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     La mort du père
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Expéditeur Conversation
gemo
Envoyé le :  28/11/2012 17:01
Plume d'argent
Inscrit le: 24/10/2012
De:
Envois: 226
La mort du père
La mort du père
Un grain de sable m'a dit, qu'un jour, qu'il revenait de l'Est, d'une terre marneuse, foulée par des soldats qui jouaient à la guerre, ils le faisaient avec tant de sérieux que c'en était inquiétant. Il s'était accroché à la guêtre d'un jeune troufion qu'un ordre aboyé, avait jeté par terre, et qu'il avait fait avec lui un bien triste voyage.
Voici ce qu’il m’a dit.
A peine rentré au camp le petit troufion fatigué, sale, n'eut pas le temps de s'asseoir, qu'un adjudant l'interpella d'un ton sec et cassant; « toi, chez le commandant ». A pas las, lents et hésitants à l'approche de cette porte gardée par un planton en arme, il se posait tout haut cette question : « Qu'ai-je donc fait? ». Il frappa: Entrez! Deux pas en avant, un salut règlementaire et un garde à vous crispé, ses jambes tremblotaient au point de me décrocher. Il entendit :
« Ton père est mort soldat, prépare ton paquetage, ta
permission est prête, tu reviens dans 5 jours, rompez».
J'ai cru un court instant par un fléchissement que mon hôte tombait et que moi, je resterais là, sur ce sol plastifié laid et aussi froid que l'accueil. Après un demi-tour pas très règlementaire, alourdi de chagrin, son pas raclait le sol, je sentais simplement par des petits sursauts, les sanglots silencieux qui agitaient ce corps d'adolescent. Il en a mis du temps pour rejoindre la chambrée, pour reprendre son souffle et essuyer ses yeux, ne pas montrer aux autres qu'il avait pleuré. Un homme ça ne pleure pas, surtout en uniforme. Étaient-ils au courant ? Et pourquoi ce silence, pourquoi tous ces regards, pourquoi ce fut si long avant qu'il ne s'asseye sur le rebord de son lit. Puis cette longue plainte la tête entre les mains, ne pouvant plus retenir ce trop-plein de tristesse et c'est en grosses larmes que la douleur coula. Chacun des compagnons, par un mot par un geste, témoigna de son soutien et sans rien demander, lui préparèrent son paquetage.
Que le voyage fut long, tous ces changements de gare, la Police militaire dans chacune l'arrêtait, sa tenue de combat n'était pas règlementaire, les accords d'Evian avaient été signés, mais les craintes d'attentats restaient toujours très fortes. Tout ce temps perdu à expliquer chaque fois la même histoire : le régiment en manœuvre dans l'Aisne, le décès, la seule tenue possible, avec toutes ces vérifications interminables, on a loupé le train. Tout ce temps à attendre et ces regards curieux, mais que regardaient-ils ?, sa capote trop longue, son ceinturon trop large, Adonis déguisé, les moqueries des jeunes, la compassion des vieilles, et ces regards douteux, insistants et ces propositions bizarres pleines de belles promesses, mais en échange de quoi? Je ne suis qu'un grain de sable et je ne comprenais pas, lui non plus, puisque nous avons dû fuir. Arrivé enfin à destination, en pleine nuit, il devait faire très froid, parce qu'il marchait très vite et pourtant grelottait si fort que j'ai failli tomber, c'eût été trop bête pour moi d'en rester là, en terrain inconnu avec tous ces bruits que je ne connaissais pas. Comment pouvait-il faire, par une nuit si noire pour marcher aussi vite et sans hésitation sur ce chemin bordé d'arbres dénudés qui, agités par le vent ressemblaient à des fantômes qui se frottaient l'un à l'autre et grinçaient, en longs gémissements parfois inquiétants, comme des voix d'outre-tombe, leurs ombres se penchaient vers nous comme pour nous enlever.
Nous arrivons vers une petite maison avec son corps de ferme, une pâle lueur au travers du carreau, un chien sorti de nulle part qui à grands coups de langue vint lui lécher la main, sa queue tapait si fort que c'est sur le brodequin que je me suis retrouvé. Une fois la porte ouverte, que de gens attablé, leurs sourires cachait mal les cernes de leurs yeux, encore humides d'avoir beaucoup pleuré. De longs enlacements plus parlants que les mots, beaucoup de tendresse et de simplicité. Dans la pièce d'à côté où il entra, il vit son père sur un lit allongé, ses mains jointes priaient, son beau visage enfin débarrassé de toute sa souffrance, semblait apaisé. Un voisin et ami, il s'appelait Fernand, était auprès de lui et le veillait. Je ne savais pas, je ne suis qu'un grain de sable, ce qu'était la mort, mais j'ai trouvé, malgré la peine, ce moment très beau, intense, profond, peut-être, tout simplement humain.
Moi petit grain de sable, je suis resté là, où j'ai trouvé ma place
Gemo
Honore
Envoyé le :  1/12/2012 10:20
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39530
Re: La mort du père
J'ai admiré ce grain de sable dont les sentiments particulièrement humains ont touché mon cœur;
HONORE
pierwatteble
Envoyé le :  6/1/2013 18:18
Plume de platine
Inscrit le: 3/11/2007
De: 73410 LA BIOLLE
Envois: 2041
Re: La mort du père

J'ai aimé te lire. Je ne sais si c'est ce que tu as exprimé mais lorsque j'ai connu cet instant, je me suis senti seul...un homme.
La mort révèle toujours la place des petits grains de sable que nous sommes à l'échelle de l'univers.Merci. Amitiés.


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