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     Les bannis/ Les anarchistes du Dahra... Acte 3: Le jardin...
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Expéditeur Conversation
Abdelkader
Envoyé le :  4/12/2012 23:26
Plume de platine
Inscrit le: 31/12/2006
De: Chlef / Algérie
Envois: 7615
Les bannis/ Les anarchistes du Dahra... Acte 3: Le jardin...
Acte 3 : Le jardin

Nous eûmes le temps de faire un tour dans le grand jardin jouxtant la messagerie avant le départ de la diligence vers Ténès. Le jardin public était un grand espace vert avec une multitude de plantes importées pour la plupart d’Europe par les français qui ont eu l’intelligence d’implanter cet espace de loisir, de détente et d’embellissement au centre de la ville. Les Orléansvillois avaient l’habitude de venir s’y reposer, y lire un livre ou un journal ou pour se rafraîchir lors de la saison chaude, mais le lieu était calme et vide pendant cette période de l’année. Ce coin de rêve servait aussi de lieu de rencontre pour les couples d’amoureux européens, les arabes n’avaient pas le droit d’accéder au jardin sauf s’il s’agissait de le nettoyer.
Marie prit place dans un banc dans une pergola soutenue de colonnes en guise de support pour les plantes grimpantes. Elle choisit de contempler les jolies fleurs en écrivant des notes dans son petit calepin tandis que Paul et moi décidâmes de marcher le long des allées fleuries bordées d’une pelouse taillée presque à raz, ombrées d’arbres avec des lianes de lierre qui leur accrochaient aux branches pour faire valoir les roses multicolores dans une toile de verdure agréable à admirer. Une source coulait une eau limpide qui circulait dans une canalisation pour nourrir de beauté toutes les plantes du jardin, et remplir le grand bassin au milieu où des poissons rouges se baignaient parmi un bon nombre de plantes d’eau douce dont les feuilles voguaient sur la surface portant des fleurs splendides germées dans une aquarelle de fraîcheur aquatique.

Au jardin de la ville le soleil a manqué
Aux fougères élancées aux abords des bosquets,
Les bouquets de tulipes encadrées des œillets
De lilas et d’iris herbacées de feuillets.

Au jardin de la ville la fraîcheur est semée
Dans un flot de vapeur de jasmin parfumé,
Les rangées de gitanes envahies d’orchidées
En clochettes accrochées aux écorces ridées.

Paul n’arrêta pas de parler pendant que nous marchions brisant le silence paisible de ce jardin somptueux. Il me confia que Marie était une grande amie qui comptait pour lui comme sa femme et ses enfants, et qu’elle faisait partie du mouvement anarchiste dissout qu’ils comptaient restaurer et organiser.
-« Je suis désolé monsieur Régnier, je croyais que Marie était votre femme », répondis-je timidement à Paul.
-« J’aurais bien épousé cette femme si la polygamie aurait été permise par nos coutumes, je sais que votre culture permet à l’homme d’avoir plusieurs femmes, ce que nous considérons comme une injustice et une atteinte aux droits fondamentaux de la femme », déclara Paul qui paraissait connaisseur de nos us et de nos habitudes. Je pensai un instant à sa propre femme qu’il a laissée dans l’autre continent pour venir trimbaler avec Marie dans ce coin perdu du monde, elle méritait aussi l’égard et le respect escompté par toutes les épouses. La compagnie d’une autre femme est un acte déconseillé par la bonne et juste raison, notre religion ne tolère guère ce genre de comportement déraisonnable. Je n’osai pas m’engager dans ce sujet conflictuel sachant le caractère obstiné de Paul, et puis j’étais ravi de recevoir la confiance de cet homme qui suscitait de plus en plus mon étonnement et mon admiration. En plus, je savais que beaucoup d’arabes de Ténès transgressaient ces lois divines en s’offrant le luxe de femmes de moeurs légères.
-« Mon esprit d’anarchiste me permet une marge de liberté, c’est mon droit à la vie », avoua-t-il pour justifier un fait qu’il n’osait pas qualifier de péché. Il me parla longuement de l’anarchisme comme un système politique idéal pour gérer une nation, il me dit que les anarchistes étaient à l’origine de la révolution française de 1789 et que c’est eux qui ont renversé les bourgeois pour faire triompher la liberté et la dignité pour tout le peuple.
-« Notre mouvement est né suite à cette révolution justement, pensé par des sociologues, des philosophes et des intellectuels européens illuminés tels que l’anglais William Godwin et les allemands Max Steiner et Friedrich Hengel qui ont partagé la conviction des révolutionnaires qui étaient pour la majorité des anarchistes », me dit Paul en marchant à petits pas avant de s’asseoir dans l’un des bancs en bois éparpillés dans ce magnifique espace de verdure fraîchement parfumée. Je pris place à son coté écoutant son interminable discours sur l’anarchisme depuis sa création, je sentis un instant qu’il voulais me convaincre afin que je comprenne mieux ses idées et finisse par adhérer à son mouvement. Je gardais le silence en répliquant par un oui de la tête à chaque fois qu’il m’interpellait pour retenir mon attention. J’apprenais beaucoup en écoutant cet homme qui trouvait du plaisir à me raconter sa vie de militant politique.

