Plume de satin Inscrit le: 6/3/2012 De: Envois: 33 |
La Pie et le Dindon La Pie et le Dindon
Dame Pie, de fort longue date, connue pour sa verve notoire, Avait à tout propos la hâte, afin de se faire valoir, De se répandre en profusion de rhétorique de son cru Et pléthore d’ostentation par vanité toujours accrue, De se carrer et de se croire dans les louanges du savoir.
Or il advint qu’un jour d’automne, Maître Dindon, et en personne, Lui vint énigme formuler Que nulle glose (on s’en étonne) Auparavant n’eut démêlée :
« Dame Pie, docte chère, Consentez, je vous prie, À éclairer mon esprit, Et délier quelque affaire Qui, jusqu’à vous, me conduit.
– Dites-la-moi mon cher ami ! Répond, hautaine, notre Pie.
– Il s’avère assurément, Lors le jour chéant au soir, Le Soleil par moi devant, Je ne puis fort concevoir,
Face à ce dieu, me couchant, Qu’il soit dès l’aube venue Dans mon dos reparaissant, Révélé au sein des nues…
– Comment cela ? telle question Serait source d’appréhension ? Je m’en vais la cause exposer, Repart la Pie tout de fierté… »
Et tandis que la verbeuse se répand en nébuleuses, À ces atermoiements, le Dindon s’impatiente, Et, se faisant plus pressant, harangue notre savante :
« Hâtez-vous, dit le gallinacé, Je souhaiterais entendre Et me languis d’attendre De l’énigme la clé !
– Fort bien, réplique la bavarde, Sur-le-champ, lumière je darde : Et ceci et cela Que nenni ? Blablabla… »
À ces mots, il demande ce qu’elle chante, Toise notre commère, ainsi la répondante Aussitôt lui suggère :
« De mener tel débat Il n’est point d’exigence, Car chercher cet état Est vaine doléance,
Or à nul n’en déplaise ; Roi Soleil a ses aises !… »
Voilà qui fut parlé. Et non point désolée, Sur cet ajournement de piètre bienséance, Désertant promptement, prétextant quelque urgence, L’altière s’envola laissant dans l’embarras Notre Dindon pantois…
Qui donc ne se méprend sur telle ou telle chose, Fabriquant belle prose, lorsqu’il est ignorant ? Ou trompe-t-il ainsi, par vaniteux dessein, L’entendement d’autrui en un grossier dessin ? Car l’orgueilleux, toujours, exhibe ses atours Et veut dissimuler bornes de sa pensée.
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