Plume de platine Inscrit le: 30/1/2010 De: Envois: 2762 |
Le don du cerf (conte pour petits et grands) Depuis tant d’années il est là , il vit dans son bateau, nul ne sait quand il est arrivé.
Peut-être la nuit ? Il reste assis pendant des heures et des heures, dévisageant les passants...
Les bateliers sont inquiets, sans famille on est dans la douleur.
Je suis le promeneur comme ils aiment le dire. Non pas de nom !il faut savoir conquérir leurs cœurs et leurs confiances.
Alors je suis là , seul compte leur bateaux qu’ils astiquent sans cesse, la moindre tache de rouille et les voilà qui frottent sans relâche.
Un jour, je me suis retrouvé nez à nez avec le batelier venu de nulle part. Nous nous sommes regardés… instinctivement je me suis assis et il m’a adressé la parole.
-Alors mon gars ?
-Bonjour Monsieur.
-T’en as pas marre d’arpenter ce bord de Meuse ? Y-a tant de beaux pays. Tu peux me croire, j’ai fait le tour du monde quatre fois.
-Pourquoi me parlez-vous ? Les autres bateliers sont si inquiets pour vous,ils disent que vous ne leur parlez pas .
-Qu’ils aillent au diable ! Je n’ai besoin de personne.
-Mais pourquoi me parlez-vous ? j’insiste ! -Ben mon gars, c’est à toi que je dois parler, le chamane me l’avait dit.
Et toi, je t’ai cherché depuis si longtemps . Quatre tours du monde mon gars ! Pour te trouver enfin ici.
Mon crime est grand. Ton esprit ne me quitte plus! L’offrande ne vaut rien s’il est fait trop tard.
Et à toi, je demande pardon pour t’avoir retiré la vie ô grand cerf majestueux. Prends ma vie ou quitte mon esprit.
-Vous devenez fou ? Quel charabia !
-Non !Non ! Il ne faut pas partir…je dois t’expliquer.
Il y a fort longtemps j’ai tué un cerf, juste par plaisir car j’aimais la chasse. J’étais très riche dans ma vie d’avant . C’était en Sibérie…Alors, un chamane venu de nulle part les yeux remplis de larmes m’a expliqué que je devais faire une offrande et remercier l’esprit du cerf.
J’ai rit et lui ai refilé une poignée de roubles qu’il a jeté à terre et m’a dit ; L’homme blanc de nulle part erreras de longues années, l’esprit de la bête le rongera, il sera seul, sans famille et sans ami.
Il lui faudra trouver la réincarnation du cerf, alors sa douleur s’en ira peut-être.
-Tu vois promeneur, l’importance de ta venue.
-Comment serai-je cet esprit ? Comment le savez-vous ?
-J’en suis sûr ! Il y a une tristesse dans tes yeux sans nulle pareille.
-Allons monsieur le batelier, je ne crois pas en ces
balivernes.
-Alors, je suis condamné à souffrir.
-Si ça peut vous faire plaisir, je vous pardonne.
-Ah ha ! Si c’était si facile ! Je dois danser le rite réparateur qu’un chamane en Amérique du Sud m’a appris.
-Bon, si ça peut vous faire plaisir.
Le bougre s’embarque dans une danse incroyable, j’ai l’impression de voir la scène du crime.
Il tombe à terre, la souffrance est terrible. L’animal agonise, l’homme n’est plus. Il sort de sa bouche des sons bestiaux.
Puis il se relève, il est redevenu le chasseur. Il implore une dame dans une langue qui m’est inconnue. Ces gestes sont humbles, je devine que l’intention est de demander le pardon.
Je suppose que c’est Dame nature. Mon sourire a fait place à la curiosité...
Tout à coup ! Sans rien y comprendre tout devient étrange, je me redresse et mon corps est celui d’un cerf. Je sens le poids de mes bois. Je suis ce cerf ! Je suis ce cerf !
Alors, dans une langue bizarre je parle Ă mon bourreau.
-Homme, tu as pris ma vie, rien de toi n’as été offert en contre partie.
Tu consacreras le reste de ta vie à protéger la nature, tu éduqueras les enfants pour qu’ils aiment et protègent toute vie sur terre.
A ces conditions, je fait ce don… je sortirai de ton esprit.
Puis brusquement, je reprends mes esprits. Le batelier est devant moi, Ă genoux.
-Grand merci majestueux cerf. Tous tes vœux seront exhaussés.
Je ne sais pourquoi, j’ai mis ma main sur sa tête.
-Va en paix et quitte ce rivage.
Vingt années se sont écoulées, durant lesquelles je n’ai dit un mot de cette histoire à personne. Qui m’aurait cru ?
Et un jour, j’ai reçu une enveloppe du Brésil , à l'intérieur une photo sur laquelle on y voyait l’inconnu du bord de Meuse entouré d’enfants d'un village d’Amazonie.
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