-« Au jardin de la ville les oiseaux font l’accueil
Aux paroles que racontent les pétales dans les feuilles,
Les couleurs se marient et ajoutent la douceur
Aux odeurs parfumées de nectar dans les fleurs. »

-« Au jardin de la ville la beauté est offerte
Au silence qui décore la vallée d’ode verte,
Le soleil se replie au passage des nuages
De l’automne qui annonce la venue de l’orage. »

-« L’anarchisme n’est pas un système local seulement, c’est une pensée universelle mon ami », me dit Paul après un moment de silence court, « Beaucoup de communistes ont rejoint notre parti au cours de son existence par la suite, je cite l’exemple du Français Pierre Joseph Proudhon, et des russes Bakounine et Tropotkine » Ajouta-t-il avec une élocution instructive que j’estimais nécessaire pour mieux connaître ce monsieur qui tint mon impression avec ses bonnes manières, sa souplesse d’esprit et ses engagements francs.
L’éclaircie du soleil disparut soudain sous les gros nuages laissant place à un paysage tristement gris. Les premières gouttes de pluie annonçaient l’averse rapide que drainait le vent froid parmi ses nœuds qui emportaient l’amas des feuilles brunâtres, jetées par les arbres dans les allées du jardin. Nous nous levâmes pour rejoindre Marie avant qu’il ne pleuve sérieusement. Paul parlait toujours en précipitant le pas dans le chemin du retour, je le suivis avec le même ton.
-« Nous sommes les précurseurs de la démocratie et de la liberté en France, nous avions été trahis par tous les gouvernements élus à la présidence par une majorité d’électeurs médiocres et ignorants », dit-il en pressant le pas dans cette allée de terre battue.
-« Le drapeau noir est notre emblème, c’est un choix délibéré pour exprimer notre refus des lois de cette législation qui a toujours négligé notre existence et piétiné nos droits, nous nous bâterons pour toujours jusqu’à ce que justice soit rétablie », annonça-t-il sérieusement.
Marie nous attendait debout, abritée sous son parapluie dont la bordure était dentelée d’ornements en forme de nœuds de papillons, nous fîmes ensemble les pas jusqu’à la messagerie, le gros feuillage des ficus protégeait nos têtes de la pluie qui s’accentuait de plus en plus.
-« Venez vous abriter dans mon bureau, votre diligence partira dès que l’orage aura passé », dit l’employer de la messagerie quand nous arrivâmes à son niveau.
-« Vous devez penser à avoir une salle d’attente pour le repos de vos voyageurs », répondit Paul toujours avec ses airs provocateurs en pénétrant dans le bureau, un petit espace avec plein de sacs de lettres et de colis éparpillés un peu partout.
-« La messagerie est chargée du courrier et des marchandises, c’est à la compagnie du transport de servir correctement ses clients », rétorqua l’employer qui parut gêné de recevoir une telle remarque.
-« C’est la municipalité qui m’a chargé d’effectuer cette tache supplémentaire, autrement dit ce n’est pas mon travail », dit-il avec le même air embarrassé.
-« J’ai entendu dire à Alger qu’une ligne ferroviaire est en cours d’étude, un jour nous prendrons le train pour Ténès, ainsi ces petits problèmes seront totalement réglés », dit Paul en observant la pluie qui arrosait intensément Orléansville par ce jour d’automne.

