon de ma vie (Citation de Sybilla)

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