Monique lisait le billet de John avec effroi. L’écriture y était à peine lisible :
sa main avait tremblé, aujourd’hui davantage. Vu le temps en plaine, sa grande fatigue, pourquoi avait-il pris autant de risques ? Elle pensa soudain qu’il ne partait jamais sans son portable, puis qu’elle avait mis le sien ne mode silencieux. L’avait-il appelée qu’elle n’eût pu l’entendre évidemment. Et, oui ! John avait tenté de la joindre. Le message laissait entendre un silence que le vent harcelait et, plus loin Monique perçut un gémissement étouffé. Un seul et plus rien.
Monique était perplexe, elle décida d’attendre un autre appel, peut-être. Ce n’était pas la première fois que John partait à l’aventure en solitaire. C’était un aventurier plutôt casse-cou et n’était-ce pas aussi ce qu’elle appréciait chez lui, au tout début ? L’aimait-elle encore cet intrépide qui pouvait être d’une extrême douceur dans l’intimité. Elle allait et venait d’une pièce à l’autre ne trouvant rien à rectifier par extraordinaire. Ces évocations la pénétraient d’un émoi inattendu proche du plaisir. Oui, nous étions de merveilleux amants.
Il y avait bien longtemps qu’ils ne s’étaient promenés sur la route forestière du Sapenay. L’été dernier ils avaient goûté ensemble la luxuriance et le calme des lieux ; c’était l’amitié qui les tenait et c’était bon tout de même. Alors pourquoi ressentait-elle encore du désir ? Elle avait perdu la foi mais le retrouvait dans son cœur comme on retrouve parfois son Dieu, dans son âme, après un temps d’indifférence. Et donc cet amitié là contenait une empreinte amoureuse indélébile un sentiment compact et insécable.
Dans le salon, elle considéra une armoire en chêne un peu haute. Et comme si elle eût voulu enfin trouver un lieu peu accessible et donc probablement à épousseter, elle monta sur une chaise. Il y avait bien de la poussière et, plus étrangement, deux enveloppes. Sa curiosité aiguisée, elle ne réfléchit pas bien longtemps avant de l’assouvir. A l’évidence ces missives étaient là cachées, n’auraient jamais du être trouvées, au moins dans l’esprit de John. Elle saisit ces enveloppes. La première assez importante contenait des radios du tube digestif, estomac, intestins. Dans l’autre elle trouva un commentaire qui ne laissait pas trop planer le doute. Monique se sentit soudain submergée par autant de tristesse que de révolte. Trop injuste.
Alors, elle tenta de rappeler John sur son portable. Il était maintenant injoignable. Sa décision fut immédiate, elle appela la gendarmerie qui, estima qu’il y avait des éléments assez graves pour justifier le déclenchement des recherches.
Elle demeurait là sidérée sous le choc et le souvenir s’imposa comme s’il devait réécrire leur vie commune. Sur la route forestière ils couraient l’un vers l’autre aussi vite qu’ils le pouvaient dans la neige profonde. A bout de course, ils tombaient puis se rejoignaient pours’étreindre follement. Leurs lèvres gourmandes écrasaient de petits cristaux de neige. Reverraient-ils le chevreuil surgissant d’un jet de poudreuse ? Mais non, pas maintenant, ils oubliaient tout, ils étaient en eux- mêmes. Ils étaient eux-mêmes tout et partie du plus beau des paysages baignant dans l’euphorie blanche et silencieuse.
Monique était très émue, ne voulait pas faire le deuil de ces instants là . On sonnait à la porte d’entrée. La gendarmerie arrivait probablement.
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