-« Au jardin de la ville les platanes se relèvent
Des racines de leurs graines jusqu’au ciel de leur rêve,
Les épines qui côtoient le feuillage et protègent
Les pétales du soleil et l’hiver de la neige. »

-« Au jardin de la ville les ruisseaux coulent de source
Pour aller dans des vagues jusqu’au bout de leur course,
Le bassin des poissons aux écailles dorées
Est une stèle au milieu d’un espace adoré. »

Jean et Lévi nous rejoignirent dans le bureau de la messagerie, pris dans cette averse de pluie passagère qui rappela les sombres journées de l’hiver.
-« Difficile de visiter la ville par un temps aussi mauvais », observa l’employer aux deux hommes qui arrivaient trompés d’eau.
-« En effet la ville est presque fermée, il n y a pas grand-chose à voir », dit Jean en s,essuyant le visage grâce à un mouchoir qu’il sortit de sa poche.
-« Oui, vous avez sûrement remarqué que la ville est toujours en construction, beaucoup de choses restent à faire afin de persuader les touristes ou les commerçants de s’ y installer », dit l’employer en faisant de l’ordre dans ses marchandises et ses papiers pour mettre plus d’espace dans son petit bureau.
-« La ville est toujours une sorte de caserne militaire, il y a plus de soldats que de civiles dans cette cité », dit Paul avec un enthousiasme qui dérangea l’employer de la messagerie qui sortit de son bureau après que la pluie cessa de tomber et l’éclaircie du soleil réapparut dans le ciel vite dégagé de ses nuages gros.
-« L’orage est bien passé messieurs dames, votre diligence démarrera dans un moment, vos bagages sont déjà à bord, préparez-vous pour la traversée du Dahra », dit l’employer à l’ensemble des voyageurs entassés dans son petit bureau.
-« Nous quittons enfin Orléansville », s’exprima Paul, paraissant soulagé de quitter cette ville qu’il ne semblait pas apprécier.
-« Ténès est un petit village plus attrayant que vous allez sûrement mieux aimé », répondit l’employer en sortant de la messagerie suivi des passagers.
-« Ténès est une petite ville avec une lourde histoire », répliqua Lévi.
-« Oui », dit l’employer, « le traducteur arabe qui vous accompagne vous dira plus sur cette ville », reprit-il en me regardant, pressé de retourner finir ses taches avant la fin de la journée.
-« Vous êtes dans la troisième diligence, montez à bord s’il vous plait », ajouta-il énervé par les observations successives de Paul.
-« A vos ordres chef ! », fit Paul en ricanant.
-« Au revoir messieurs dames, je vous souhaite un excellent voyage », dit l’employer pour finir le discours avec ce monsieur irritant qui avait une réponse agaçante à tout.
Nous sortîmes de la messagerie pour nous diriger vers la diligence qui nous attendait avec deux autres voitures et un groupe de soldats cavaliers qui devaient escorter notre caravane jusqu’à Ténès.
-« Nos éclaireurs estiment que le chemin est sauf, faites un bon voyage, profitez de la nature, nous sommes là pour votre protection si jamais une attaque arrive », nous annonça un officier à cheval, venu nous accueillir avec son uniforme bleu nuit boutonné jusqu’au cou, et ses bottes noires cirées comme un miroir qui lui montaient jusqu’aux genoux. Le cavalier était coiffé d’un chapeau à cornes, armé d’un fusil à son épaule et d’une épée pendue au large ceinturon qui lui cernait la taille.
-« En voiture !!! », cria le cocher avec une voix nasillarde à partir de son siège élevé au niveau de la toiture au devant de cette diligence, plus grande que celle du service de la gare. Le carrosse était plus grand et plus spacieux, les sièges à l’intérieur étaient plus confortables et chaque voiture était tirée par quatre chevaux d’une envergure vraiment remarquable.

…/…

Kader...
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