Vous m'avez laissé tout nu
avec mes branches glacées de solitude...
Vous m'avez oublié:
pas assez beau pour vous avec mes gouttes au nez...
Vous m'avez abandonné comme un bonnet usé
me laissant en haillons sur le bord du sentier...
Vous m'avez trahi
car vous aviez peur de mes frissons cachés...
Vous m'avez jeté comme un chiffon mouillé...
Pourtant, je vous ai choyée
dans le berceau de mes bras tout tremblants...
Je vous ai consolée dans vos nuits trop glacées
veillant de tous mes yeux sur vos douleurs trop fortes...
De vos larmes, j'en ai fait des glaçons
pour vous donner l'ivresse tout au creux de vos verres...
Je vous ai cajolée près de la cheminée en feu
pour essuyer les pluies sur vos habits fripés...
Je vous ai tant donné
et même un vieux manteau d'hiver
que mon père m'avait offert
avant de partir par un ciel étoilé...
Lorsque je vous voyais trembler
par les grands soirs de neige
je vous apportais des laines
et un petit vers chuchoté dans vos oreilles
pour vous remonter...
C'est moi qui mettais comme un voleur
lorsque tout s'endort
la bouillotte sous vos petits pieds gelés...
Et puis vous êtes partie
pour un printemps plus beau,
pour un printemps plus chaud,
pour un printemps de fleurs...
et vous m'avez laissé là
avec mes larmes dans un vase fêlé...
gérard
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"Aucun poème ne sera si grand, si noble, si véritablement digne du nom de poème, que celui qui aura été écrit uniquement pour le plaisir d'écrire un poème"
Extrait de "L'Artiste" de Charles Beaudelaire