Du monde des vivants...
quel ne fut pas notre bonheur lorsque nous vîmes alors que nous voguions, errant,
au sortir de la corne, vers le sud ; les flottes courir les littoraux conquis Ă leur
tour, abandonnées parce que sommées de reprendre la route du nord, coupées
du ravitaillement par nos harcèlements jusqu’alors défendus, se regrouper
en légions abandonnant leurs navires et courir en terres pour rejoindre leurs
bastions repliées dans leurs forteresses, nous exultâmes, cette victoire tant
attendue me réjouit d’une si longue frustration de trois années de souffrances
endurées, mon second alors occupé à nourrir nos pigeons voyageurs, entra
brusquement dans mes quartiers, et posa ce message sur le bord de la commode
contre laquelle j’étais appuyé, bercé par quelques songes comme à mon habitude,
son sourire et son accolade m’irradièrent d’une joie qui me fit l’embrasser,
sur le front, nous étions assoiffé et parvenu à quelques encablures de Caterta,
ma compagne, comme à son habitude avait prémédité notre libération, et s’était
approchée, ô sagesse féminine, tout ceci était écrit dans le livre du cœur des
hommes, nous nous sourîmes et fûmes traversés d’un bonheur qui nous irradia
de la tête aux pieds, ma compagne courut à l’extérieur pour annoncer la nouvelle,ah,
c’est tout le pont qui s’embrasa, mes hommes avaient entonné une gigue, le soleil
embrassait le sol, ses rayons irradiant Ă leurs tours les murs de la timonerie en
un spectacle merveilleux, l’atmosphère de nos derniers jours de navigation avait été
préparé à ce jour, nous criâmes notre joie de vivre, dansâmes avec mon second, puis
à l’appel des chefs de tribus, sortîmes à l’air libre pour assister au spectacle de notre
accostage aux abords des falaises de craie et d’albâtres situées devant les plages de
la belle Caterta qui nous accueillit en une effervescence de couleurs, de sauts et de cris,
de courses, de sourires, d’embrassades à l’approche de nos chaloupes que nous en
oubliâmes nos heures de guerres les plus terribles. J’avais à cœur d’oublier plus encore
le tumulte dans lequel nous avions été mêlés durant notre traversée des déserts
jusqu’aux abords de Babylone puis d’Alexandrie, dont je me remémorais les batailles,
sans cesse, depuis notre précédent départ de la magnifique Caterta plus belle encore
en ce jour heureux que par le passé, mais la vue du sable, fit jaillir à nouveau l’ampleur
de nos mouvements que la mer précipita en mon esprit, Babylone, ô Babylone, siège de
toute les tentations où s’étaient répandue les plus vils desseins, les plus sombres heures
de l’humanité, battait Son plein de vie, frappait le monde de ses éclatantes victoires,
hurlait son dédain, son orgueil, je portai mes mains sur mes tympans et tentai de refouler
cette vision, mais elle fut plus forte que moi, me terrassa, mes hommes vinrent Ă moi,
tandis que ses images obsédantes affluaient, ses orgies, ses dédales poussiéreux, ses
palais innombrables bardés de soieries , de corps enchevêtrés, couverts de la volupté
d’une jeunesse incestueuse, des allers et venues, des perles, des diamants, des rubis et
des étoffes bigarrées, jalonnaient d’immenses salles confinées dardées de colonnes aux pieds desquelles, des animaux de toutes les espèces, attachés ou en liberté cohabitaient avec les humains, intrépides, juchés sur des sous-sols emplies des richesses cachées, et protégées par les troupes de Nabukodonosor dont la seule évocation retentissait comme un cri de frayeur dans la mémoire du monde des vivants...
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