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     Je ne veux pas m’endormir – 9
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Expéditeur Conversation
pierwatteble
Envoyé le :  12/2/2012 13:40
Plume de platine
Inscrit le: 3/11/2007
De: 73410 LA BIOLLE
Envois: 2041
Je ne veux pas m’endormir – 9


7 heures du matin. Monique était arrivée au pas de course. Non, elle n’était pas venue la veille au soir. Elle l’avait embrassé à la sauvette sur le front puis s’était retournée brusquement en haussant les épaules. Elle l’avait embrassé comme on embrasse un frère, comme d’habitude, et voilà que ce baiser, aujourd’hui, le troublait plus que de raison : l’enfant, qui demeure en tout homme, réclamait un vrai câlin.

Monique avait dû percevoir cette disposition et, plus émue qu’agacée, elle avait fui en jouant les dures : possible que les amantes restent mères et qu’au jeu dangereux de l’amour elles adjoignent leur poupée de l’enfance. Pourtant Monique n’avait jamais envisagé de mettre un en enfant au monde. La poupée de son enfance avait suffi.

John regardait son écran comme le vide d’une morne plaine à l’heure des sillons fumants ; la terre retournée luisait en quelques endroits que le soleil d’hiver atteignait en déchirant les hardes de brume. Il n’avait pas mis le nez dehors mais il connaissait parfaitement ces visages des saisons qui lui semblaient plus accueillants lorsqu’il vivait d’amour avec Monique. Il se sentait si mal qu’il ne parvenait plus à zapper ce spleen. Monique s’activait à deux pas, refaisant sûrement son lit bien qu’il lui ait déjà dit qu’il n’en était pas question…c’était, il y a quelques jours de ça, aujourd’hui il était épuisé.
Monique réapparut un plumeau à la main. Elle commença à épousseter les meubles du salon, puis elle dit en continuant sa tâche : « Tu me fais de la peine, John ? Tu dégringoles dans la dépression et tu ne fais rien pour t’en sortir.
- Je ne suis pas dépressif. Et ça ne te regarde pas d’ailleurs !
- Peut-être ! Mais je m’aperçois que ta façon de vivre a des répercussions sur ta santé !
- Qu’est-ce que t’en sais, Monique, n’invente pas ce que tu ne sais pas.
- Je vois ce que je vois, John ! Tu as mis du linge au lavage et je me suis rendu compte que tu avais vomi.
- Parce que, ça ne t’arrive jamais à toi ?
- Ne sois pas de mauvaise foi, John, s’il te plaît. Revois ton toubib, ce n’est pas normal que ça se reproduise aussi souvent. Elle ne te soigne pas correctement. A moins que ne tu ne prennes pas ce qu’elle t’a prescrit. Il est vrai que tu n’écoutes personne.
- C’est fini ? demanda-t-il avant de s’enfermer dans le silence.

Elle termina ce qu’elle avait entrepris avec une indifférence feinte en lui tournant le dos. John admettait qu’au fond, il pouvait être vraiment con, parfois. Il la regardait évoluer d’un œil égrillard et ses désirs d’antan le tenaillèrent soudainement. Il en ressentit de la honte, de même que de la perplexité : comment pouvait-il éprouver ça pour elle, lui qui n’aurait pu faire l’amour sans aimer. Son regard continuait à épouser ses formes tandis qu’une violente douleur s’insinuait au bas de ses côtes.

John retrouva son écran, les sillons fumants de la morne plaine, soupira sous l’effet de cette douleur profonde qui le traversait de part en part, et perdit conscience. Quand il revint à lui, Monique le soutenait sur son siège, il vit ses lèvres remuer mais il ne l’entendit que quelques secondes plus tard :
- C’est invivable, vraiment. Admets que j’ai raison. J’étais à deux doigts d’appeler le 15.

John demeurait silencieux, étonné de cette résurrection. Monique embraya à nouveau :
- John, nous sommes suffisamment amis, j’ai l’impression que tu me caches quelque chose.
- Tu voudrais jouer les psys avec moi, je rĂŞve !
- Pour moi, ce n’est pas un rêve, plutôt un cauchemar, si tu vois.
- Alors, ne viens plus ici si c’est trop dur. Ca ne va pas forcément s’arranger ! Lança-t-il à la fois ironique et bravache.

John nota l’éclat des yeux de Monique qui étaient splendides quand l’émotion les baignait. Dieu savait qu’il aimait s’y perdre jadis, mais il ne put soutenir son regard. Il n’était pas en état de grâce. Alors il baissa la tête et dit « pardon ». Monique le rejoignit, lui prit sa tête dans ses longues mains et entreprit de caresser doucement ses cheveux. Il se laissa aller à cet instant exceptionnel avec la ferveur d’un mendiant. Jadis, Monique et lui ne faisaient qu’un et il n’y avait rien à retrancher : ni gagnant, ni perdant. L’amour les rendait vigoureux. Elle lui embrassa le front, puis elle s’exclama : « Ho, lala, il est tard, il faut que je me sauve. Prends soin de toi. ».

La porte se referma et les pas de Monique se perdirent. John pensa, alors, qu’il l’aimait encore. S’était-il aimé à ce point qu’elle avait fini par lui échapper. Aujourd’hui, elle ne lui appartenait plus, mais elle était toujours là. Lui, comment aurait-il pu s’aimer. Certes il pouvait cohabiter avec son ombre ; une inconnue qu’il apprivoisait au fil des jours et qui s’évanouissait dans l’obscur désert de ses nuits. L’ombre n’est jamais rien que ce que le soleil en fait ; la sienne l’attendait au tournant dans un rapport impitoyable qui ravivait sans cesse ses tourments. Cet ombre plombait son esprit sans qu’il pût la répudier.

Il se traîna tout le jour d’un point à un autre de l’appartement pour ne pas somnoler. Une petite voix s’égosillait dans son crâne, en répétant inlassablement : « je ne veux pas dormir ». Une fois encore, il retrouva la nuit et l’oppression qu’elle engendrait toujours. Est-ce que la solitude l’effrayait ? Il pensa rappeler son pote. Que lui dirait-il ? Les ombres sont guère compréhensibles…

Pierre WATTEBLED


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